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Interview de Yann Battard - Directeur de e-NRJ et du développement nouveaux médias de NRJ Group

Le 6 février dernier, nous nous sommes rendus dans les locaux de NRJ afin de rencontrer, Yann Battard, Directeur de e-NRJ et du développement nouveaux médias de NRJ Group.

 

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Durant cet entretien, il nous a présenté l'activité et la stratégie de la filiale multimédia du groupe NRJ et nous a exposé sa vision de l'évolution du média radio dans les années à venir.

e-NRJ est une filiale de NRJ Group, créée en 1999, regroupant l'ensemble des activités interactives du groupe. Elle est en charge, d'une part, des sites Internet B to C que sont NRJ.fr, ChérieFM.fr, rireetchansons.fr et Nostalgie.fr pour la radio, NRJ12.fr, NRJParis.fr et NRJHits.fr pour la TV et, d'autre part, de l'interactivité antenne avec, entre autres, les animations et les jeux concours lors desquels l'auditeur est amené à interagir par SMS, Audiotel...

Sia Partners : Quelle est la mission d'e-NRJ ?
Yann Battard : Notre première vocation est d'être la principale caisse de résonnance de l'antenne. Nos sites, en tant que sites compagnons, doivent vivre au rythme de nos événements et trouver des préambules et des prolongements à nos émissions. Il est donc question d'imaginer la meilleure façon d'assurer la promotion de nos événements à l'antenne, comme les Live d'artistes ou les show case; puis de prolonger l'expérience utilisateur à travers le site et du rich media. Il s'agit notamment de réexploitation de contenus audio et vidéo et d'interaction avec l'auditeur pouvant aller d'un chat avec un artiste au NRJ Studio qui est une plateforme permettant aux internautes d'exprimer leur talent et d'émerger auprès de NRJ ou d'autres grands acteurs de la musique.
Notre seconde vocation est d'exploiter pleinement le territoire de valeur de la marque en nous positionnant plus largement que sur les simples événements de l'antenne. Ainsi, avec le site de Rire et Chansons, nous exploitons l'univers de l'humour ; avec celui de NRJ l'univers de la musique et du divertissement, avec celui de Chérie FM l'univers féminin et enfin avec le site de Nostalgie nous mettons en avant la légende et le culte.

Sia Partners : Quels sont les principaux objectifs de votre stratégie Web ?
Yann Battard : Notre premier objectif est un objectif de croissance. En tant qu'entité Internet, nous allons chercher à attirer un maximum d'audience pour conforter notre leadership sur les sites radio. J'exclue bien entendu les sites de Skyrock qui, pour 99%, sont des sites communautaires.
Avec 5 à 5,5 millions de visiteurs uniques par mois, sur la France, pour l'ensemble de nos sites, nous nous situons dans les 70 premiers sites français. Nous arrivons parmi les 6 premiers sites de contenus et sites média. Enfin, nous sommes leader des sites radio, excepté durant des périodes de forte actualité (présidentielles, crise) où nous laissons la place à RTL ou RMC... En matière de radio musicale, nous sommes nettement en tête, loin devant Virgin qui réalise environ un tiers de l'audience de NRJ.fr.
Ce leadership, nous souhaitons le renforcer grâce à certaines de nos spécificités. Tout d'abord, les webradios qui sont des flux audio bénéficiant du savoir-faire des programmateurs de l'antenne, sur lesquelles nous nous sommes développés très tôt. Elles nous ont permis de sous-segmenter notre offre tout en l'élargissant. Avec NRJ Pop Rock par exemple, nous nous sommes spécialisés sur un genre de musique qui n'est pas la dominante musicale de NRJ. Aujourd'hui, bien qu'elles ne représentent que 1 à 3% de l'audience totale à l'échelle des audiences radio, ces webradios génèrent des centaines de milliers d'écoutes par jour et sont consultées par 50% de nos internautes ; les 50% restants venant plutôt pour le flux mère.
Notre second objectif est de nous positionner dans l'univers du divertissement au sens large notamment autour de la musique, du cinéma et des jeux vidéo.

