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Les obligations réglementaires ouvrent la voie à une prise en compte systématique des indicateurs extra-financiers pour les entreprises mais également à un niveau plus global pour les Etats.
L’article 225 du Grenelle II, applicable depuis 2012, oblige les entreprises cotées à publier un reporting extra-financier. Depuis 2016, les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 100 M€ et à plus de 500 employés ont également pour obligation de publier ce reporting avec avis motivé sur la sincérité d’un organisme tiers indépendant. Cette obligation réglementaire ouvre la voie à une prise en compte systématique des indicateurs extra-financiers pour les entreprises mais également à un niveau plus global pour les Etats.
La notion de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) est apparue dans les années 60 mais son réel essor n'intervient que dans les années 90. La RSE implique d’aller au-delà des obligations légales inhérentes aux entreprises afin de se rendre bénéfique pour la société. Elle fait ainsi écho aux responsabilités auxquelles une entreprise doit faire face, et couvre des problématiques sociales et environnementales. Le développement durable prenant une place de plus en plus importante dans la conscience collective, des concepts allant au-delà de la seule Responsabilité Sociétale des Entreprises ont fait surface dans les années 2000. Par exemple, la notion de Creating Shared Value développée en 2011 par le professeur américain Michael Porter, qui met en lumière la nécessité stratégique qu’une entreprise a dorénavant à investir dans des thématiques sociales et environnementales. La RSE apparait aujourd’hui comme une réelle manière de se différencier sur le marché.
En 2014, l’Union Européenne a voté une directive visant à rendre obligatoire, pour les entreprises de plus de 500 employés, la publication d’informations non-financières en rapport avec leurs pratiques sociales et environnementales. Le texte concerne 6 000 grandes entreprises européennes. Le Royaume-Uni, la France, le Danemark et la Suède sont aujourd'hui parmi les pays les plus avancés en termes de RSE[1]. Ces obligations réglementaires se sont également développées dans de nombreux autres pays. A titre d’exemple, le King Report of Corporate Governance de 2009 (KING III), mis en place en Afrique du Sud, est perçu comme l’un des textes les plus avancés en termes de Gouvernance d’Entreprise.
En France, depuis 2016, l’article 225 du Grenelle 2, publié en 2012, s’applique également aux entreprises dont le nombre de salariés est supérieur à 500. De plus, cet article instaure l’obligation de vérification par un organisme tiers indépendant. L'un des objectifs du dispositif réglementaire est notamment de permettre aux investisseurs et aux consommateurs de pouvoir évaluer et comparer les entreprises entre elles, afin de modifier leurs choix de portefeuille d'investissements, de biens de consommation, etc.
Afin d’accompagner cette nouvelle dynamique, les entreprises auront besoin d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs les plus fiables possibles afin d’évaluer l’efficacité de leurs actions. Ces indicateurs serviront de base de comparaison pour analyser l’évolution de la situation sociale et environnementale de l’entreprise d’une année sur l’autre et évaluer son positionnement par rapport aux acteurs du secteur.
Ces indicateurs sont nombreux et leur utilisation dépend fortement de l’organisation en elle-même et de la façon dont la stratégie RSE s’imbrique dans la stratégie générale de l’entreprise. Ces derniers doivent être liés à des considérations et des objectifs à long-terme. Ils sont généralement triés par catégorie: social, environnemental et sociétal. L’aspect sociétal englobe parfois les deux catégories précédentes. A titre d’exemple, le recyclage des déchets peut être quantifié par le tonnage de déchets, le ratio tonnage de déchets/tonnage de produits ou le taux de valorisation. Au niveau sociétal, le soutien à la vie associative locale est particulièrement pertinent pour les PME qui cherchent à s’implanter d’une façon pérenne au sein d’une économie régionale.
Le rapport annuel de l’entreprise va désormais au-delà des résultats comptables. Il prend en compte une analyse des aspects sociaux, environnementaux et sociétaux de plus en plus poussée. Par ailleurs, la tendance est d’analyser tous les acteurs concernés de près ou de loin par l’action de l’entreprise. Une compagnie cherchant à valoriser son activité se doit donc de contrôler son empreinte carbone, mais aussi celles de ses sous-traitants, de ses entreprises de service ou encore de ses fournisseurs.
Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à prendre en compte les risques environnementaux ou sociaux[2]. De plus, la prise en compte de critères RSE dans les investissements va accroitre la valeur du bien car il limite les risques que celui-ci représente. Par exemple, la phase de due diligence[3] met en lumière ce nouveau rôle de la RSE dans les fusions/acquisitions. L’acquéreur cherche dès les premières phases contractuelles à se prémunir des risques en les intégrant dans le prix de cession et en prévoyant des garanties conventionnelles, permettant de renforcer les processus dans l’acquisition.
Des indices boursiers socialement responsables se sont, par ailleurs, développés depuis une quinzaine d’années (DJSI, FTSE4Good, ASPI, ESI) permettant de valoriser la performance RSE des entreprises. Ils sont devenus une référence pour les entreprises qui affichent leur appartenance à ces indices. L’Investissement Socialement Responsable (ISR) est l’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et se traduit notamment par le choix d’investir ou de désinvestir en prenant en compte ces critères. L’ISR peut également prendre la forme d’un activisme actionnarial, notamment au travers des résolutions déposées par certains actionnaires lors des assemblées générales. Il est donc tout naturel que les indicateurs RSE se posent comme mode de gouvernance des ISR. Ces deux concepts sont en effet fortement corrélés et les agences de notation ou banques proposant à leurs clients des fonds ISR développent souvent des équipes internes d’analyse RSE. Ainsi, les investisseurs s'appuient dorénavant sur les analyses de plusieurs agences ou encore les études de courtiers qui viennent compléter leurs propres analyses.
Les investisseurs ne se limitant pas qu’aux entreprises, les mêmes pratiques se démocratisent sur d’autres marchés. A titre d’exemple, des méthodologies se développent pour prendre en compte les risques environnementaux dans la notation des Etats qui viennent s’ajouter aux critères classiques liés notamment à la solvabilité du pays. D’après un rapport de l’ONU, une baisse de 10% des capacités de production des ressources biologiques renouvelables peut entrainer une baisse de la balance commerciale comprise entre 1 et 4% du PIB[4]. La richesse d’un pays est historiquement mesurée grâce au Produit Intérieur Brut (PIB) mais ce mode de pensée semble de plus en plus limité. Les biens communs et spécialement ceux liés à l’environnement sont désormais des éléments incontournables des débats politiques et économiques et seront dans le futur d’avantage pris en compte en tant qu’indicateur de richesse.
Notes et sources
[1] Responsabilité sociale des entreprises : Politiques publiques nationales dans l’Union européenne - Commission Européenne (2011)
[2] Les investisseurs de plus en plus attentifs
[3] Due dilligence : audit visant à identifier et évaluer les risques avant de réaliser une transaction
[4] A new angle on sovereign credit risk - E-RISC : Environmental Risk Integration in Sovereign Credit Analysis (2012)