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Une tarification pour le biométhane non injecté : un élan pour la filière biogaz

Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui donne les priorités d'actions des pouvoirs publics dans le domaine de l'énergie, a été mis à la consultation du public et ce jusqu’au 15 octobre 2016. Un des objectifs fixés est l’injection de 8 TWh de biométhane en 2023 et 12 TWh en 2030.

La proposition actuelle semble encore trop juste pour atteindre l’objectif fixé par la loi sur la Transition Energétique de 10% d’énergies renouvelables dans la consommation de gaz naturel en France à horizon 2030. En parallèle des injections sur les réseaux français, la France devra donc également mettre en place un système de valorisation du gaz vert non injecté dans les réseaux avec un potentiel à horizon 2030, de 8 TWh.

Actuellement, en France, l’essentiel du biogaz est utilisé pour la production d’électricité et de chaleur. Autorisée depuis 2011, l’injection du biométhane dans les réseaux est en forte croissance et en 2015 on relevait 82 GWh de biométhane injecté [1]. Cette tendance se poursuit car pour le premier semestre de l’année 2016, déjà 80 GWh de biométhane ont déjà été injectés dans les réseaux.

Cependant il est à noter que ce type de valorisation nécessite un système d’épuration du biogaz pour le transformer en biométhane (augmenter la teneur en méthane jusqu’à 96% au minimum et comprimer le biométhane à 20 bar) et un raccordement au réseau qui sont encore coûteux. Ces coûts de transformation et de raccordement sont ainsi responsables du blocage de 40% des projets d’injection.

L’instauration d’un nouveau système de tarification ouvrirait donc d’autres débouchés au biogaz tels que l’autoconsommation de biométhane en tant que carburant ou combustible. Et, dans le cas où la demande locale serait insuffisante, le biométhane pourrait être comprimé ou liquéfié pour être ensuite distribué au niveau d’une station-service ou directement chez un industriel non raccordé au réseau.

Ainsi, le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer pourrait recourir à plusieurs stratégies pour lancer cette nouvelle filière. La première solution serait de mettre en place d’ores et déjà une prime spécifique pour la filière « non injection » qui viendrait s’ajouter au système de tarification existant pour la filière « injection ». Le Gouvernement pourrait également établir un tarif de base spécifique pour la filière « non injection » calculé à partir de nouvelles hypothèses de coûts lors de la prochaine révision des tarifs d’achat garantis qui aura lieu en 2017.

Les coûts de production du biométhane non injecté seraient en moyenne 22% supérieurs à ceux du biométhane injecté

Les articles du code de l’énergie qui prévoient le principe d’achat du biogaz sont relatifs à sa vente sans spécifier sa valorisation par injection ou non. L’injection n’est pas une obligation. Ainsi, le dispositif réglementaire existant pour l’injection pourrait être étendu au biométhane non injecté.

Le Club Biogaz, qui représente la filière, a mis en place un groupe de travail en 2015 afin d’étudier les conditions de mise en place d’un dispositif de soutien pour le biométhane non injecté. Il propose d’établir une prime spécifique pour la filière « non injection », qui viendrait s’ajouter au tarif de base et à la prime intrant qui existent déjà pour la filière « injection ».

Cette prime permettrait ainsi de couvrir uniquement les surcoûts liés à la filière « non injection » tels que l’unité de compression ou de liquéfaction afin de ne pas créer de distorsion économique avec la filière existante.

En appliquant la prime proposée par le Club Biogaz au tarif de base et à la prime intrant, on obtient alors des tarifs d’achat pour le biométhane non injecté en moyenne 22% supérieurs à ceux du biométhane injecté. A titre d’exemple, voici les tarifs applicables pour différentes unités de méthanisation agricoles.