Sia Partners : Quels sont les principaux contenus consommés sur vos sites Internet ?
Yann Battard : Les internautes viennent en priorité pour consommer de la radio ou des webradios. Ensuite ils sont intéressés par les contenus exclusifs, surtout musicaux comme les biographies, les photos et les vidéos d'artistes, et par les sites de nos émissions phares qui ont chacune leur propre communauté. Plus accessoirement, les internautes consultent les contenus « serviciels » et thématiques sur lesquels nous sommes présents mais qui ne constituent pas notre coeur de métier puisque nous ne sommes ni Allocine.com ni jeuxvideos.com.

Sia Partners : Comment gérez-vous les rebonds entre les différents supports de diffusion du Groupe NRJ ?
Yann Battard : Il y a une véritable synergie entre la radio et le Web. Notre site NRJ s'y prête particulièrement bien puisque nous travaillons systématiquement en amont nos projets dans une logique bimédia. Nous ne travaillerons jamais sur une nouvelle émission sans nous demander comment le Web peut assurer sa promotion ni sans chercher à comprendre quels sont les contenus que le public cherchera à retrouver sur le Web avant pendant ou après la diffusion d'une émission radio ou TV.
Des sites comme NRJ TV on Demand, commercialisé sous le nom de MyNRJTV, site de catch up TV des chaînes du groupe, sont typiquement une façon de prolonger nos programmes. Quant aux webradios, elles permettent d'attirer non seulement nos auditeurs sur le Net mais aussi des internautes, qui ne sont pas nos auditeurs réguliers, vers notre marque.

Sia Partners : Quelle est votre position par rapport à des sites de partage de vidéos ou de musique en ligne à la carte comme YouTube ou Deezer ?
Yann Battard : Il est évident que les modes de consommation de la musique en France évoluent, et nous ne pouvons pas ignorer l'émergence de l'Ipod et de l'écoute en mobilité et à la demande. La logique de délinarisation des contenus est une réalité chez les jeunes.
Toutefois, il n'existe pas de modèle économique solide établi pour les sites de musique en ligne à la carte leur assurant une rentabilité. La complexité du modèle et la difficulté à atteindre une taille critique font qu'un certain nombre de nouveaux acteurs cherchant à se développer dans le secteur de la musique en ligne sera rapidement éliminé.
La question du modèle économique se pose de la même façon pour les sites de partage de vidéos pour lesquels la vente de publicité a tout intérêt à être conséquente pour parvenir à rentabiliser les coûts des droits et les coûts techniques. Finalement, bien que des acteurs comme Dailymotion ou YouTube aient permis la démocratisation de la vidéo en ligne, il n'est pas certain que ce soit par eux qu'elle perdure.
Quoi qu'il en soit, l'évolution de la consommation et de l'usage questionne le rôle du média classique et l'oblige à se repositionner plus clairement sur sa valeur ajoutée. La valeur ajoutée de la radio n'est donc plus simplement de proposer de la musique mais d'assumer son rôle de sélectionneur du meilleur et de découvreur de nouveaux talents. Notre promesse « Hit Music Only » prend donc tout son sens dans l'environnement actuel qui propose des millions de titres parmi lesquels on risque de se perdre.

Sia Partners : Finalement considérez-vous ces nouveaux acteurs de la vidéo et de la musique en ligne comme des concurrents ?
Yann Battard : Ces sites représentent effectivement une forme de concurrence puisqu'ils captent une part de notre audience. Pourtant, nous discutons de plus en plus avec ces acteurs car nous avons mutuellement des choses à nous apporter. A titre d'exemple, nous venons de finaliser un accord avec iTunes parce que nous pensons qu'il est important pour iTunes que des marques comme NRJ soutiennent une approche légale de la musique et qu'il est important pour NRJ d'être dans l'actualité de l'usage de son public.

