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L'Inde, nouveau "partenaire externe" de l'AIE

Incontournable de la scène énergétique mondiale puisque représentant 17,5% de la population mondiale en 2016 et 3ème consommateur d’énergie dans le monde après la Chine et les Etats-Unis, l’Inde a rejoint l’AIE le 30/03/2017 en tant que « partenaire externe ».

« On ne peut parler de l’avenir des marchés de l’énergie sans discuter avec l’Inde »

déclarait le directeur exécutif de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), Dr Fatih Birol, en novembre 2015.

Le paysage énergétique de l’Inde

L’Inde aujourd’hui

La situation actuelle de l’Inde rappelle celle de la Chine il y a quelques années. En effet, avec 1,3 milliards d’habitants, elle compte plus du septième de la population mondiale, faisant d’elle le 2ème pays le plus peuplé de la planète. Elle est également la 3ème puissance économique mondiale en PPA[i] avec un PIB[ii] qui a atteint $8 662 Mds en 2016 et elle affiche un taux de croissance économique en PPA de 7% en 2016 (à titre de comparaison, le taux de croissance des Etats-Unis est de 1,6 % en 2016).

Peuplé et en pleine croissance économique, le pays consomme énormément d’énergie : 723,9 Mtep d’énergie primaire (sans compter la biomasse à usage domestique, qui consomme environs 200 Mtep) en 2016 soit 5,5% de la consommation mondiale. La consommation par habitant est encore faible (0,57 tep/hab/an), mais elle augmente rapidement.

Le mix énergétique indien, sans compter la biomasse, repose principalement sur les énergies fossiles (93% en 2016).

Abondant sur le territoire, le charbon est l’énergie fossile la plus consommée en Inde, suivie par le pétrole dont l’approvisionnement est facile et accessible. Ensuite, vient le gaz naturel qui, malgré ses avantages environnementaux, ne dispose pas d’une infrastructure bien développée pour son acheminement. Cependant, avec l’augmentation de la consommation, les importations de charbon ont été multipliées par 4,5 entre 2006 et 2016 et celles du pétrole ont doublé pendant la même période et ont atteint $70,2 Mds en 2016, renforçant la dépendance énergétique du pays et posant la question de la sécurité énergétique.

Le mix électrique lui aussi repose sur les énergies fossiles, et plus particulièrement sur les centrales thermiques à charbon, qui produisent 68% de l’électricité en Inde. L’hydroélectricité assure 13% de la demande totale, mais les 2/3 du potentiel de cette source sur le territoire ne sont pas exploités. Ceci est dû à des oppositions publiques et des contraintes environnementales et techniques telles que les forêts.

Fort consommateur de fossiles et de biomasse, le pays est aujourd’hui le 3ème émetteur de CO2 dans le monde. Les émissions indiennes proviennent principalement des centrales à charbon d’une part, qui sont peu performantes et fonctionnent avec un charbon de qualité médiocre (l’Inde émet entre 50% et 120% de CO2 de plus par kWh produit par rapport aux centrales thermiques en Europe) ; et d’autre part, de la combustion de la biomasse qui n’est ni efficace ni complète. Alors l’Inde a vu ses émissions doublées au cours des 10 dernières années pour passer de 1257,3 Mt d’eqCO2 en 2006 à 2271 Mt d’eqCO2, mais qui sont 3 fois plus faibles que la moyenne mondiale par habitant.

 

L’Inde demain

Pays probablement le plus peuplé de la planète dès 2025, la population indienne devrait atteindre 1,6 milliards d’habitants en 2040. Avec la poursuite du développement économique (environs $19 500 Mds de PIB en PPA en 2030), la modernisation du pays et la lutte contre la pauvreté, de nouveaux modes de vie devraient émerger, poussant à l’urbanisation et à consommer plus d’énergie : transport, plus de confort, bâtiments et infrastructures en ciment, etc.

 L’AIE estime selon son « New Policies Scenario » que la demande énergétique indienne va bondir de 100% d’ici 2040 pour atteindre 1 900 Mtep. Cette augmentation représente, seule, 25% de la croissance de la demande énergétique mondiale.

Le mix énergétique indien en 2040 devrait reposer encore d’avantage sur les fossiles et l’Inde sera probablement dès 2020 le premier pays importateur de charbon. Sa consommation de pétrole va croitre également et représentera 45% de l’augmentation de la demande pétrolière mondiale. Les importations devraient passer de 3,6 Mb/j en 2016 à 7,2 Mb/j en 2040 faisant d’elle le 2ème plus gros importateur de pétrole après la Chine. La dépendance énergétique du pays en sera accentuée avec notamment 90% de sa demande pétrolière importée.

En plus, l’électrification du pays devrait s’intensifier avec notamment le projet « 24x7 Power For All » qui prévoit l’amélioration de la qualité du réseau électrique et le raccordement de 240 millions personnes au réseau d’ici 2019. Le parc électrique devrait ainsi croître de 4,9% par an selon les projections de l’AIE. Alors, l’Inde aura besoin d’installer 880 GW de capacités supplémentaires d’ici 2040 (soit 7 fois le parc actuel français qui fait 130 GW). Une partie importante de cette croissance sera assurée par des capacités de production d’énergie renouvelable qui représenteront 40% du mix électrique en 2040 contre 8% actuellement (sans compter l’hydroélectricité).

