La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Au fur et à mesure de l'avancement dans l'agenda des réglementations encadrant les transactions de produits dérivés de gré à gré, à savoir EMIR, Dodd Frank et Bale 3, on constate une nette augmentation des volumes de transactions traitées via chambre de compensation.
Pour rappel, ces réglementations exigent notamment que la majorité des opérations OTC soient compensées via une CCP (« Central Counterparty Clearing House», chambre de compensation centrale). A titre d'exemple, LCH Clearnet déclare avoir assuré le règlement compensation d'un notionnel total d'environ 30 trillions USD sur le mois de décembre 2012, et atteint presque les 45 trillions USD en avril 2013.
Cette exigence réglementaire, qui concerne certes les grandes banques en Europe comme aux Etats Unis, impacte également des établissements financiers de taille plus modeste, tels que les gestionnaires d'actifs ou les hedge funds. Or, ceux-ci ne répondant pas aux critères d'éligibilité exigés par les chambres de compensation pour devenir « Clearing Members» et effectuer le clearing de leurs ordres directement auprès de la chambre, ils sont contraints de passer par l'intermédiaire d'autres Clearing Members, qui assureront le rôle de broker dans la transaction. Ces établissements, qui sont dans la plupart des cas des grandes banques universelles ou d'investissement, assurent le rôle de « Clearing Brokers » auprès de la CCP. Cette relation client-fournisseur entre l'investisseur et le Clearing Member est appelée Client Clearing.
Ce nouveau modèle est en pleine expansion, et les chiffres l'attestent : le montant notionnel total mensuel des transactions passées en client clearing via le service « Swapclear » de LCH Clearnet a été multiplié par 5 entre août 2012 et avril 2013. Cet engouement pour le client clearing s'explique notamment par le calendrier d'application de la réglementation américaine : le clearing des swaps de taux d'intérêt et de certains dérivés de crédits est obligatoire depuis le 11 mars 2013. En revanche, de l'autre côté de l'atlantique, EMIR imposera le clearing effectif des dérivés OTC standardisés à partir de 2014 seulement. Un certain nombre de points ont fait d'ailleurs l'objet de l'attention des régulateurs des deux côtés de l'Atlantique. En Europe, EMIR insiste notamment sur les points suivants :
Toutefois, ces règles laissent certains degrés de liberté aux Clearing Brokers, ce qui leur permettra d'affiner leurs offres en termes de client clearing. Concernant la ségrégation des comptes clients, deux grandes orientations ont été retenues par les Clearing Brokers et les CCP. Le premier modèle envisagé est la ségrégation physique individuelle, qui consiste à déposer le collatéral de chaque client dans un compte individuel. Ce modèle a l'avantage de réduire considérablement le risque de contrepartie subi par chaque client au titre de son exposition au clearing broker et aux autres clients. Le second modèle est le modèle de ségrégation dite « omnibus ». Selon ce modèle, le collatéral des clients est centralisé au niveau du Clearing Broker qui dépose ensuite la marge initiale agrégée auprès de la CCP. Ceci a l'avantage de réduire les coûts en termes de marge, mais ne permet pas d'immuniser chaque client vis-à-vis du risque de contrepartie lié aux autres clients du compte. En cas de défaut d'un des clients, la CCP prélèvera le collatéral dans le compte commun, impactant ainsi tous les clients du pool. Une alternative moins risquée à ce modèle, envisagée par la CFTC, est la ségrégation omnibus brute, identique au précédent sans netting du collatéral. Si ces modèles sont tous deux applicables du point de vue de EMIR et de Dodd Franck, leur traitement diffère du point de vue de Bale 3 : En effet, la pondération préférentielle de 2% s'appliquant aux portefeuilles d'actifs OTC traités via la CCP ne s'applique au client, dans le cadre du client clearing, que si ceux-ci sont transférables et ségrégés. Ceci peut être une des raisons pour lesquelles la majorité des fonds et gestionnaires d'actifs privilégient la ségrégation individuelle, en plus de la protection accrue qu'elle apporte en cas de défaut.
Du point de vue de la déclinaison opérationnelle, si le coût de souscription à une offre de client clearing reste modeste coté client (compter cinq mois environ pour mettre en place les systèmes d'information et boucler les procédures légales), il n'en est pas de même pour les Clearing Brokers qui devront multiplier ces chantiers par le nombre de clients qui souscriront à leur offre. En effet, dans le cas d'un modèle de ségrégation individuelle, le coût estimé de mise en uvre ce modèle peut atteindre jusqu'à 10 fois le coût d'un modèle omnibus.
Reste donc pour les Banques qui joueront le rôle de Clearing Broker à définir les orientations stratégiques à privilégier en termes d'offres associées au client clearing : Comment refacturer au client les surcouts associés à la mise en uvre de modèles plus sécurisés ? Peut-on identifier d'autres sources de revenus associés à des services et produits annexes ?
De fait, en raison des coûts liés aux dépôts de marge à la CCP et des coûts inhérents aux exigences de Bâle 3 au titre de l'exposition à la CCP, la plupart des établissements de la place admettent que l'activité de client clearing ne génèrera probablement pas un RoE lui permettant de se suffire à elle-même. Elle peut en revanche constituer une offre de départ permettant de réaliser du cross-selling sur des activités connexes. Sur l'axe produits et services, les Clearing Brokers pourront ainsi mettre en avant, dans la mesure de ce qui est autorisé par le régulateur, leurs offres d'Execution Brokerage en complément du Client Clearing, proposer à leurs clients des services d'optimisation de la marge à destination de la CCP, ainsi que des produits de transformation de collatéral (mise en pension de titres inéligibles vis-à-vis de la CCP). L'obligation de clearing peut également être vue comme une opportunité pour les Clearing Brokers de se rapprocher d'une nouvelle clientèle (Hedge Hunds, Asset Managers, ...). Il en découle que les intervenants matures que sont les grandes banques internationales qui proposent déjà un large panel de produits ou de services en lien avec les marchés de dérivés OTC seront probablement plus à même de dégager rapidement et à moindre effort un rendement plus important que des banques de taille plus modestes.