Sia Partners : Que pensez- vous des smartradios, comme Last.fm, à la fois webradio et site Internet ?
Yann Battard : Les radios intelligentes offrent un service supplémentaire. C'est un intermédiaire entre une sélection opérée par un programmateur et les playlists de l'internaute. La question est de savoir si c'est la bonne synthèse ou un entre-deux qui ne répond pas au besoin. Personnellement, je n'ai pas la réponse mais je pense que c'est une initiative intéressante qui répond bien à la tendance de délinéarisation. J'ai tout de même l'impression que beaucoup de gens vont utiliser ces radios comme un outil de découverte musicale et que, finalement, elles ont vocation à rester une niche du marché. Pour finir, il me semble que le modèle économique des smartradios soit plus viable que celui des sites de musique en ligne mais moins viable que celui des webradios.

Sia Partners : Comment sont gérés les droits de vos contenus Internet ?
Yann Battard : Tout d'abord, comme pour les droits en radio, nous travaillons avec les sociétés d'auteurs et de gestion collective de la profession. A ce propos, il y a des questions en suspens autour du coût des droits permettant aux sites d'exister et aux acteurs d'être rémunérés justement. La question est loin d'être tranchée...
Ensuite il y a les droits que nous négocions avec les majors notamment pour la mise à disposition de contenus exclusifs. Il s'agit de discussions au cas par cas allant de la fourniture gratuite dans un cadre promotionnel où l'on apporte de la visibilité à l'artiste moyennant l'exclusivité, à des modèles de droits payants dans lesquels on évite de trop s'inscrire.

Sia Partners : Comment sont financés vos sites Internet ?
Yann Battard : Nous sommes sur un modèle largement publicitaire. Toutefois, certains de nos revenus sont issus de nos produits premium. Il peut s'agir de la surtaxe des SMS, de e-commerce, de revenus d'intermédiation et plus marginalement, de syndication de contenus et de prestations B to B autour de contenus.

Sia Partners : L'activité des sites Internet du groupe NRJ est-elle rentable ?
Yann Battard : Il me semble qu'Internet a tout son potentiel publicitaire devant lui. Evidemment le contexte actuel morose n'assurera pas de fortes perspectives de rentabilité dans les mois à venir. Mais, à terme, Internet sera évidemment un relais de croissance énorme, encore très sous-investi par rapport à l'audience publicitaire qu'il génère et au fait que la publicité soit très peu chère par rapport aux médias traditionnels y compris la radio, média économique.
Dans les années à venir, quand les annonceurs ne se poseront plus la question de savoir s'ils doivent ou non être sur Internet, il y aura un rééquilibrage des prix et des investissements et la croissance sera là.
Je considère qu'Internet est donc un levier de croissance pour le groupe en termes d'audience et en termes de relation avec ses auditeurs puisque nous serons présents sur un marché sur lequel nous aurons su démontrer notre valeur ajoutée non seulement dans les programmes mais aussi dans l'histoire tissée avec chaque auditeur.

Sia Partners : Internet vous permet-il de bénéficier d'un canal de retour ?
Yann Battard : Effectivement, nous profitons d'Internet pour regarder ce qui fonctionne, ce sur quoi le buzz se construit notamment grâce aux blogs et aux communautés. Cependant, nous ne sommes pas encore passés au stade où l'internaute construit la programmation de la radio même si son influence est de plus en plus visible. Cette année, par exemple, les NRJ Music Award ont compté 42 millions de votes ce qui prouve qu'Internet est un bel outil de remontée du sentiment du public et de ses préférences.

Sia Partners : Pouvez-vous nous parler des évolutions que va connaître l'ensemble de vos sites radio et TV dans les jours à venir ?
Yann Battard : Nous profitons, en ce moment, d'une refonte technique totale pour travailler une refonte design et éditoriale de l'ensemble de nos sites Internet. Le site Chérie FM est d'ailleurs déjà accessible dans une version test.
Les principales évolutions apportées à nos sites concernent l'ergonomie et le caractère participatif. Les internautes pourront enrichir les biographies d'artistes, créer du contenu autour d'un artiste... De plus nos sites seront davantage conçus pour le référencement naturel, levier de trafic important sur le Web, et seront enrichis en termes d'audio et de vidéo. Enfin nous accorderons davantage d'importance à l'aspect local puisque l'une des spécificités d'NRJ est d'avoir de nombreux décrochages locaux. Nous testons, en ce moment, une version locale de ChérieFM.fr avec le site de Chérie FM Bordeaux qui propose, entre autres, des informations et des événements locaux ainsi que de la publicité géolocalisée. Ce type de publicité fonctionne par reconnaissance de l'adresse IP ou en fonction des déclarations de l'Internaute ou des pages qu'il consulte.

