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Avec l’émergence des véhicules autonomes, l’évolution des usages de mobilités et la baisse des accidents, quelle sera la place de l’assurance automobile ? Comment le secteur va-t-il se transformer pour répondre à ces nouveaux enjeux ?
Avec la progression des technologies dans le domaine du véhicule autonome et le début de la mise en place d’un cadre réglementaire adapté (Loi Pacte et Loi Lom), les premiers modèles de voiture autonome devraient être commercialisés d’ici 2025 et pourraient représenter 17% de la valeur du marché automobile mondial. Le renouvellement total du parc automobile ne se fera pas rapidement mais certains impacts devraient se ressentir progressivement. En effet alors que 90% des accidents sont liés à des erreurs humaines [1], le développement des véhicules autonomes semblerait pouvoir diminuer le nombre d’accidents par deux d’ici 2030 [2].
Avec l’émergence des véhicules autonomes, l’évolution des usages de mobilités et la baisse des accidents, quelle sera la place de l’assurance automobile qui représente environ 20 milliards d’euros en France ?
Comment le secteur va-t-il se transformer pour répondre à ces nouveaux enjeux ?
Dans le cas d’un accident concernant un véhicule traditionnel, il est relativement facile de déterminer qui est responsable. Cependant avec les véhicules autonomes et semi autonomes, les parties prenantes (constructeur, conducteur, développeur des softwares…) sont multiples et sont autant de responsables potentiels. Pour les assureurs, il apparaît donc nécessaire de fixer précisément les responsables dans les différents cas de figure. Ainsi les clients pourront être rapidement indemnisés et les 4 millions de sinistres déclarés tous les ans en France ne deviendront pas autant de parcours judiciaires complexes.
Il est estimé qu’un véhicule autonome exploitera près de 4000 Gbits de données par jour entre les caméras, radars, sonars, lidars et GPS dont il sera équipé [3]. Afin d’avoir une vision sur ces données dans le cas d’un accident, la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies a introduit en mars 2016 l’obligation pour les constructeurs de véhicules autonomes de fournir une boîte noire inviolable, à l’image de celle utilisée dans les avions. Cependant de nombreux points restent à préciser sur la possession et l’usage de ces données.
Pour les assureurs, sans un accès rapide, gratuit et non subordonné à l'accord de l'utilisateur en cas de sinistre, il serait difficile de statuer sur les circonstances exactes de l’accident et d’indemniser la victime le plus justement possible. De plus, les assureurs peuvent tirer parti des innovations technologiques et des données pour apporter de nouveaux modèles d’offres et de services, sous réserve que l’accès à ces données se fasse dans un environnement de libre concurrence.
Faute de disposer de données historiques sur lesquelles s’appuyer, les assureurs vont également devoir développer de nouvelles capacités analytiques pour s’adapter rapidement à l’évolution des technologies et proposer une tarification cohérente. L’accès aux données est donc primordial et les assureurs comme Allianz, Axa (YouDrive) et Groupama (Road Coach) qui proposent l’installation d’un boîtier embarqué peuvent dès aujourd’hui accumuler de l’expertise dans l’analyse et l’exploitation des données comportementales et des nouveaux risques liés à ces nouvelles technologies.
A terme, les voitures autonomes devraient permettre de faire diminuer le risque d’accident. Cependant dans les prochaines années, se trouveront mêlés sur les routes véhicules autonomes de niveau 3 de la classification SAE International [4] et conducteurs traditionnels. Or à ce niveau de classification, la prise en charge autonome ou semi autonome de la conduite peut inciter l’inattention du conducteur alors qu’il est nécessaire de garder son attention sur la route. Ainsi le risque de voir augmenter dans un premier temps le nombre d’accidents est bien présent.
Les nouveaux risques ne concernent pas seulement les accidents de personnes. Avec l’intégration du digital dans le véhicule autonome, c’est le risque de piratage qui devient un véritable enjeu. Hugh Boyes, responsable de la cyber sécurité de l’IET, équivalent britannique de l’IEEE [5] en France, a ainsi affirmé que la fiabilité et la sécurité des logiciels utilisés dans les voitures autonomes seront un problème majeur pour les constructeurs et les assureurs automobiles.
Avec l’arrivée des véhicules autonomes, les assureurs doivent ainsi composer avec ces trois problématiques : répartition des responsabilités, accès aux données, et nouveaux risques. Mais la transformation de la mobilité automobile implique également un changement et une adaptation du business model des assureurs.
Avec la possibilité de voir des véhicules se déplacer de façon autonome et à la demande, le transport serviciel et de nouveaux usages vont se développer : flottes de véhicules autonomes, auto partage, covoiturage et économie collaborative. La possession des voitures se transférera en partie des particuliers aux opérateurs de flottes qui seront les nouveaux acteurs à assurer. Selon une étude du cabinet de conseil Morgan Stanley, alors que 80% des assurances automobiles sont actuellement achetées par des particuliers, d’ici 2040 ce nombre tombera à 30%.
