La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Eurecab est un service en ligne depuis juillet 2015, qui permet de comparer très facilement le prix réel d’un trajet en VTC ou en taxi, pour un itinéraire précis, à une heure donnée.
Eurecab est un service en ligne depuis juillet 2015, qui permet de comparer très facilement le prix réel d’un trajet en VTC ou en taxi, pour un itinéraire précis, à une heure donnée. Il met ensuite en relation clients et chauffeurs et compte à terme se rémunérer par une commission de 10 à 12% sur les courses effectuées.
En lançant l’un des premiers comparateurs du genre sur le marché français, les deux cofondateurs de la startup comptent bien s’imposer comme un intermédiaire incontournable, en apportant des avantages aux deux parties : une visibilité importante pour les chauffeurs, notamment les indépendants et l’assurance du meilleur prix pour le client.
Ils connaissent déjà bien les problématiques du secteur puisqu’ils ont été à l’origine du lancement du service iDCAB chez SNCF. Entretien avec Théodore Monziès, cofondateur et président d’Eurecab.
Sia Partners : Près de quatre mois après le lancement d’Eurecab quel premier bilan pouvez-vous tirer ?
Théodore Monziès : Le bilan commercial est bon. Nous avions pris le parti de sortir une version simplifiée de notre service et de la faire évoluer. Cette première version a réussi à attirer plusieurs centaines de clients et également plusieurs centaines de transporteurs. Ce résultat a été obtenu sans dépenses marketing, ce qui confirme l’attrait de notre proposition. Nous avons hâte de voir ce que cela donnera quand nous aurons une proposition de valeur plus complète.
Un autre motif de satisfaction est la compétitivité de notre offre en réservation à l’avance, avec des prix jusqu’à 30% inférieurs par rapport au leader du secteur sur les trajets aéroports. Nous avons également une couverture très large du pays, ce qui nous a permis d’établir un partenariat avec Zankyou, le leader des listes de mariages, qui propose aux invités des mariages de réserver leur course pour le jour J.
Les discussions avec les centrales de réservations montrent que nous sommes considérés comme un canal d’acquisition crédible. Nous devons encore réaliser des développements, mais nous ferons en sorte d’en intégrer plusieurs avant la fin de l’année.
Nous devons cependant accélérer notre développement pour acquérir rapidement une position de leader. Pour ce faire, nous avons besoin d’aller plus vite sur la technique. Il s’agit là d’un point de vigilance, car des concurrents peuvent débarquer à tout moment.
Sia Partners : Quels sont vos projets pour les mois qui viennent ?
Théodore Monziès : Nous souhaitons aller le plus vite possible sur le développement de notre produit, à savoir :
D’ici 6 mois, nous irons à nouveau chercher des fonds, qui seront consacrés à l’accélération de notre développement et au financement de notre campagne d’acquisition. Le plan est donc assez simple :
Sia Partners : Pourquoi ne pas avoir développé d’appli dès la sortie du service ?
Théodore Monziès : Le fait que nous n’ayons pas encore d’appli engendre une certaine frustration chez nos clients. Il s’agit pourtant d’un choix délibéré.
La première raison est que la réservation via appli se prête particulièrement aux réservations immédiates, alors que l’offre que nous proposons actuellement (chauffeurs indépendants) est pertinente pour de la réservation à l’avance. Nous développerons nos applis mobile une fois que nous serons interfacés avec les centrales de réservation, ce qui nous permettra d’avoir une offre complète en réservation immédiate.
La deuxième raison touche au référencement. Le fait de commencer par un site internet nous a permis de sortir un produit plus rapidement et de construire un référencement naturel. Il est beaucoup plus difficile de construire un tel référencement sur une appli. Actuellement, près de 100% de notre trafic provient de ce référencement naturel.
Sia Partners : Internet a permis l’émergence des comparateurs à une vaste échelle. Peu de domaines sont épargnés : transport, tourisme, banque, assurance, mutuelle, énergie… Le consommateur, qui peut bénéficier en quelques clics de l’avis éclairé de ses pairs, a pris l’habitude de choisir le meilleur rapport qualité/prix. Et les entreprises elles-mêmes sont prêtes à reverser une part de leur gâteau aux comparateurs qui sauront leur assurer un trafic de qualité. Justement, selon vous, quelles sont les conditions du succès pour un comparateur ?
Théodore Monziès : Un comparateur est pertinent s’il fait gagner du temps et de l’argent à l’utilisateur. Autrement dit, il doit permettre de répondre rapidement à la question suivante : quelle est la meilleure offre pour réaliser tel trajet ? Sachant que le partage d’avis entre consommateurs joue également un rôle important de réassurance.
J’ajouterais qu’à la différence des comparateurs de vols, un comparateur de taxis/VTC doit proposer de la réservation intégrée. Il n’est en effet pas envisageable de proposer au client une offre qui nécessiterait le téléchargement d’une application. Un client peut passer deux heures pour réserver un billet d’avion sur son ordinateur, mais il ne peut pas passer plus d’une minute pour réserver une course sur son téléphone.
