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Entre l’été 2017 et l’été 2018, les vols long-courriers entre l’Europe et New-York assurés par la compagnie Low Cost Long-Courrier Norwegian ont, pour la première fois, transporté plus de passagers que ceux de la compagnie traditionnelle British Airways (1,67 million de passagers pour Norwegian)[1].
Entre l’été 2017 et l’été 2018, les vols long-courriers entre l’Europe et New-York assurés par la compagnie Low Cost Long-Courrier Norwegian ont, pour la première fois, transporté plus de passagers que ceux de la compagnie traditionnelle British Airways (1,67 million de passagers pour Norwegian) [1]. Au départ de Paris cet été, il y avait plus de compagnies Low Cost Long-Courrier que de compagnies traditionnelles proposant des vols vers les États-Unis (6 contre 4)1. La compagnie Norwegian a proposé 4 fois plus de vols au départ de Paris qu’à l’été 2017 [2].
Pour le moment, ces vols Low Cost restent majoritairement assurés au départ des grands hubs mondiaux et des capitales européennes. Mais cette montée en puissance des compagnies Low Cost Long-Courrier amène de plus en plus les aéroports à se poser la question de l’accueil de telles compagnies.
Cette nouvelle typologie de compagnie ainsi que l’augmentation du trafic aérien sur le long-courrier (5 à 7% d’augmentation par an entre l’Europe et les États-Unis [3]) vont en effet avoir des impacts opérationnels pour les aéroports aussi bien à l’arrivée qu’au départ. Dans la suite de cette étude, les différents impacts de l’accueil de compagnies Low Cost Long-Courriers (abrégées en LCLC) seront étudiés tout au long du parcours de la « touchée avion » (qui commence lorsque l’avion se pose sur le tarmac jusqu’à son décollage).
Impacts sur le parcours arrivée :
Après l’atterrissage, l’avion se dirige vers son terminal pour débarquer ses passagers. Le premier impact du modèle LCLC intervient sur le choix du terminal d’arrivée qui conditionne aussi celui du départ. Alors que les flottes des compagnies Low Cost Court et Moyen-Courrier sont composées d’avions de moins de 180 passagers comme l’A319 (156 sièges pour EasyJet), les avions Low Cost Long-Courrier et leurs 250 à 300 passagers (un B787-900 a une capacité de 309 passagers chez Norwegian) nécessitent un terminal avec un hall d’arrivée et un hall de départ pouvant absorber ce flux. Du côté des aéroports ayant décidé de dédier un terminal au Low Cost, ils ont majoritairement adapté l’infrastructure de ces terminaux aux capacités des avions Low Cost (moins de 180 passagers).
Pour réduire leurs coûts de redevance, les compagnies Low Cost peuvent être tentées de stationner sur un poste au large, accessible par des bus de piste ou un cheminement piéton. C’est le cas du terminal 3 de l’aéroport de Charles de Gaulle, desservi uniquement par des bus de piste, et qui accueille la compagnie canadienne AirTransat et les compagnies LCLC WOW Air et XL Airways [4]. Pour autant, ce terminal 3 n’est pas dimensionné pour accueillir beaucoup de vols internationaux simultanément : il dispose en effet d’une unique salle d’arrivée hors espace Schengen et de seulement 3 tapis de livraisons bagages.
Face à cette situation, les aéroports ont plusieurs choix : (1) proposer les mêmes infrastructures pour les compagnies Low Cost Long Courrier et les compagnies Long Courrier classiques, au risque de voir ces dernières demander une renégociation de leur redevance ; ou (2) adapter leur terminal Low Cost pour accueillir des avions long-courriers. Des chantiers d’agrandissement des halls départ et arrivée, d’augmentation de la capacité des tapis de livraisons, ou encore d’amélioration du processus d’acheminement des passagers sont alors envisageables.
Avant de récupérer leurs bagages, les passagers passent par le contrôle de la Police Aux Frontières (PAF). Pour les vols hors espace Schengen, ce contrôle est obligatoire pour tous les passagers qui ne sont pas en correspondance. Pour les passagers en correspondance en revanche, il existe souvent un circuit de correspondance permettant d’accéder directement au hall des départs sans passer ni par la PAF, ni par la livraison des bagages.
