Aller au contenu principal

Des technologies de stockage plus rentables pour les systèmes électriques

Pour s’aligner avec les objectifs qu’elle s’est donnée dans le cadre de la Loi sur la Transition Energétique, la France doit atteindre 40% d’énergies renouvelables d’ici 2030. L’intégration de ces énergies intermittentes n’est possible que si elles sont couplées à des capacités de stockage.

La France possède déjà plus de 6GW de stockage grâce aux STEP, technologie la plus mature et la moins couteuse à l’heure actuelle. Cependant les limites des STEP, initialement conçues pour restituer en journée la production nucléaire nocturne, ont ouvert la voie à l’apparition de nouvelles technologies plus adaptées aux caractéristiques des productions éolienne et photovoltaïque. Si ces solutions ne sont pas encore compétitives, les innovations technologiques vont contribuer à la multiplication par 3 de la capacité de stockage (hors pompage) d’ici 2030.

Le stockage diffus permet d’intégrer des EnR tout en offrant flexibilité et autonomie aux autoproducteurs

Dans un contexte favorable à la croissance des énergies renouvelables décentralisées, la France s’est dotée en avril 2017 d’un cadre législatif[1] permettant aux autoproducteurs de consommer l’électricité qu’ils produisent. En conséquence, plusieurs solutions de stockage à l’échelle résidentielle sont apparues en France pour permettre de gérer le décalage entre les phases de production et de consommation de l’électricité.

 

En tête de cette révolution, les batteries conçues spécialement pour un usage domestique. Tesla, spécialiste des batteries, a été l’un des premiers à dynamiser ce secteur en proposant le Powerwall, une solution de stockage simple d’installation et au design sobre. La dernière génération possède une capacité de 14kWh et coûte environ 7000€. Si Tesla n’a pas communiqué de chiffre sur ses ventes, le succès du Powerwall, qui avait généré 38 000 précommandes suite à son officialisation en 2015, est indéniable.  De leur côté, Scheider Electric avec EcoBlade et Solarwatt avec MyReserve ont misé sur leur expertise dans le domaine des logiciels de gestion de l’énergie en proposant une batterie assortie d’un système d’optimisation des cycles de charge / décharge. Grâce à ce système de pilotage et de visualisation, Solarwatt promet un taux de couverture des consommations de l'ordre de 80 %, pour les installations les plus optimisées.

 

Pour aller plus loin dans l’optimisation de la consommation à la maille résidentielle, SolarCity, une entreprise américaine issue du secteur des services énergétiques, propose depuis 2016 une solution intégrée regroupant des panneaux solaires, une batterie Tesla, un chauffe-eau électrique intelligent et un thermostat Nest. Cet écosystème a été conçu pour optimiser la répartition de l’énergie solaire disponible, le chauffe-eau assurant un stockage thermique complémentaire à la batterie.

Des technologies innovantes voient le jour pour assurer un stockage à grande échelle

Si les batteries ont séduit le marché résidentiel, d’autres solutions comme le stockage sous forme d’hydrogène ou dans des volants d’inertie ne sont pas en reste. Si ces technologies ont un niveau de maturité encore faible, plusieurs pilotes sont en cours pour étudier la viabilité économique et technique de ces solutions afin d’ouvrir la voie vers la généralisation de nouvelles formes de stockage massif des EnR.

Dans la mesure où il offre des possibilités de stockage flexible et de longue durée, le Power-to-Gas, production d’hydrogène à partir d’électricité, a connu un boom ces dernières années. De nombreux pilotes à l’international testent actuellement les différents débouchés de valorisation de l’hydrogène ainsi produit : injection dans les réseaux après transformation en gaz naturel, utilisation directe (dans des véhicules, logements ou processus industriels) et reconversion en électricité. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région productrice d’énergie solaire, se trouvera « Jupiter 1000 [2]», le premier démonstrateur Power-to-Gas raccordé au réseau de transport de gaz en France.

Cette installation, d’une puissance de 1MWe, est la première à cette échelle de production en France. Elle allie une production d’hydrogène à partir de deux procédés d’électrolyse à une technologie de méthanation[3] innovante. La mise en service de l’installation est prévue pour 2018 et permettra de couvrir la consommation moyenne d’environ 150 foyers.

