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Formation professionnelle : des évolutions encourageantes malgré un bilan 2015 en demi-teinte

Le bilan de l’année 2015 est mitigé par rapport aux perspectives attendues en 2014 concernant les effets de la loi du 5 mars 2014.

Mais si les évolutions réglementaires n’impactent que peu la communication des entreprises du CAC 40, celle-ci témoigne d’ambitions encourageantes pour le développement des collaborateurs.

Formation professionnelle : des évolutions encourageantes malgré un bilan 2015 en demi-teinte

En 2016, La formation professionnelle est toujours au cœur de l’actualité. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels comporte un important volet formation, dont l’un des principaux dispositifs est la création du Compte Personnel d’Activité (CPA) dans le prolongement du Compte Personnel de Formation (CPF).

Sur le volet formation, les perspectives attendues l’an dernier portaient d’une part sur les conséquences de la loi du 5 mars 2014, d’autre part sur l’augmentation du taux d’accès à la formation professionnelle pour l’ensemble des salariés. Si la communication des entreprises du CAC 40 sur l’année 2015 fait l’impasse sur les effets de la loi, elle témoigne d’une poursuite des ambitions internes relatives au développement des collaborateurs, mais dont les résultats sont très variables en fonction des entreprises.

Des évolutions contrastées et peu liées aux contraintes réglementaires

La loi sur la réforme de la formation professionnelle ne semble toujours pas faire l’objet d’importantes évolutions des dispositifs de formation des entreprises du CAC 40

Seule Air Liquide témoigne d’une progression des dépenses de formation et d’une refonte du dispositif suite à cette loi. Si, en 2014, l’absence de communication à son égard était liée au calendrier, les raisons de cette absence en 2015 sont différentes. La complexité de mise en place du CPF retarde très probablement les effets de la loi sur les différents indicateurs formation. Au 1er août 2016, 3,3 millions de français avaient activé leur compte, ce qui représente une faible proportion à l’égard des 20 millions d’actifs éligibles au CPF. Autre bémol, sur ces comptes activés, seules 470 000 formations demandées ont vu leur financement validé[1].

La formation pour tous peine à se matérialiser dans l’ensemble des entreprises du CAC 40

Si la transparence des entreprises sur le taux d’accès à la formation continue de progresser (27 entreprises du CAC 40 communiquent cette année sur le taux d’accès à la formation, contre 23 l’an dernier), les situations sont très variables entre les entreprises. En effet, malgré un objectif largement partagé de favoriser l’accès aux formations à l’ensemble des collaborateurs, la formation pour tous est encore trop rarement une réalité.

Globalement, pour les entreprises communiquant cette information depuis 2010[2], le taux d’accès à la formation continue de diminuer depuis 2013. Si, plus spécifiquement, entre 2014 et 2015, le taux d’accès à la formation reste relativement stable pour les 22 entreprises communiquant cette information pour ces deux années, cette tendance cache néanmoins d’importantes disparités. Le taux d’accès à la formation continue en effet à progresser dans la moitié des entreprises concernées. Les augmentations observées traduisent deux réalités différentes. Pour certaines entreprises, cela témoigne d’une poursuite de la concrétisation de l’accès à la formation pour tous : la moitié des entreprises qui avaient déjà, en 2014, un taux d’accès à la formation supérieur à 80%, continuent de progresser en 2015. Pour d’autres entreprises, cela témoigne d’un rattrapage d’un taux d’accès à la formation inférieur à la moyenne observée dans les entreprises du CAC 40. Finalement, l’accès à la formation pour tous (taux supérieur à 90%) n’est une réalité que pour 5 entreprises du CAC 40 (Accor, Cap Gemini, Crédit Agricole, Michelin, Valéo), chiffre stable par rapport à 2014.

Au-delà du taux d’accès à la formation, la tendance à la baisse du nombre moyen d’heures de formation par salarié se confirme et s’amplifie. Entre 2010 et 2014, le nombre moyen d’heures de formation a diminué dans les deux tiers des entreprises communiquant l’information sur cette période. Par ailleurs, pour les entreprises dont le nombre moyen d’heure de formation par salarié augmente, les augmentations restent très mesurées.

Enfin, la principale attente de l’an dernier portait sur les dépenses de formation en pourcentage de la masse salariale. En 2015, seules 8 entreprises du CAC 40 ont communiqué cette information, contre 10 l’an passé. Néanmoins, la moitié d’entre elles ont progressé sur cet indicateur. Sur ce point, Safran fait figure d’exemple puisque ce taux s’élève à 4,4% en France en 2015, tout comme en 2014.

Si le bilan relatif aux évolutions des indicateurs quantitatifs est plutôt mitigé, les entreprises du CAC 40 ont cependant largement communiqué sur les efforts mis en œuvre pour améliorer qualitativement les formations proposées, afin de créer de valeur tant pour l’entreprise que pour le collaborateur.

La formation comme levier d’innovation et de performance, au travers de l’engagement des collaborateurs

Un alignement renforcé de la formation avec les enjeux stratégiques

De plus en plus, les entreprises communiquent de façon détaillée le contenu des formations, en indiquant les thèmes prioritaires et la cible des salariés. En 2015, pour répondre aux enjeux métier, les programmes ont évolué vers deux thématiques phares, que sont la satisfaction client et la transformation digitale. A titre d’exemple, Carrefour a lancé une formation intitulée « 100% orientés clients » afin de devenir la référence en matière de relation clients dans la grande distribution. Le développement de la culture digitale, deuxième axe de formation plébiscité par les entreprises, repose sur des modules dédiés au digital et sur de multiples formats d’accompagnement. LVMH a quant à lui déployé un module de formation en ligne, Digital Discovery, qui permet aux cadres d’acquérir un langage commun et un socle de connaissances fondamentales sur la révolution digitale.

