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Ces entreprises digitalisent la relation client des fournisseurs

Depuis quelques années, on observe une course à la digitalisation de la relation client chez les énergéticiens : les chats fleurissent, les chatbots se multiplient et les pages sur les réseaux sociaux sont désormais un incontournable.

Le client est aujourd'hui libre de contacter son fournisseur depuis n’importe quel appareil quand bon lui semble. Tout cela dans le seul but « d’humaniser » le parcours Internet du client ?

En réalité, au-delà de simplifier la vie du client, cette digitalisation constitue un axe stratégique majeur pour les énergéticiens pour préserver leur portefeuille sans surinvestir dans la relation client et pour moderniser leur image. Cette digitalisation à marche forcée implique aussi de profondes mutations aussi bien techniques qu’organisationnelles.

Digitalisation rime avec acquisition et fidélisation du client

On appelle « suspect » un client intéressé par les services d’une entreprise mais qui n’y a pas encore souscrit. La capacité à attirer ces « suspects » est primordiale sur le marché de la fourniture d’énergie, où une mise en service d’électricité ou de gaz dans un nouveau logement et donc la « conquête » d’un nouveau client n’est pas si fréquente. Or, le pourcentage de clients commençant un parcours Internet de mise en service et souscrivant finalement à une offre est de l’ordre de 5% seulement. La digitalisation offre plusieurs solutions pour réduire ce taux de 95% d’abandon. Tout d’abord, elle permet de mieux segmenter les « suspects » selon leurs caractéristiques et situation en dynamique (par exemple, recherche d’un logement). Une fois cette segmentation réalisée, des campagnes marketing ciblées sont déployées en proposant des offres adaptées aux besoins. Une fois que le client passe du statut de « suspect » à celui de « prospect » en se rendant sur le site Internet, il s’agit de ne plus le perdre. Plusieurs irritants peuvent jalonner le parcours de mise en service : choisir une offre parmi un large panel ou trouver le numéro de point de livraison. Les canaux digitaux jouent alors un rôle primordial. Une fenêtre chat peut par exemple s’ouvrir après une saisie incorrecte du point de livraison ou du Web Call Back peut être proposé tout au long du parcours.

Une fois le client conquis, il faut le fidéliser. D’autant plus que les contacts entre client et fournisseur sont relativement rares (en moyenne, un client d’EDF décroche son téléphone 1 fois par an pour appeler son fournisseur)[1] ; souvent lors d’un problème d’approvisionnement ou de facture, d’où l’importance de soigner et de sécuriser cette relation. Les canaux digitaux sont un bon moyen de fidéliser le client en lui proposant de l’aide ou des services avant qu’il n’en fasse la demande, par exemple lors d’un dépannage ou d’une facture incorrecte. Ainsi, le client ne doit pas se sentir démuni face à une difficulté et la mise en contact doit être simple, rapide voire pro-active.

La digitalisation bouleverse la gestion de la relation client

Les canaux digitaux s’avèrent plus rentables que les canaux historiques. En effet, à l’échelle du conseiller, plusieurs chats peuvent être traités simultanément avec une satisfaction client souvent meilleure qu’au téléphone. Longtemps cantonnés à un simple canal de SAV, les canaux digitaux se transforment en canal de vente : ainsi, 20% des ventes se réalisent via un canal digital pour Direct Energie[2]. Cette rentabilité est accrue quand la digitalisation se substitue aux conseillers pour traiter les demandes les plus simples. C’est le cas des chatbots, robots logiciels pouvant dialoguer avec un client en langage naturel, qui automatisent la relation client, ou encore du chat communautaire qui permet de transférer la connaissance de la relation client à une communauté d’experts piochés dans le panel des clients et souvent bénévoles.