Les passagers LCLC qui sont en correspondance ne peuvent pour le moment pas bénéficier de ces circuits car ils ont besoin de récupérer leur bagage. Cette pratique, appelée « self connect », consiste à laisser le passager gérer ses correspondances sans assistance.
Les passagers doivent dont obligatoirement passer les contrôles de la PAF à chaque étape du voyage. Cette multiplication des passages entraîne une augmentation du nombre de contrôles et les options sont limitées pour y faire face :
Les deux dernières options sont les plus envisageables et nécessiterons un réaménagement de l’espace et des infrastructures dédiées à la PAF.
Une fois la Police Aux Frontières passée, les passagers arrivent dans le hall d’arrivée pour récupérer leurs bagages. Contrairement aux vols long-courriers classiques, il n’y a pas encore en 2018 de transfert automatique des bagages pour les passagers en correspondance LCLC. Le dimensionnement des infrastructures et la planification des ressources doivent ainsi permettre de livrer les bagages sur des tapis avec une grande capacité : environ 250 à 300 bagages devront être livrés pour chaque vol.
Dans la partie précédente, nous avons vu qu’une meilleure efficacité à la PAF était nécessaire pour éviter des retards potentiels pour ces passagers LCLC en « self connect ». Le processus de livraison bagage se déroule en parallèle de ce processus de contrôle aux frontières. Ainsi, une grande efficacité du processus de contrôle aux frontières ne sera efficace pour les passagers LCLC en « self connect » que s’il est associé à un processus de livraison bagages efficace.
Les aéroports devront ainsi optimiser le processus de livraison bagages et les infrastructures utilisées (comme les tapis). Ceci afin de s’assurer que des livraisons de plus de 250 bagages par vol sont effectuées dans des temps permettant d’éviter un retard aux passagers LCLC en « self connect », qui ont un temps limité pour récupérer leurs bagages et refaire tout le processus d’enregistrement.
Une fois les bagages récupérés, les passagers LCLC dont l’aéroport est la destination finale sortent de la même façon que les autres passagers. Néanmoins, pour de nombreux passagers, leur voyage comporte une (ou plusieurs) escales. En effet, en 2017, le taux de passagers long-courriers en correspondance à Paris Charles de Gaulle était de 30.6 % des passagers [5].
Pour les passagers en « self connect », c’est-à-dire ceux ayant acheté un billet sur un autre vol pour arriver à leur destination finale, un nouveau processus entre alors en jeu.
Hors LCLC, dans la quasi-totalité des grands hubs internationaux, les passagers en correspondance sont pris en charge dès leur arrivée dans le terminal avec un parcours dédié leur permettant d’éviter le contrôle aux frontières, puisqu’ils n’entrent pas dans le territoire, ainsi que la livraison de leurs bagages qui seront acheminés directement dans les soutes de leur prochain vol.
Pour les passagers LCLC, comme nous l’avons vu il n’existe pas de cheminement dédié. Ils doivent suivre le parcours arrivée classique, c’est-à-dire passer le contrôle aux frontières, récupérer leur bagage, puis suivre le parcours départ, soit enregistrer leur bagage et passer l’inspection filtrage. Afin de faciliter le parcours entre le hall d’arrivée et celui du départ, les aéroports commencent à adapter leur signalétique et à créer des parcours simplifiés. Ainsi, des aéroports comme Gatwick à Londres ou Kuala Lumpur en Malaisie ont créé des parcours dédiés au « self connect » avec un cheminement spécifique, des bornes d’enregistrement des bagages dédiées, et un fast-track à l’inspection filtrage.
Le quatrième impact du modèle LCLC sur les aéroports sera ainsi d’adapter la signalétique et le parcours pour les passagers en « self connect », qui doivent récupérer puis enregistrer leurs bagages durant leur correspondance.
Dans les hubs internationaux, ce parcours passager en « self connect » pourra amener à se poser la question du terminal d’accueil des compagnies LCLC. Faut-il les placer proche des compagnies Low Cost Court et Moyen-courrier pour faciliter les correspondances, au risque de créer des hubs Low Cost et de cannibaliser les hubs des compagnies classiques (comme celui d’Air France à Paris Charles de Gaulle ou de British Airways à Londres Heathrow) ? Pour le moment, à Paris Charles de Gaulle, les compagnies LCLC sont réparties entre les terminaux 1 (Norwegian), 3 (WOW Air et XL Airways) et 2D (EasyJet, principale compagnie Low Cost de la plateforme parisienne). Air France, qui concentre 50% du trafic de la plateforme, opère quant à elle depuis les terminaux 2E, 2F, 2G [6] [7].