Dans la continuité de l’année précédente, les entreprises donnent la priorité aux formations métiers, à l’image de Michelin pour qui ces formations représentent 90% des formations dispensées. Evolution par rapport à l’an dernier : les populations cibles s’élargissent aux non-cadres. Sur les 13 entreprises communiquant une information différenciée par catégorie de personnel, les écarts concernant le nombre moyen d’heures de formation cadre / non-cadre se sont réduits. 2 entreprises offrent désormais en moyenne plus d’heures de formation aux populations non-cadre (contre 1 seule en 2012).

L’alignement stratégique passe également par la bonne articulation Global / Local. Si la stratégie globale de formation se construit au niveau Groupe, elle est déployée en local en tenant compte des spécificités. De nombreuses initiatives valorisent également le croisement géographique des apprenants, et la construction de parcours sur-mesure pour certaines entités locales. Les entreprises communiquent très largement sur les programmes internationaux, en promouvant leur effort de mise en cohérence des programmes au niveau mondial – ainsi, L’Oréal s’assure d’adapter les besoins de chaque zone géographique et de développer le réseau international de responsables Learning.

Le salarié au cœur du dispositif de formation

La philosophie de la loi du 5 mars 2014 et de celle du 8 août 2016 rejoint celle communiquée par les entreprises. La tendance à la responsabilisation et à la prise d’autonomie du salarié dans sa carrière se confirme. Celui-ci doit être acteur de son évolution et de fait,  être autonome dans ses choix parmi les multiples parcours de formation existants. Ainsi, l’entreprise se pense désormais davantage comme une organisation apprenante[3], que comme un donneur d’ordre. A titre d’exemple, Accor met l’accent sur sa nouvelle stratégie Learning & Development, qui s’appuie sur une culture de l’apprentissage continu et la notion d’« apprenance » tout au long de la vie. L’accompagnement du salarié dans cette nouvelle façon d’apprendre est prévu, différents acteurs étant formés à ce rôle : les managers, qui suivent des parcours de formation managériaux, les RH, dont les formations métiers sont renforcées pour porter cette transformation, mais également les mentors, au travers du mentorat, au sens classique du terme, ou du « reverse mentoring », qui se développe dans les entreprises du CAC 40.

Un accompagnement multimodal des salariés, basé sur l’innovation pédagogique

La diversification des modes de distribution des formations est désormais ancrée dans les pratiques des entreprises du CAC 40. Le e-learning s’est généralisé, et représente désormais une part non négligeable des formations dispensées. Pour les entreprises du CAC 40 communiquant cette information, il représente en moyenne 30% des heures de formation dispensées, avec néanmoins des disparités très élevées (de 2% à 74%). Si 33 entreprises du CAC 40 communiquent sur leur formation e-learning (contre 22 en 2013) elles ne sont en revanche que 8 à communiquer le nombre d’heures de formation en ligne sur le total d’heures de formation dispensées. La multiplication des modules proposés en e-learning, autant que le développement du « self-learning » (i.e. les salariés suivent librement des modules sans validation) complexifie en effet la traçabilité des heures réalisées.

Outre le e-learning, les nouvelles modalités pédagogiques de type classe inversée ou mentorat, déjà bien présentes l’an dernier, continuent à se développer, puisque 32 entreprises le mentionnent dans leur documentation de référence. Ces nouvelles modalités pédagogiques permettent de plus en plus le partage avec les collaborateurs du monde entier. A titre d’exemples, AXA continue de fortement développer le Digital Reverse Mentoring pour les cadres seniors, atteignant une population de 450 mentors en 2015. Engie a mis en place un programme d’e-mentoring destiné à ses 33 000 managers dans le monde, qui a permis la création de 960 binômes en 2 ans et a pour ambition d’en développer 500 par an[4].

 

Perspectives attendues

Si le lent démarrage du CPF semble lié à sa complexité, nous pouvons espérer une amélioration suite à la loi du 8 août 2016 qui vient renforcer la logique de la loi du 5 mars 2014. Ces lois ont pour objectif de remettre le salarié au cœur du dispositif de formation et de le rendre acteur de sa carrière, ce qui correspond aux travaux menés par les entreprises. Le CPA doit être mis en place du 1er  janvier 2017 pour tous les salariés du secteur privé ainsi que pour les demandeurs d’emploi ; il faudra donc patienter pour évaluer ses effets sur la communication des entreprises. Dans l’attente de ces évolutions, les perspectives de l’année 2016 porteront toujours sur la réduction des inégalités d’accès à la formation. L’évolution des modalités pédagogiques devra fortement y contribuer, et à ce titre, nos attentes porteront sur leurs conséquences concrètes sur le développement des salariés, au-delà du simple effet de communication et d’image employeur.

 

[1] http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/08/16/le-compte-personnel-de-formation-se-deploie-timidement_4983357_1698637.html

[2] 14 entreprises du CAC 40 communiquent cette formation depuis 2010

[3] Une organisation apprenante se définit comme une organisation ayant la capacité à construire et à proposer un écosystème de développement professionnel aux salariés, caractérisé par une culture de l’agilité et de l’innovation et des communautés de partage

[4] http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/94700/engie-se-met-au-mentoring-electronique.html