A une échelle plus large que celle du conseiller, la digitalisation bouleverse aussi l’organisation des centres de relation client (CRC). On assiste depuis le début des années 2000 à une externalisation continue de ces CRC. En confiant leur relation client à des prestataires, les fournisseurs externalisent toutes les problématiques liées à la gestion des CRC, du modèle d’activité à la professionnalisation des conseillers. L’intensification de la concurrence et la montée en puissance du digital conduisent à une complexification de ces problématiques, notamment à de nombreuses évolutions des gestes/pratiques des conseillers, et ce à des rythmes de plus en plus rapides. Cet écosystème impose une adaptation profonde des modes de professionnalisation des conseillers clients tant en termes de formation que d’information, souvent réalisée par des experts externes de la relation client. Ainsi les trois principaux fournisseurs d’électricité français ont totalement ou en partie externalisé leurs CRC : Direct Energie a intégralement sous-traité sa gestion de la relation client à Webhelp[3] avec des CRC basés en partie au Maroc ; Engie a également décidé d’accélérer cette externalisation en 2016, non sans soulever quelques polémiques, en ouvrant des CRC au Maroc via son sous-traitant Acticall[4]; enfin, EDF externalise 40% de ses CRC mais garde une implantation nationale[5].

Un écosystème de start-up favorise digitalisation et automatisation

Une multitude de start-up propose aux entreprises des solutions clé en main pour faire le lien entre conseiller et client sur un canal digital avec une intégration souvent limitée à leur SI. Ces « pure players » offrent agilité, flexibilité et expertise à de grandes entreprises aux SI souvent complexes. Un vivier de start-up françaises rivalise avec les mastodontes américains comme Microsoft, Oracle ou encore Salesforce sur ces canaux digitaux. Les fournisseurs français ont ainsi choisi des prestataires français pour développer le canal chat en 2016 : iAdvize pour EDF, Do You Dream Upii pour Direct Energie. Quant aux réseaux sociaux, Dimelo permet aux trois premiers fournisseurs d’énergie d’y échanger avec leurs clients. Dans un souci d’homogénéité et de réduction des coûts, il est demandé à ces start-up de couvrir un panel de plus en plus large de canaux, mais la plupart se sont initialement spécialisées dans un canal : Dimelo dans les réseaux sociaux, iAdvize dans le chat et Do You Dream Up dans les chatbots par exemple. La facilité d’implémentation que proposent ces pure players a toutefois un coût important sur le long terme, leur système de facturation étant basé sur la volumétrie des interactions.

Avec les progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle, les chatbots se multiplient : Direct Energie vient d’industrialiser un chatbot sur Messenger début 2017[6] avec The Social Client, l’agence conseil d’Acticall ; Engie teste une solution interne[7], « Angie », déployée seulement au Royaume-Uni pour la gestion des factures des services B2B ; enfin, EDF est en phase d’expérimentation avec Recast.AI et avait déjà implémenté l’avatar virtuel « Laura » sur son site internet avec Do You Dream Up depuis 2009. Le chatbot permet, au même titre que le chat, de venir en aide aux clients, à la seule différence qu’il est toujours disponible pour répondre à ses questions. Les chatbots pourraient représenter 40 % des interactions de la relation client en 2020. Chez les énergéticiens, les chatbots sont encore cantonnés au domaine du SAV. Leur potentiel pourra être davantage exploité en les déployant dans des rôles de vente ou de pur relationnel, qui sont désormais accessibles grâce aux nouvelles générations de chatbots. A la pointe dans ce domaine et dans d’autres secteurs, le chatbot JAM qui permet par exemple à ses utilisateurs de trouver des idées de sortie à Paris, ou encore le chatbot développé par l’Oréal en partenariat avec Cossette et Technologies Automat qui permet, à partir d’une description physique, de sélectionner un cadeau adapté. Ces chatbots permettent de fidéliser la génération des millennials, plus volatile, plus connectée et plus réceptive à la digitalisation que ses aînés. Si les fournisseurs historiques veulent sécuriser leur part de marché, il leur sera indispensable de conquérir cette génération.


Notes & sources

[1] Les Echos, Frank Niedercorn, « EDF numérise sa relation client », 2015

[2] Do You Dream Up, « Retour d’expérience Direct Energie », 2016

[3] En Contact, Holden Cofield, « Direct Energie s’appuie sur Webhelp pour améliorer l’expérience client », 2017

[4] L’Est Républicain, « Toul : le centre d’appels Acticall vers la fermeture », 2016

[5] Acticall, « Le service client de EDF : quelle organisation ? », 2012

[6] Relation Client Mag, Floriane Salgues, « Direct Energie lance son chatbot », 2017

[7] Engie, « Angie the Chatbot », 2017