Impacts sur le parcours départ :
Les compagnies LCLC, comme leurs consœurs du Low Cost Court- et Moyen-Courrier, incitent vivement leurs passagers à s’enregistrer en ligne avant leur arrivée dans l’aéroport. Cela réduit le temps nécessaire à l’enregistrement du vol et le nombre de bornes d’enregistrement à utiliser. Les bornes sont alors utilisées principalement pour l’enregistrement des bagages en soute. De la même manière qu'il existe maintenant des bornes d’édition des cartes d’embarquement en self-service, les aéroports commencent à installer des bornes de dépose des bagages en soute également en self-service. Cela permet notamment de répondre aux besoins des compagnies Low Cost de réduction des coûts des redevances aéroportuaires et de réduction des temps d’enregistrement (les bornes de dépose en self-service permettent de traiter 60 bagages par heure quand les guichets en traitent en moyenne 24 par heure) [9]. Installées dans un nouveau cheminement « self connect », ces bornes libre-service de dépose bagages permettront aussi de fluidifier ce nouveau parcours pour les passagers LCLC en correspondance.
L’impact du modèle LCLC sur l’enregistrement des bagages portera ainsi essentiellement sur le parcours des passagers en correspondance, qui doivent récupérer puis ré-enregistrer leurs bagages dans un temps réduit.
Une fois ses bagages enregistrés, le passager passe par l’inspection filtrage, communément appelée contrôle de sûreté. Il doit passer par un portique de sécurité et ses effets personnels font l’objet d’un contrôle scanner. Comme pour l’enregistrement des bagages, des aéroports comme Gatwick à Londres ont mis en place un cheminement spécifique pour les passagers LCLC en correspondance lors de l'inspection filtrage.
Les compagnies Low Cost facturent en supplément des billets d’avion les bagages en soute. Le bagage cabine restant majoritairement gratuit, les passagers ont ainsi tendance à le remplir, impactant les temps de passage par passager au niveau des postes d’inspection filtrage. L’arrivée de compagnies LCLC dans des terminaux n’en accueillant pas encore impactera donc le dimensionnement des ressources matérielles et humaines de l’inspection filtrage et leur planification.
Au niveau du chargement des bagages, deux zones cohabitent :
Le chargement des bagages dans les soutes commence en général entre une heure et une demi-heure avant l’heure de départ prévue du vol. Le modèle du LCLC est avant tout basé sur des déplacements point à point sans correspondance. Dans les terminaux long-courriers qui accueilleront des compagnies LCLC et long-courriers classiques, selon la proportion de vols LCLC, le taux de passagers en correspondance (hors « self connect ») aura tendance à diminuer. Il en sera donc de même pour le nombre de bagages à stocker dans la zone de stockage. Au contraire, la zone de tri devra être agrandie pour assurer un volume supplémentaire de bagage à trier.
Les aéroports devront ainsi étudier les possibilités de modifier l’infrastructure pour allouer plus d’espace à la zone de tri.
Le hall d’embarquement correspond à toute la zone après l’inspection filtrage. Il comprend dans les grands aéroports les magasins duty free, les restaurants, les commerces, les salons, et les salles d’attente devant les portes d’embarquement.
Pour les aéroports, cette étape dans le parcours passager est importante. Les commissions sur le chiffre d’affaires extra-aéronautique généré par les commerces et services représentent une part non négligeable de leurs revenus. Par exemple, ces activités de commerces et services (boutiques, restaurants, bars, banques, bureaux de change, et plus globalement tous les services payants dans l’aéroport) représentent, en 2017, 26,3% du chiffre d’affaires du groupe Paris Aéroport [10].
L’objectif pour les aéroports est ainsi que le passager passe le plus de temps possible dans cette zone. S’il arrive quelques minutes avant son embarquement, il risquera d’être en situation de stress avec son départ proche, et aura alors moins tendance à dépenser dans les commerces ou les restaurants. S’il arrive plus d’une heure avant son embarquement, il sera à l’inverse plus facilement tenté par des achats impulsifs, ou par des consommations dans les bars et restaurants.
