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Interview de Julien Tchernia, directeur du développement chez Lampiris France

Lampiris est arrivé en France en 2010. Venu de Belgique, Lampiris a tout d'abord lancé une première offre en France sur l'électricité, puis sur le gaz.

Quel bilan faites-vous aujourd'hui de ces premières années : comment êtes-vous arrivé sur le marché français ?

Julien Tchernia : Le premier client de Lampiris en France date de 2010. Nous avions prévu de lui vendre les deux énergies, électricité et gaz, mais nous avons mis plus de temps que prévu pour obtenir la licence pour la fourniture de gaz. Celle-ci a été obtenue en novembre 2011 : le gouvernement français est plus exigent que le gouvernement belge sur les questions de sécurité d'approvisionnement, et nous avons subi le formalisme de l'administration française, plus rigide. Nous avons dû souscrire un deuxième contrat de fourniture long terme, avant de pouvoir lancer notre offre sur le gaz. Le démarrage de notre activité, telle que nous l'avions prévue, a donc été le 1er janvier 2012, avec la possibilité de lancer l'offre gaz.

Nous estimions qu'il y avait un fort potentiel en France, car les tarifs réglementés pour le gaz sont élevés, mais les actionnaires de Lampiris ont souhaité laisser une année pour voir la réaction du marché. Cela a bien marché, la prédiction s'est avérée juste, d'où la décision de se lancer plus en avant sur le marché français : de 4 000 compteurs en mars 2013, nous sommes passés à près de 90 000 compteurs aujourd'hui (80 000 compteurs gaz, et 8 000 compteurs électricité).

Qui sont donc vos clients aujourd'hui ?

Julien Tchernia : Nos clients sont avant tout des particuliers, qui viennent essentiellement de l'appel d'offre « UFC que choisir ». Nous avons gagné ainsi 65 000 clients. La pyramide des âges de nos clients montre des clients plutôt plus âgés, par rapport à la pyramide des âges en France. Nos clients se chauffent au gaz, et leur consommation est peut-être un peu plus élevée que la moyenne. Nous avons un taux de fidélisation élevé, principalement pour deux raisons : nos clients déménagent peu, et notre gaz est moins cher. Nos clients sont aussi très engagés sur Facebook. Ce qui les attire chez nous, c'est surtout notre esprit de marque : plus transparent que les grandes multinationales. Le côté « vert » de notre énergie est plutôt la bonne surprise.

Envisagez-vous de vous diversifier sur le marché des professionnels ?

Julien Tchernia : Oui, nous commençons à travailler sur ce segment. Au 1er janvier 2014, nous avions 17 très gros clients, avec des tarifs équivalents au B2S. Au 1er juin, il y en avait 2 fois plus ! Le développement est très fort sur les petits professionnels. Nous travaillons actuellement là-dessus pour développer une activité plus forte.

Votre portefeuille de clients augmentent fortement, quelle croissance cela implique-t-il pour Lampiris France ?

Julien Tchernia : Arrivé en mars 2013, j'étais le premier employé Lampiris France. Aujourd'hui nous sommes 3, et nous prévoyons d'être 23 à la fin de l'année : nous connaissons une forte croissance.

Qu'attendez-vous à présent de la loi sur la transition énergétique ? Quel rôle pensez-vous avoir dans la transition énergétique ?

Julien Tchernia : Je n'attends pas grand-chose de la loi sur la transition énergétique. Chez Lampiris, on pense que le futur c'est la production décentralisée. Pourtant, aujourd'hui, tout favorise la production centralisée.

Vous proposez déjà une offre d'électricité 100% verte. Quel lien avez-vous aujourd'hui avec les producteurs ?

Julien Tchernia : Notre succès en Belgique vient du lien que nous avons avec les producteurs. Nous avons fédéré 1 500 producteurs d'énergie renouvelable : producteurs éoliens, solaires, incinérateurs… Mais nous avons aussi gagné le contrat avec le plus gros barrage de Belgique, contre Electrabel (groupe GDF Suez), ce qui semble difficilement imaginable en France.

En France, il n'est presque pas possible de racheter de l'électricité renouvelable, à cause du tarif de rachat : nous ne pouvons pas être compétitif par rapport à EDF, sauf vis-à-vis des producteurs en fin de tarif de rachat. Nous nous sommes donc positionnés là-dessus, et nous répondons déjà à des appels d'offre, mais le potentiel est limité.