Face à ce changement de paradigme, les assureurs devront revoir rapidement leur business model et accepter l’évolution du secteur. La nature et la durée des contrats devront être adaptées aux changements de notion de propriété (contrat attaché à une voiture et non plus à une personne) et d’usages. Les canaux de distribution aujourd’hui conçus pour un modèle B2C devront être également adaptés aux nouveaux acteurs de l’écosystème de la voiture autonome: constructeurs, développeurs, propriétaires de flotte. L’assurance automobile se fera dans une logique de partenariat entre ces différents acteurs. Ainsi, Axa à Hong Kong et QBE Insurance en Australie se sont associés à Tesla pour inclure une assurance dans le prix d'achat d'un véhicule à travers l’offre InsureMyTesla. Dans le cadre de ce modèle B2B, les petits assureurs auront certainement du mal à s’adapter et à négocier de grands accords. Il existe donc un risque de concentration de l’assurance automobile aux mains de quelques sociétés qui disposent d’un bilan suffisamment grand pour s’associer avec les différents acteurs de la chaîne.
Outre ce changement de business model, de nouvelles menaces apparaissent pour les assureurs automobiles. Les Assurtechs américaines nouent déjà des partenariats avec les constructeurs et prennent de l’avance en proposant des offres innovantes. En 2017, Trov, un assureur d’objets électroniques a signé un partenariat avec Waymo [6], constructeur de voiture autonome, tandis que Root a récemment mis en place une offre dédiée aux conducteurs de Tesla basée sur le nombre de kilomètres parcourus en mode autopilote afin de réduire jusqu’à 10% leur prime d’assurance.
Les constructeurs de voiture comme Mercedes et Google [7] ont déjà commencé à s’assurer eux-mêmes et Volvo s’est engagé à prendre ses responsabilités si l'une de ses voitures autonomes était impliquée dans un accident. Une question sensible est de savoir si les assureurs seront toujours impliqués car la taille de ces nouveaux propriétaires de flottes pourrait leur permettre de couvrir eux-mêmes les risques et de s’assurer de façon indépendante.
La transformation du secteur promet donc un impact fort sur l’assurance automobile mais progressif car les véhicules autonomes vont mettre beaucoup de temps à s’imposer. Bien qu’une diminution du nombre de voitures et d’accidents soit attendue, le coût des sinistres sera certainement plus élevé. Les véhicules autonomes sont en effet plus chers et l’électronique embarquée rend toutes réparations plus coûteuses. « Il y a quelques années, un pare-brise pouvait coûter quelques dizaines d'euros à remplacer. Aujourd'hui avec tous les capteurs inclus, on est à plusieurs centaines d'euros”, fait valoir Julien Fursat, responsable de l'offre dommage au sein d'Axa. Quelle seront alors les répercussions sur les prix des assureurs qui désirent garder des prix attractifs ?
A court terme, la prise en charge des nouveaux risques (cohabitation de véhicules semi-autonomes ou autonomes avec le reste de la circulation, cybersécurité) pourrait faire augmenter le montant des primes individuelles. Mais à long terme « La généralisation de la voiture autonome pouvant réduire la fréquence des accidents de 90%, pourrait entamer 50% du chiffre d’affaires » selon Pascal Demurger, directeur général de la Maif. Les assurances doivent donc se préparer dès maintenant avec de nouvelles offres ou de nouveaux services aux particuliers.
Il reste aujourd’hui de nombreuses incertitudes sur les besoins en assurance des véhicules autonomes. Demain le marché sera plus structuré, les besoins plus clairs, et les particuliers penseront davantage à se faire assurer personnellement pour couvrir leurs nouveaux usages de mobilité.
Les nouvelles technologies permettent également de tisser des liens plus étroits avec l’assuré à travers l’ensemble des canaux digitaux. Dans l’assurance de demain, les assureurs peuvent devenir de véritables partenaires pour faire face aux risques du quotidien en n’étant plus de simple payeurs de factures mais en proposant des offres de prévention et de protection. Axa a d’ores et déjà fait un premier pas dans cette direction en améliorant le parcours médical du client en montant un service de télémédecine. Le paiement des sinistres devient l’exception. En Allemagne, Axa a également mis en place un nouveau service autour de l’assurance automobile qui permet aux assurés de trouver la meilleure place de parking.
Certaines pistes et initiatives existent également en ce qui concerne le marché de l’assurance des véhicules autonomes, aussi bien du côté des états que du côté des assureurs. La Grande-Bretagne propose ainsi la piste de l’assurance deux-en-un pour les voitures autonomes. Un contrat qui protège le conducteur à la fois si l’accident se produit lorsqu’il conduit ou lorsque la voiture circule de manière automatique. Ce double contrat pourrait alléger les procédures de gestion du dossier et d’indemnisation mais coûterait à priori plus cher aux assurés.
Du côté des assureurs, Allianz a lancé en 2016 une offre d’assurance automobile spécifique aux conducteurs de véhicules autonomes et semi autonomes. Cette nouvelle offre, dont la prime est réduite de 25%, prévoit de :
Cette stratégie s'avère payante puisque 80% de ses souscripteurs sont de nouveaux clients. Une telle offre semble pouvoir être rentable pour Allianz car le freinage d'urgence peut entraîner une baisse de la sinistralité de l'ordre de 30 % à 80 %, selon un centre de recherche d'Allianz.
L’apparition des véhicules autonomes se fera de manière progressive mais commence dès aujourd’hui à influer sur le marché de l’assurance automobile. Des initiatives sont déjà menées pour répondre aux évolutions de la mobilité et les premiers partenariats entre acteurs de l’écosystème et assureurs sont signés. Sous peine de voir fondre leur chiffre d’affaire à terme face à cette transformation, les assureurs sont donc poussés à développer leur offre et à se réinventer.