Pour les passagers Low Cost Long-Courrier, nous pouvons séparer les impacts d’une part au niveau des commerces, d’autre part au niveau des restaurants.
Côté commerces, la clientèle Low Cost est plus sensible au prix que celles des compagnies traditionnelles. Les commerces et duty free, devront prendre en compte ce changement dans leur clientèle pour adapter leur offre. Dans des terminaux accueillant des compagnies LCLC, de la même façon que pour ceux accueillant des compagnies Low Cost Court- et Moyen-Courriers, l’accent pourra être mis sur des chaînes du quotidien plutôt que sur des duty free.
Côté restaurants, les passagers seront d’autant plus captifs de l’aéroport que se restaurer est un besoin primaire. Sur des vols long-courriers pouvant durer une dizaine d’heures, le passager aura besoin de se restaurer à un moment donné, soit à bord de l’avion soit lors de son escale. Dans le modèle LCLC, les repas en vol sont, pour la plupart des compagnies LCLC, en supplément pour la classe économique [11]. Un des déterminants majeurs du choix d’un vol LCLC étant le prix, les passagers souhaiteront pouvoir se restaurer au meilleur prix. Ils seront ainsi enclins à comparer les prix entre le repas servi à bord et un repas dans un restaurant de l’aéroport d’escale.
Ces deux facteurs du pouvoir d’achat en moyenne moins élevé et de la nécessité pour les passagers de se restaurer pourront inciter les aéroports à augmenter les concessions de restauration dans les terminaux où opèrent des compagnies LCLC, au détriment des concessions de commerces et duty free. C’est déjà le modèle mis en place pour accueillir les compagnies Low Cost Court et Moyen-Courrier dans une grande partie des aéroports.
Cette diminution du nombre de commerces et des duty free risque d’impacter négativement le panier moyen du passager. Pour contrer cela, certains aéroports proposent des services de restauration thématiques ou des restaurants éphémères, en fonction des saisons ou des événements régionaux, proposant des prix plus élevés que les fast-foods. Néanmoins les aéroports devront faire attention dans leurs offres à ne pas cannibaliser ces revenus extra-aéronautiques au détriment des compagnies LCLC, dont le modèle d’affaires est en partie basé sur les revenus des ventes en vols.
Le processus d’embarquement dépend avant tout de la configuration de l’appareil, de la place disponible dans les coffres à bagages, et du volume de bagages cabine des passagers. Or ces paramètres ne seront pas influencés uniquement par la durée du vol ou la typologie de la compagnie, mais également par la destination et le motif de voyage des passagers (loisir, affaire, etc.).
Il est ainsi difficile à ce stade d’évaluer l’impact opérationnel que pourrait avoir l’augmentation du trafic Low Cost Long-Courriers sur l'embarquement. Dans certains cas, ce dernier pourrait se voir ralenti et notamment compliqué par un volume trop important de bagages cabines, mais dans d’autres l'embarquement pourrait se dérouler de manière tout à fait similaire à un vol long-courrier classique.
Pour le moment, les vols Low Cost Long-Courriers restent majoritairement assurés par les grands hubs mondiaux et les capitales européennes. L’arrivée d’une nouvelle flotte d’avion à long rayon d’action monocouloir comme l’A321 Neo Long Range d’Airbus, plus facile à remplir que les gros porteurs, moins coûteux à l’achat et moins gourmands en kérosène, pourrait dans les prochaines années rebattre les cartes sur les vols intercontinentaux. Dans ce changement de modèle de ces compagnies Low Cost, les aéroports ont une carte à jouer pour faciliter la correspondance des passagers, et ainsi pouvoir leur proposer des services, à la manière des aéroports de Londres Gatwick ou de Milan qui proposent des parcours dédiés pour les passagers LCLC, mais aussi des services payants d’assurance de correspondances manquées. Pour cela, une adaptation de leur infrastructure sera dans de nombreux cas nécessaire.
Sources
[1] Reuters
[2] [7] Cohor - Association pour la coordination des horaires
[3] Les Echos
[4] [6] Site internet de Paris Aéroport, plan des terminaux – Paris Charles de Gaulle
[5] [10] Rapport annuel 2017 de Paris Aéroport
[8] Site internet de Gatwick Airport
[11] Article Sia Partners : « Low-cost long-courrier : quelles innovations pour concurrencer les compagnies traditionnelles ? »