Bien que l’Inde soit largement en dessous de la moyenne mondiale en termes d’émissions de GES[iii] par habitant, ce chiffre croît annuellement de 5% en 2016. Ces émissions sont alors vouées à augmenter fortement comme l’anticipe l’AIE qui projette que l’Inde sera le premier contributeur à l’augmentation des émissions de GES d’ici 2040.

La majorité des projections futures du paysage énergétique indien est issue du « New Policies Scenario » développé par l’AIE au sein de laquelle l’Inde a activé son statut de partenaire. Alors, quel est exactement le rôle de cette agence sur la scène énergétique mondiale ?

L'AIE

L’agence internationale de l’énergie est une organisation internationale fondée par des pays membres de l’OCDE[iv] en 1974 suite au premier choc pétrolier. Elle est basée à Paris.

Ses pays membres doivent nécessairement faire partie de l’OCDE. Elle en compte actuellement 29.

Son rôle est de :

  • Sécuriser l’approvisionnement en pétrole et gérer les réserves stratégiques en cas de rupture. Elle impose à ses pays membres de disposer de réserves en pétrole ou produits pétroliers équivalents à 90 jours du volume d’importations de l’année précédente auxquels le gouvernement ait un accès direct.
  • Participer au développement économique. En effet, disposant des outils et d’un savoir-faire sur la collecte et l’analyse des données des différents pays dans le monde, elle produit des rapports et des recommandations destinés essentiellement à ses pays membres tels que le WEO « World Energy Outlook », des rapports sur les perspectives technologiques et ses études sur la projection à moyen terme du marché pétrolier, marché du gaz, marché du charbon, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

En 2015, l’agence a créé le statut « partenaire externe » qui permet de renforcer les liens de coopération avec les pays ne faisant pas partie de l’OCDE mais dont il est nécessaire de se rapprocher car 95% de la croissance énergétique mondiale sera réalisée par ces pays d’ici 2040.

Le partenariat Inde – AIE

A la lumière des situations actuelle et future de l’Inde, cet accord permettra de mener à bien le développement énergétique du pays. En effet, L’AIE dispose d’une plateforme de discussions et d’échanges autour des enjeux géopolitiques de l’énergie et l’Inde peut désormais y participer et défendre ses idées, ses intérêts et ceux des pays émergents notamment sur les problématiques liées au changement climatique.

L’inde, en tant que pays partenaire, peut également participer aux sessions de formation, de développement des compétences et aux séminaires qui traitent des sujets tels que l’efficacité énergétique, les réglementations ainsi que les plans d’urgence. A travers le renforcement et le développement de ses relations avec l’AIE, elle participera aussi à l’élaboration de ses plans d’urgence en cas de rupture d’approvisionnement, répondant ainsi à son besoin de sécurité d’approvisionnement au regard de sa grandissante dépendance énergétique.

De plus, l’Inde bénéficie des recommandations, des conseils sur les perspectives et les nouveautés en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables produits par l’AIE. Le pays pourra ainsi mieux cadrer et positionner ses projets notamment concernant les énergies renouvelables, particulièrement importantes dans le paysage futur indien.

Enfin, l’Inde peut profiter de l’expertise de l’AIE en matière de collecte et d’analyse de données afin d’améliorer ses méthodologies notamment au niveau d’études prospectives, essentielles pour l’élaboration d’une stratégie énergétique à long terme pour un pays en développement.

Quant à l’AIE, ses membres et partenaires représentent désormais 70% de la consommation mondiale de l’énergie. Cette croissance de gouvernance donne à l’agence plus de visibilité à l’international et assoie son statut d’un acteur incontournable dans le monde de l’énergie.

Elle a également accès direct aux données locales de l’Inde. Ces données sont importantes pour les projections de la consommation, des importations, de l’impact sur l’environnement et du développement des énergies renouvelables.

Sans compter que cet accord a un rôle sécurisant et stabilisant pour les autres pays de l‘AIE, qui est, avant tout, la raison d’être de l’agence, car l’Inde a mis à disposition des réserves d’urgence de pétrole et participe aux plans de gestion de celles-ci en cas de rupture d’approvisionnement.

 

Pour conclure, l’Inde, avec sa forte croissance économique et sa forte demande énergétique, fait face aujourd’hui à des problématiques telles que la sécurité d’approvisionnement, l’intégration des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’environnement et le réseau électrique. L’accord avec l’AIE jouera le rôle d’accompagnement durant cette phase transitoire. Quant à l’AIE, l’intégration des pays émergents lui permet d’une part de sécuriser l’approvisionnement de ses pays membres, et d’autre part, d’améliorer et développer ses prévisions du paysage énergétique mondial. Depuis 2015, la Chine, la Thaïlande, l’Indonésie, Singapour et le Maroc sont également devenus « partenaires externes ». A quand un accord avec le Brésil ?


Notes & Références :

[i] PPA : Parité de Pouvoir d’Achat

[ii] PIB : Produit Intérieur Brut

[iii] GES : Gas à Effet de Serre

[iv] OCDE : Organisation de Coopération et Développement Economique

India Energy Outlook 2015

International Energy Agency www.IEA.org

BP Statistical Review 2017

BP Statistical Review 2007

Central Electricity Authority – annual reports:  www.cea.nic.in

Government of India Ministry of Power: www.powermin.nic.in

Center for Strategic & International studies:  www.csis.org

US Energy Information Administration: www.eia.gov

World Economic Outlook Database, April 2017

World Bank forecasts for India, January 2017

 Economic Times Energy World www.energy.economictimes.indiatimesenergy.economictimes.com