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Entreprise et discrimination : qui veut perdre des millions ?

608 000 euros, c'est le montant des dommages et intérêts auxquels a été condamné Nestlé en 2007 par la cour d'appel de Paris pour discrimination syndicale.

Un ingénieur chimiste syndicalisé a réussi à démontrer qu'il était victime de discrimination de la part de son employeur, et ce, en comparant son évolution de carrière à celui de ses collègues non syndiqués. Cet exemple n'est pas un cas isolé : condamnation par le tribunal de Boulogne Billancourt d'un employeur à verser 110 000 € de dommages et intérêts pour discrimination suite au harcèlement moral d'une salariée en raison de son origine ; Condamnation par la Cour d'appel de Versailles de la société Yellow Media (Future France), à verser une indemnité de 99 694 € à l'une de ses salariées pour discrimination liée à la grossesse...

Aujourd'hui, la discrimination au travail peut coûter très cher. D'autant plus qu'au-delà des condamnations suite à assignation, la loi anticipe et prévoit en amont des amendes spécifiques lorsqu'elle considère que l'entreprise ne respecte pas les règles de diversité imposées dans certains domaines : âge, handicap, sexe... Si la loi encadre plus particulièrement ces trois critères, les motifs de discrimination au travail sont larges.

Ainsi, selon la Halde, la discrimination peut aussi concerner l'activité syndicale, l'apparence physique, les caractéristiques génétiques, les convictions religieuses, l'état de grossesse, les moeurs, les opinions politiques, les orientations sexuelles, les origines, ou la situation de famille.
Jusqu'à combien peut coûter à un employeur des pratiques discriminantes ? Les mesures législatives sont-elles suffisamment dissuasives ? Quels sont les critères les plus sévèrement sanctionnés ?

Tout d'abord, de façon générale, tout acte discriminatoire peut être puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000€ d'amende selon l'article 225-2 du code pénal. A cette somme s'ajoute le montant des dommages et intérêts dus à la victime en réparation du préjudice subi.

Par ailleurs, la loi prévoit des sanctions particulières à l'encontre des entreprises en cas de non respect des quotas fixés pour les trois critères de discrimination suivants :

Mais au-delà des pénalités prévues par la loi, une entreprise qui applique des pratiques discriminantes risque aussi d'écorcher largement son image. En effet, une entreprise pointée du doigt par les médias de façon récurrente pour discrimination risque de faire fuir les clients à la recherche de valeurs communes avec leurs fournisseurs ou encore les employés et les candidats à l'embauche en désaccord avec la politique RH interne à l'entreprise.

De plus, plus de deux tiers des entreprises investissent aujourd'hui dans leur marque employeur (jusqu'à un million d'euros par an pour les plus importantes). Or, l'investissement effectué dans des outils marketing pour améliorer l'image de l'entreprise ne peut être rentable que si la réalité n'entre pas en contradiction avec les valeurs communiquées. Les conséquences d'actes discriminatoires répétés peuvent donc résulter en des pertes commerciales, mais aussi en des pertes de ressources ou encore en l'inefficacité des investissements marketing et de communication déployés.

A contrario, les entreprises peuvent tirer profit des dispositions mises en place par l'État pour lutter contre les discriminations au travail. Ainsi, la loi du 9 novembre 2010 devait permettre aux entreprises qui embauchaient des salariés de plus de 55 ans de toucher 14% du salaire brut mensuel pendant un an (dans la limite de 2 946 € pour 2011). Faute de décret, cette mesure n'a pas encore eu d'effet. En revanche, un décret publié le 17 mai dernier permet aux employeurs qui embauchent un salarié de 45 ans ou plus d'obtenir une aide de 2000 euros.

L'État a donc décidé de passer des sanctions punitives à des lois incitatives. La mise en place d'une politique de discrimination, lorsqu'elle est positive, peut donc même permettre à l'entreprise de « gagner » de l'argent. A voir si ces « primes à la discrimination positive » seront suffisamment incitatives pour permettre d'améliorer le sort des seniors...