La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Toutes générations confondues, le taux d'engagement en entreprise n'a jamais été aussi bas.
Un rapport Gallup établit que seulement 13% des travailleurs dans le monde se sentent engagés dans leur entreprise, alors que les entreprises enregistrant les meilleurs taux d'engagement ont aussi une productivité et une profitabilité supérieures de plus de 20% ! L'impact de l'engagement sur le ROI a été largement prouvé, et devient critique avec l'arrivée des nouvelles générations : plus difficiles à retenir et à satisfaire que les générations précédentes, elles sont aussi plus efficaces et innovantes quand elles sont pleinement engagées.
Au-delà des grands discours et des bons sentiments, la stratégie d'engagement des entreprises peut s'adapter à son nouveau public de manière très concrète, en 5 grandes étapes.
Fer de lance des stratégies d'engagement, le questionnaire de satisfaction est aujourd'hui dans la plupart des entreprises excessivement long, ponctuel (une fois par an), et difficilement exploitable.
Or, l'engagement d'un collaborateur n'est pas un état de fait, il évolue chaque mois, chaque jour, au gré des décisions prises, de l'allocation des ressources et de la qualité des interactions. L'image instantanée d'un questionnaire administré en juillet ne permettrait probablement pas d'identifier des problèmes de chauffage qui ont eu lieu en septembre, et qui avaient pourtant fortement démotivé les équipes à cette période. L'utilisation de pulse surveys, des questionnaires courts (dans l'idéal, une seule question, avec la possibilité de répondre directement en cliquant dans le mail) toutes les semaines, permet de dresser progressivement un portrait réel du climat dans l'entreprise. Cette démarche est également rassurante pour les collaborateurs : en cas de problème, ils n'auront pas à attendre un an avant d'être entendus.
Cultureamp, un organisme spécialisé dans la création de questionnaires, a identifié le seuil à partir duquel le taux d'abandon devient exponentiel, qui est de 10 minutes et correspond à une cinquantaine de questions. Il est donc nécessaire de faire un tri et de ne garder que les sujets sur lesquels il sera possible d'agir par la suite. Pour motiver une recrue de la génération Y ou Z à répondre à un questionnaire qui n'est pas obligatoire, sans qu'il ne s'impatiente et abandonne, l'humour et le jeu sont la solution ! En formulant certaines questions de manière ludique, le questionnaire gagnera en intérêt mais aussi en efficacité, car cette démarche atténue la tentation de répondre machinalement. Par exemple, la question classique « êtes-vous satisfait de votre manager ? » pourrait être reformulée sous la forme « quelle est la première chose que vous feriez différemment, si vous et votre manager échangiez de positions ? ». De même, une question inattendue comme « quel film de Disney représente le mieux votre entreprise, et pourquoi ? » permet de donner de précieux indices sur la façon dont l'entreprise est perçue, et de renouveler dans le même temps l'intérêt du collaborateur dans la poursuite de cet exercice fastidieux.
Enfin, une enquête de satisfaction qui n'est suivie d'aucune action crée une frustration et peut avoir un effet inverse de l'effet attendu. Une étude menée par Blessing white sur une entreprise ayant un taux d'engagement de 27% a mis en exergue un passage à 47% lorsque le questionnaire de satisfaction a été suivi d'actions concrètes, mais une baisse à 24% quand rien n'a été fait. Il est essentiel de systématiser la mise en place d'un portefeuille d'actions plus ou moins modestes, afin de prouver aux collaborateurs que l'enquête de satisfaction n'est pas inutile.
Les questionnaires de satisfaction comportent des questions ouvertes pour laisser exprimer les idées et propositions. Il est judicieux de prendre à parti les collaborateurs pour leur proposer, par exemple, de choisir la priorité parmi ces propositions. Crowd-sourcez la construction d'objectifs, et vous pouvez être certains que les participants feront tout pour les atteindre ! Il s'agit d'une démarche de transparence et de valorisation du collaborateur qui permet de redorer l'image de la DRH. Dans le même temps, elle améliore la culture d'innovation et de collaboration de l'entreprise responsabilisant les collaborateurs et en favorisant la recherche collective d'idées. Dans l'idéal, une plateforme collaborative permettra de faire d'une pierre deux coups en acculturant également aux usages digitaux.
Le Rapport Gallup précédemment cité fait un constat étonnant : les collaborateurs en télétravail sont en moyenne plus engagés que les autres ! Il est possible de s'inspirer des avantages dont ils jouissent pour atteindre le même niveau de satisfaction, et donc d'engagement, auprès des collaborateurs dans les bureaux. En effet, les collaborateurs en télétravail sont autonomes et ont reçu la confiance de leur management, ils sont jugés capables de se responsabiliser sur leur travail. Ils gèrent leur temps, leurs tâches et leurs priorités sans avoir un regard managérial par-dessus l'épaule. Les nouvelles générations, plutôt allergiques à l'autorité, apprécieront particulièrement ce rapport de confiance, et la culture managériale de l'entreprise se lestera au passage de toute tendance au micro-management.