Si l’on se place du côté des chauffeurs, un comparateur les attirera si on leur offre une bonne visibilité mais aussi une réelle flexibilité. C’est le cas d’Eurecab, où tout chauffeur indépendant peut administrer lui-même, librement et à tout moment, son périmètre géographique, ses horaires et ses prix. Ce qui est vrai pour des indépendants l’est aussi pour de petites centrales ne bénéficiant pas des moyens marketings des leaders du secteur.
Un comparateur permet également à un chauffeur ou à une centrale de se positionner par rapport à la concurrence et donc de s’ajuster si besoin. Aujourd’hui la comparaison se fait sur le prix mais demain nous comptons aussi mettre à leur disposition des cartes sur les zones et les horaires où la demande est forte.
Sia Partners : Aujourd’hui, la clé de comparaison majeure sur Eurecab reste le prix des courses. D’autres critères peuvent cependant aussi intéresser les clients (services à bord, type de véhicule, avis clients…). Prévoyez-vous, à terme, d’élargir vos critères de comparaison ?
Théodore Monziès : Ces critères existent déjà et l’utilisateur peut filtrer les résultats. Mais a posteriori. La variable d’entrée est aujourd’hui le prix mais nous prévoyons également d’introduire d’autres critères dans l’ordre d’affichage, comme la note client par exemple.
Sia Partners : Votre position fait de vous un observateur privilégié du monde en ébullition des taxis et VTC. Comment pensez-vous que la situation va évoluer dans les cinq prochaines années ?
Théodore Monziès : Je vais me risquer à un pronostic !
Je crois qu’il y a une bulle spéculative autour des applis de transport à la demande. Les gens de chez Uber ont de nombreux talents, au premier chef desquels la faculté de lever des fonds. Mais je reste sceptique quant à leur discours consistant à dire que les positions acquises à grand frais deviendraient inexpugnables. Les chauffeurs sont un actif très versatile, le fait de les subventionner momentanément n’achète pas leur fidélité à moyen ou long terme. Proposez leur mieux et ils iront ailleurs. La bataille que se livrent Uber et Didi Kuaidi en Chine me laisse perplexe, les chauffeurs sont arrosés de subventions. Tout n’est pas si noir bien sûr : cela permet de développer le marché et de constituer une importante base client. Cela permet aussi d’être la marque à laquelle on pense tout de suite et celle qui offre la certitude d’avoir un chauffeur dans les cinq minutes qui suivent. Mais au vu des montants engagés (des milliards d’euros), le pari me semble très risqué.
Plus proche de nous, dans notre pays, il y a beaucoup d’applis et je pense que toutes ne sont pas rentables. On a déjà vu certains acteurs péricliter. Cela marchera tant que les investisseurs seront présents. Mais en cas de retournement, nous pourrions assister à des faillites et on doit s’attendre à une consolidation du secteur.
A leur lancement, les VTC ont surfé sur la vague du luxe avec des grosses berlines et un service exclusif. Il restera toujours un marché pour ce genre de prestations mais le gros des courses se fera surtout sur le critère du prix. Uber l’a très bien compris et cherche par tous les moyens à réduire le prix des courses (UberPOP, courses partagées en UberPOOL, baisse des prix…).
Sia Partners : Le covoiturage urbain, qui semblait se développer très rapidement, notamment via Uber Pop, s’est en fait révélé être du travail caché, qui faisait une concurrence déloyale, tant aux taxis qu’aux VTC. Cela a été l’occasion pour certains de dénoncer la précarisation de la situation des chauffeurs, obligés de travailler de plus en plus longtemps pour gagner leur vie. Voyez-vous une issue à cette problématique ?
Théodore Monziès : Le secteur du transport à titre onéreux était déjà précaire pour une partie des chauffeurs de taxis avant sa libéralisation. Je pense aux locataires de licences qui devaient acquitter plus de 3000€/mois à Paris rien que pour pouvoir disposer d’un véhicule. Dans ce secteur, il y a donc toujours eu des gens prêts à travailler pour un salaire horaire faible.
Avec la libéralisation des VTC, le secteur est devenu relativement accessible, en dépit des quelques barrières réglementaires instaurées (par ex. formation VTC) : il est facile de s’inscrire sur une appli pour commencer son activité, d’où un accroissement de l’offre.
Ces deux facteurs concourent à une baisse des prix, mais, si on voit les choses du bon côté, à la création de nombreux emplois. En revanche, les chauffeurs doivent garder à l’esprit qu’il est très important de diversifier leurs sources de revenus. L’exemple d’Uber, qui a baissé ses prix de 20% début octobre montre à quel point il est dangereux pour eux d’être en situation de dépendance.