La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le 9 mars 2015, la Banque Centrale Européenne (BCE) lançait officiellement son programme de rachat d’actifs dans le cadre du « Quantitative Easing » (QE).
Après avoir traité le 04 août dernier des premiers effets constatés au regard de l’inflation, de la taille de bilan de la BCE, de l’évolution des taux de change et de la balance commerciale, ce nouvel article est dédié aux effets potentiels de ce « bazooka monétaire » à l’européenne sur la distribution des crédits, le marché des titres (actions et obligations). Il traite également des premiers freins observés.
Le 3 décembre, Mario Draghi a annoncé le prolongement des opérations de rachat de titres de 6 mois (de septembre 2016 à mars 2017) ainsi que l’élargissement des titres éligibles à ceux émis par les régions et collectivités locales. Il n’est pas prévu de modification du volume mensuel de ces rachats. Le taux de facilité dépôts[1], déjà négatif à -0,20%[2] depuis septembre 2014 a été fixé à -0,30%. Les banques vont ainsi continuer de payer pour déposer leurs liquidités à la BCE. Le taux de prêt marginal[3] a quant à lui été maintenu à 0,3% et le taux de refinancement [4]à 0,05%.
Préalablement, si l’on s’intéresse aux taux interbancaires de référence du marché monétaire, en l’occurrence l’Euribor et l’Eonia, force est de constater qu’ils ont suivi la tendance des taux directeurs (dont ils dépendent).
L’Euribor (Euro interbank offered rate), utilisé par les banques qui se prêtent de l’euro à court terme (de 1 semaine à 12 mois), a connu une chute importante le 4 septembre et se trouve dans des territoires négatifs depuis la mi-avril.
L’Eonia (European overnight index average), utilisé par les banques pour des prêts à un jour, bénéficie d’une chute moins brutale. Cependant, les « pics » de fin de mois (dus aux réserves obligatoires) se font à des taux négatifs depuis le mois d’avril et sont de moins en moins marqués.
Cette tendance est favorable aux banques en termes de réduction du coût de financement interbancaire et implique donc potentiellement une augmentation de l’offre de crédit par le biais de taux d’intérêts moins élevés.
L’un des objectifs intermédiaires du QE est le rachat de titres aux établissements financiers et de facto l’accroissement des liquidités disponibles pour financer l’économie réelle. Il convient donc d’observer l’évolution des encours de crédits dans la zone euro. Pour la première fois depuis 3 ans, ceux-ci ont augmenté en mars dernier (+0,1%) pour deux raisons intrinsèquement liées : les banques sont plus enclines à octroyer des crédits du fait de l’augmentation de leurs liquidités et les clients sont attirés par les taux d’intérêt très bas. Ce regain reste malgré tout faible (consommateurs prudents et plus enclins à épargner, conditions d’octroi de prêt durcies au regard de l’inflation des contraintes réglementaires…). Cette reprise très sensible qui s’était arrêtée en avril avec une croissance globale du crédit aux entreprises et aux ménages nulle, a enregistré une nouvelle remontée en mai (+0,5%) et en juin (+0,6%) poussée notamment par le crédit immobilier. Dans la zone euro, le rythme de croissance de l'octroi de crédit a légèrement accéléré en juillet (+0,9%) et en août (+1%).
Par ailleurs, le QE permet indirectement aux Etats et Collectivités d’emprunter auprès des établissements financiers voire des marchés à des taux historiquement bas. Il est donc légitime de se demander si cette conjoncture a effectivement soulagé ses bénéficiaires d’une part du poids de la dette ou si, au contraire, elle les a encouragés à s’endetter d’avantage. La réponse semble à ce stade mitigée. Prenons l’exemple de la France : la dette publique n’a cessé d’augmenter pour atteindre 2 105,4 milliards d'euros au 30 juin 2015, soit l'équivalent de 97,6% du produit intérieur brut (PIB).
Suite à la crise de 2008, les investisseurs se sont tournés vers des placements plus sûrs, de type obligataire notamment. L’un des objectifs du programme d’assouplissement quantitatif est d’inciter les investisseurs à se tourner vers des placements plus risqués comme le marché des actions, grâce à la nette baisse du rendement obligataire et de manière à assurer leurs rendements. A cet égard, l’EURO STOXX 50 ainsi que le CAC40 ont d’abord fortement augmenté suite à l’annonce du 22 janvier. Cette envolée a connu un coup d’arrêt le 24 août, qualifié de « lundi noir », en réaction à la volatilité des marchés asiatiques sur fond de morosité économique en Chine. La hausse des marchés européens observée tout au long du premier trimestre 2015, en partie dû à la politique accommodante de la BCE, est désormais presque entièrement annulée.
L’annonce de ce 3 décembre a eu pour premier effet de rassurer les marchés et d’améliorer le taux de change EUR/USD. Une chose est sûre, nous traversons actuellement une période de forte volatilité des marchés due à plusieurs facteurs comme l’instabilité des marchés asiatiques, l’incertitude entourant la remontée des taux de la FED ... Or, assurer la stabilité monétaire est une des premières missions de la BCE qui doit ici lutter contre des facteurs exogènes.
[1] Le taux de rémunération des dépôts est le taux d'intérêt au jour le jour auquel sont rémunérés les excédents de liquidités des banques placés auprès de la banque centrale.
[2] Le 4 septembre 2014, avant même le lancement du programme de QE, la banque centrale européenne a abaissé ses trois taux directeurs.
[3] Le taux du prêt marginal est le taux au jour le jour auquel la Banque centrale prête des liquidités aux banques.
[4] Le taux de refinancement est le taux auquel les banques peuvent emprunter auprès de la banque centrale.