Comptez-vous participer au développement d'une nouvelle filière comme le gaz vert et quel rôle comptez-vous jouer ?

Julien Tchernia : Pour le gaz, c'est mieux. Nous espérons signer un premier contrat pour du biométhane injecté sur le réseau. Cependant, il y a peu d'éléments de différenciation entre les fournisseurs aujourd'hui pour racheter le gaz, à part en termes d'image. Avec le tarif de rachat, nous ne pouvons pas faire de marge sur la production, un peu sur la garantie d'origine mais pas beaucoup : il y a peu d'intérêt financier, aujourd'hui, pour les fournisseurs à investir beaucoup pour développer ce segment.

Il est question que le mode de soutien aux énergies renouvelables évolue, d'une obligation d'achat vers un système prenant plus en compte le marché. Comment voyez-vous cette évolution ?

Julien Tchernia : Plutôt que le système de tarif de rachat, Lampiris prône un système similaire à celui en vigueur en Belgique. Il est normal de subventionner les nouvelles énergies, mais le tarif de rachat ne permet pas la concurrence : il faudrait avoir une subvention sur l'investissement, ou bien un autre système de rémunération au kWh produit, indépendante du rachat de l'énergie, pour permettre la concurrence entre les différents acteurs sur cette partie là. Ce modèle conduirait à améliorer la capacité de gestion et à tirer plus de valeur lors de l'approvisionnement. Nous savons le faire : notre métier est justement d'assurer l'équilibre. Avec les tarifs de rachat, on ne fait pas de gain de compétitivité puisqu'on n'y est pas incité. Au contraire, dans un système qui introduit la concurrence, si on réussit à battre la valeur moyenne du marché en anticipant les ventes, on pourra en faire profiter le producteur et le consommateur. La concurrence serait vertueuse et pourrait permettre d'améliorer la marge. Le système belge a été un succès : on espère que ce sera aussi un succès en France. C'est en tout cas la position que nous avons présenté à la cour des comptes.

Il y a un risque supplémentaire avec le système d'obligation d'achat actuel : comme on ne peut pas rentrer en concurrence sur le prix, il n'y a pas énormément de différence, vue du producteur, entre les différents fournisseurs. Il ne reste finalement que la solidité des fournisseurs pour garantir les prêts vis-à-vis des banques comme élément différenciateur. Ce système n'est pas à l'avantage des alternatifs mais favorise les gros fournisseurs historiques.

Pourtant EDF et GDF SUEZ ne poussent pas les petits producteurs : ils n'ont pas forcément envie de voir un développement exponentiel. C'est pour cela que Lampiris a gagné autant de producteurs en Belgique : les producteurs ont plus de valeur pour Lampiris que pour GDF SUEZ ou EDF, qui ont suffisamment d'approvisionnement et qui ont de grosses centrales. Les modèles d'approvisionnement sont différents entre les fournisseurs historiques et les fournisseurs alternatifs, les portefeuilles sont différents : les EDF et GDF SUEZ ont déjà un parc de production et c'est plus dans leur capacité de gérer des grosses centrales.

S'il n'y a pas d'évolution du modèle de subvention, nous n'avons pas vraiment intérêt à y aller : nous risquons de toujours perdre car la différenciation financière que nous pourrons proposer sera trop faible par rapport à la sécurité bancaire qui sera attendue pour obtenir un financement.

Parcours

Nommé Directeur du Développement de Lampiris France en mars 2013, Julien Tchernia est avant tout un entrepreneur, qui a orienté sa carrière sur le développement de business en naissance ou renaissance. A 43 ans, il a déjà à son actif plusieurs développements réussis de sociétés sur des marchés très concurrentiels. Après un début de carrière en Pologne, en Italie et en Bourgogne, il gravit les échelons chez Altran, en Belgique, avant de devenir « Associé » d'Altran Belgique en 2003. Il quitte la Belgique pour l'Italie, chez Altran, puis chez Alten, où il occupe le poste de « Directeur du Développement Italie ». Il multiplie par quatre le parc de clients et augmente de 54% le chiffre d'affaire. Il arrive à Paris en tant que Directeur Général de Fileas (société en charge des services télécoms pour la France pour Telespazio), et met en place une nouvelle stratégie qui porte ses fruits : Fileas réduit de 48% ses coûts, double son chiffre d'affaire et retrouve l'équilibre financier en trois ans.

C. de Lorgeril, V. de Font-Réaulx

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