Sia Partners : Quelle est votre position par rapport à la mise en ligne de vos sites sur mobile ?
Yann Battard : Nous nous sommes lancés sur l'I-Phone depuis quelques semaines avec une application dédiée qui permet d'écouter la radio, de récupérer des informations contextuelles à l'artiste et à l'album et de télécharger des podcasts audio des émissions phares de notre antenne. En huit semaines, nous avons conquis un Iphone français sur trois soit plus de 200 000 applications téléchargées. Ceci démontre que nous avons une marque forte qui soutient des programmes crédibles.
Plus généralement, nous allons sur le marché de la téléphonie mobile avec prudence. Nous ne mettons pas des millions sur la table et ne dédions pas d'équipes spécifiques. En effet ce marché est encore émergent, il n'a pas de prix de marché, le CPM mobile n'existe pas. Nos sites mobiles restent donc des sites plutôt orientés contenus premium autour de thématiques musicales et communautaires, qui migrent progressivement sur un modèle publicitaire.

Sia Partners : Selon vous, face à l'émergence de nouveaux supports, quel est l'avenir de la radio traditionnelle ?
Yann Battard : L'émergence des nouveaux médias n'a pas tué la radio. D'ailleurs, jusqu'à preuve du contraire, aucun nouveau média n'a fait disparaître ceux qui l'ont précédé et il n'y a pas de raison que cela change. Le risque est encore moindre pour la radio qui est « la meilleure amie d'Internet ». En effet, s'il est difficile de surfer sur Internet tout en lisant la presse ou en regardant la télévision, la radio et Internet peuvent se consommer au même moment.
En revanche la radio doit se réinventer de la même façon qu'elle l'a fait dans les années 1980 avec la radio libre. Le numérique offrira sans doute des pistes de développement notamment en proposant un enrichissement et une sur-segmentation de l'offre ; mais il faudra trouver un nouveau modèle économique car, contrairement à la télévision, aucune date de fin de la radio hertzienne n'a été annoncée et les deux paysages radios (numérique et hertzien) devront cohabiter pendant un certain temps, ce qui multipliera les coûts technologiques et d'exploitation.

Pour conclure, Yann Battard souligne que, parmi les principaux facteurs clés de succès d'un site média, figurent le savoir faire Internet, qui se partage, à part égale, entre le technique, le contenu, le marketing, et la sensibilisation des collaborateurs d'un groupe media aux enjeux et aux opportunités offerts par Internet. La difficulté pour les médias traditionnels à prendre le tournant du Web est en partie liée à des difficultés culturelles. Ils ont quelquefois tendance à considérer Internet uniquement comme un outil de promotion du média traditionnel, ce qui est restrictif par rapport à sa valeur ajoutée.

Diplômé de l'EDHEC et d'un DEA Marketing et Stratégie à la Sorbonne, Yann Battard a commencé sa carrière chez TNS Sofres en 1994, en tant que chargé d'études puis responsable des études. En 1998, il rejoint Expertel Consulting comme Responsable Conseil en marketing. Il devient par la suite Directeur du Marketing de E-TF1 avant de devenir en 2008 Directeur de E-NRJ et du développement nouveaux médias de NRJ Group.

Articles complémentaires

1. Convergence média : l'émergence d'une stratégie multi-support

2. Interview de Didier Quillot - Président du Directoire de Lagardère Active

3. Interview de Yann Battard - Directeur d'eNRJ

4. Interview de Valéry Gerfaud - Directeur Général - M6 Web

5. Interview de David Ripert - Senior Manager Content & Partnership Dailymotion

6. Editorial de Stéphane Dubreuil