Pour les projets de méthanisation agricole, la non injection semble donc être moins coûteuse que la production d’électricité à partir du biogaz. Ceci s’explique notamment par un rendement brut d’épuration du biométhane de 98% contre un rendement électrique compris entre 35 et 40%. Avec un tel système tarifaire et une valorisation du biogaz agricole en biométhane plutôt qu’en électricité, les charges de service public de l’électricité, acquittées par le consommateur final, diminueraient. Cependant, il faut prendre en compte le fait que pour les petits projets, les coûts supplémentaires des équipements permettant une valorisation locale du biométhane ne sont pas négligeables. L’installation devrait être équipée d’un analyseur de biométhane, d’un compteur homologué, d’une unité de compression ou de liquéfaction et d’une unité de stockage. Le tarif d’achat pour les petites unités deviendrait alors environ 30% supérieur à celui du biométhane injecté.

Quels seraient les impacts de la mise en place d’un tarif d’achat garanti pour le biométhane non injecté ?

Etant donné que le biométhane injecté et non injecté ont les mêmes caractéristiques, on peut se demander si ces nouveaux tarifs impacteraient de manière négative la filière « injection ». En analysant les deux marchés, on s’aperçoit que le biométhane non injecté est compatible avec l’alimentation d’une flotte de véhicules locale en circuit court, avec une autoconsommation de combustible ou encore avec l’approvisionnement en gaz de sites industriels non raccordés au réseau. En revanche, le biométhane injecté est destiné à des consommateurs ayant accès au réseau, avec des besoins en gaz variables et pouvant être éloignés du lieu de production. Ces deux produits seraient donc sur deux marchés différents.

En 2030, 8 TWh de biométhane pourraient être valorisés hors réseau. A cette date, on aurait donc environ 500 unités non raccordées concernées par un tarif d’achat garanti [2]. Or, actuellement, ce sont les unités de méthanisation utilisant des substrats d’origine agricoles et des déchets urbains qui concentrent 90% de la croissance du secteur du biogaz. D’autre part, les ressources utilisables en méthanisation à l’horizon 2030, sont principalement d’origine agricole (92% du gisement mobilisable). C’est pourquoi nous prévoyons que les projets de méthanisation en zones rurales et éloignés des réseaux de gaz seront les plus nombreux à l’horizon 2030 et seront donc majoritairement concernés par une offre de biométhane porté. 

Par ailleurs, en prenant comme hypothèse, une consommation finale énergétique de gaz de 342 TWh en 2030 [3], 8 TWh de biométhane non injectés permettraient d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation de gaz de 2,5% (en 2015 elle n’était que de 0,02%) participant ainsi à l’atteinte de l’objectif de 10% de gaz vert consommé.

Enfin, cette production locale devrait être guidée vers un usage carburant. En effet, l’utilisation du bioGNV présente un intérêt environnemental (réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 97% par rapport au diesel) et sanitaire (réduction de 90% des émissions de monoxyde d’azote et de 100% des particules par rapport au diesel). Il contribue également à limiter la dépendance de la France aux produits pétroliers. De surcroît, les moteurs à gaz sont désormais considérés comme fiables et matures. C’est pourquoi les acteurs publics et privés s’intéressent de plus en plus à la mobilité au gaz vert.

La mise en place du mécanisme proposée par la Club Biogaz poserait encore la question du tarif applicable aux autoconsommations du biogaz pré-traité (combustible) et non de biométhane. Dans ce cas précis, le tarif n’intégrerait pas les coûts d’épuration du biogaz en biométhane ou encore de compression/liquéfaction. Il faudrait donc établir un « équivalent injection biométhane » pour permettre à des industriels par exemple d’autoconsommer leur biogaz.


Sources & notes

[1] Panorama des gaz vert

[2] En 2015, les 17 sites d’injection de biométhane représentaient une capacité maximale installée de 279 GWh. Les sites d’injection de biométhane en France possédaient une capacité maximale installée moyenne de 16,4 GWh en 2015.

[3] D’après la Commission de régulation de l’énergie une diminution des consommations de gaz de - 1 % par an conduirait à une moindre consommation de gaz de l’ordre de 70 TWh à l’horizon 2030.