Les plus jeunes verront également une marque de respect dans une certaine liberté, accordée dans la gestion des besoins et obligations personnels (aller chez le médecin, suivre des formations du soir, aller chercher les enfants, etc.), dont jouissent les télétravailleurs par la force des choses. Les accords de télétravail impliquent rarement un contrôle des horaires et du temps effectif passé devant son écran d'ordinateur. De même, le travail des générations Y et Z doit se mesurer en objectifs atteints et non en heures travaillées.
Enfin, les télétravailleurs sont outillés et l'entreprise est à l'écoute de leurs besoins technologiques, ce qui est un vrai levier de stimulation pour les nouvelles générations. Ayant grandi avec les usages digitaux, les nouvelles générations sont sensibles à une continuité du confort entre les usages personnels et professionnels, qui semble être une condition sine qua none de leur engagement.
TinyHR a identifié dans son Best Industry Report les deux principales sources d'engagement : la première est une satisfaction liée à la mission ou au projet confié, et la seconde une satisfaction liée aux collègues et au management. Une bonne entente, une dynamique d'équipe et un sentiment d'appartenance sont donc l'un des deux piliers de l'engagement. Bien que ces aspects soient informels, la DRH peut parfaitement les impacter en créant un environnement propice à la convivialité.
Les nouvelles générations ont érigé en modèles de culture d'entreprise les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), précurseurs d'activités et d'environnements disruptifs axés autour de la convivialité et du confort. En écho à ce phénomène, de multiples solutions existent pour redonner de la jeunesse à votre culture d'entreprise et maximiser l'engagement des jeunes recrues. Dans le domaine de la santé et du bien-être, l'organisation de retraites spirituelles, très en vogue dans les start-ups technologiques, peut être remplacée à une échelle plus modeste par des cours de yoga sur le lieu de travail, par la subvention de consultations avec un kinésithérapeute ou par l'aménagement de l'espace par un spécialiste du Feng Shui, une discipline chinoise visant à harmoniser l'énergie environnementale.
Afin de créer un esprit de camaraderie, pourquoi ne pas organiser des lunch & learn, des déjeuners de rencontre et d'apprentissage déjà populaires outre-mer, ou encore des cook-offs, où chacun amène un plat à partager ? En vous adaptant à la culture actuelle de votre entreprise, il est également possible d'organiser des compétitions saines et amicales entre personnes, bureaux, fonctions ou étages, sur des thèmes professionnels, sportifs, ou autres. Le ludisme est au coeur de l'ADN des nouvelles générations, très à l'aise à l'idée de « jouer » au travail. De même, l'organisation de journées « un jour dans la peau d'un autre », afin de découvrir l'entreprise d'un autre point de vue permet de créer une cohésion interne et un esprit de camaraderie qui dépassent les dynamiques et les interactions d'équipe classiques.
Loin d'être gadgets, ces éléments construisent l'identité de l'entreprise, la différencient des autres ; c'est ce que les collaborateurs partageront spontanément avec leur entourage, participant ainsi indirectement au branding de l'entreprise.
La nouvelle génération est en quête de sens. Selon l'enquête Cone « Millenials cause study », 78% d'entre eux sont convaincus que les entreprises ont la responsabilité de faire une différence dans le monde, et que cela devrait être leur principale raison d'être.
Chaque collaborateur doit être en mesure d'identifier une personne dont la journée est quotidiennement facilitée par son travail, ce qui apporte un premier niveau de sens. Il peut ainsi connecter sa fonction au succès d'une mission plus large, puis par effet domino, au succès de l'entreprise en général, ce qui constitue un deuxième niveau de sens. Enfin, l'entreprise doit avoir un impact sociétal positif, qui peut se traduire par une mission intrinsèquement sociale ou humanitaire (ONG, entreprises bio, etc.), ou, pour la majeure partie des entreprises, par un engagement en faveur d'une ou plusieurs causes. Le volontariat du collaborateur sous les couleurs de son entreprise est un gage d'engagement majeur, particulièrement s'il se traduit par des investissements significatifs de la part de son entreprise (allocation de demi-journées de travail à du volontariat par exemple). Des recherches effectuées par la Macquerie School of Management ont ainsi prouvé que les programmes de volontariat en entreprise augmentent l'engagement, la satisfaction et la rétention, et que 93% des employés engagés dans ces programmes sont aussi très satisfaits de leur employeur.
L'engagement des collaborateurs n'est pas un sujet nouveau, mais n'a longtemps été qu'un élément de la marque employeur, un parmi tant d'autres dans l'agenda des DRH. Aujourd'hui, l'engagement est un sujet de stratégie globale de l'entreprise, et fait partie des priorités de l'agenda des CEO. Cette priorisation constitue une belle opportunité pour la DRH de devenir un influenceur majeur sur les décisions stratégiques de l'entreprise. Pour cela, elle doit réaliser une refonte complète de son fonctionnement et de ses attributions : son focus n'est plus sur l'intégration de systèmes complexes pour maximiser l'exploitation des ressources, mais sur la création d'un environnement stimulant pour maximiser l'engagement de ces ressources. La posture de Gestionnaire de Talents laisse place à celle de Gestionnaire des Hommes, et la construction d'une marque employeur laisse place à la co-construction d'une culture d'entreprise.