L’hydrogène peut aussi être valorisé sous forme d’électricité. Sur cette technologie, la plateforme MYRTE[4], installée depuis 2013 en Corse, fait figure de pionnière. Résultant de la collaboration du CEA, de l’Université de Corse et d’AREVA, elle utilise la technologie Greenergy Box[5] composée d’un électrolyseur et d’une pile à combustion. Ce dispositif permet le stockage d’hydrogène et d’oxygène obtenus par électrolyse de l’eau en période de faible demande d’énergie et leur recombinaison pour produire de l’électricité lors des pics de consommation. A l’échelle du bâtiment, Sylfen a mis au point le « Smart Energy Hub[6] », un dispositif similaire d’une capacité de 40kW. La start-up française prévoit une commercialisation courant 2018 et s’engage à assurer un coût de l’électricité équivalent à celui de l’énergie achetée sur le réseau national.

 

En complément, les volants d’inertie[7] connaissent en regain d’intérêt. Jusqu’ici, les volants d’inertie étaient peu exploités car ils ne permettent qu’un stockage court. Cependant, ils sont adaptés pour gérer les fluctuations soudaines de la production EnR (passage d’un nuage, rafale de vent). Le marché, bien qu’aujourd’hui dominé par une dizaine d’acteurs dont le leader américain Beacon Power qui opère les deux plus grandes installations au monde (20MW dédiés à la régulation de fréquence), attire de nouveaux entrants tels que la start-up française Levisys qui vient d’ouvrir une usine pour produire des volants d’inertie et qui expérimente déjà sa solution dans le cadre du réseau électrique "intelligent" d’Engie-Ineo à Toulouse.

Ces technologies aux multiples avantages sont en passe de devenir compétitives

Ces nouvelles technologies de stockage viennent compléter les solutions existantes en apportant une flexibilité supplémentaire. Par exemple, les batteries, qui ont pris une longueur d’avance, sont faciles à installer tant au niveau des postes de production d’énergie que sur les réseaux électriques. Cette technologie est donc particulièrement adaptée au stockage résidentiel dont le dynamisme représente un levier de croissance important. De son côté, le Power-to-Gas apporte une réponse à la problématique du stockage long terme pour de gros volumes d’énergie qui n’était possible jusqu’ici qu’avec des STEP. Il est possible de transporter le gaz sur de longues distances et ainsi de conserver longtemps l’énergie produite. Malgré des coûts d’investissement élevés (deux fois plus que pour une batterie), les volants vont profiter de leurs coûts de maintenance très faibles et d’une durée de vie importante pour se créer une place aux côtés de ces nouvelles technologies.

Bien qu’aujourd’hui le stockage par STEP reste le plus rentable, la chute importante des coûts engendrée par la généralisation de ces technologies, devrait en faire d’ici quelques années des modes d’alimentation en électricité compétitifs avec les prix de vente sur le marché. L’ADEME anticipe d’ailleurs une compétitivité de l’autoconsommation PV à l’horizon 2025[8]. De plus, ces nouvelles technologies représentent une alternative verte au mode d’équilibrage du réseau actuel, comme l’utilisation de groupes électrogènes qui pourraient être remplacés par une combinaison batteries / Power-to-Gas.

Si les capacités de stockage installées en France restent modestes par rapport à d’autres pays comme les Etats-Unis ou l’Allemagne, il est certain que le stockage d’électricité va continuer de monter en puissance afin d’accompagner le déploiement des énergies renouvelables, notamment avec l’apparition de technologies encore plus performantes (nouvelles générations de batteries, micro STEP).


Notes & Sources : 

[1] Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité

[2] Site internet du projet : www.jupiter1000.com

[3] Procédé industriel consistant à faire réagir du dioxyde de carbone avec de l’hydrogène afin de produire du méthane

[4] Mission Hydrogène Renouvelable pour l’intégration au réseau Electrique

[5] Technologie développée par Areva

[6] L’équipement est capable de fonctionner comme un électrolyseur pour transformer en hydrogène le surplus d’électricité et, inversement, en mode pile à combustible pour restituer cet hydrogène sous forme d’électricité

[7] Stockage de l'énergie en convertissant de l’électricité en énergie cinétique de rotation et inversement

[8] Ademe, Photovoltaïque : vers une « autoconsommation » rentable?, 2013