Aller au contenu principal

La Directive Crédit Immobilier et ses impacts sur la Banque de détail

L’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a publié le lundi 1er juin ses instructions finales pour soutenir la mise en œuvre par les États membres de l’UE de la Directive 2014/14/UE.

Publiée au Journal officiel de la Commission le 28 Février 2014, cette directive appelée aussi «MCD» (Mortgage Credit Directive) encadre les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers. Elle entrera en application le 21 Mars 2016.

 

Les instructions couvrent :

  • les modalités d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs de crédits immobiliers,
  • les modalités d’action en cas de défaillance de remboursement des emprunteurs de crédits immobiliers,
  • les bonnes pratiques afférentes à adopter par les banques.

L’évaluation de la solvabilité des contracteurs de crédits immobiliers 

La directive MCD exige des banques un renforcement de leur processus d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs. Au-delà de la documentation des décisions d’octroi, les banques devront intégrer des hypothèses plus prudentes dans leurs modèles, et projeter l’évolution de la capacité de remboursement des emprunteurs en fonction de leur revenu disponible.

Parmi les recommandations les plus importantes figure l’obligation de conserver toute documentation ayant conduit à l'approbation du crédit, de maintenir cette documentation a minima jusqu’à l’échéance de la convention de crédit, et d’identifier les informations frauduleuses.

Les banques devront aussi tenir compte d’éventuels scenarii négatifs dans l’allocation des provisions, comme une baisse de revenu à la retraite, une augmentation des taux d'intérêt de référence dans le cas des prêts hypothécaires à taux variables, ou encore des paiements différés du principal ou d'intérêt.

Impacts sur les banques

Ces nouvelles exigences entraîneront probablement une mise à niveau des processus d’octroi de crédits immobiliers au sein des réseaux bancaires européens. La révision des processus, dont l’ampleur est toutefois à nuancer selon la maturité de chaque banque, risque d’enchérir les coûts liés à la collecte, à l’exploitation et à l’archivage des données. De plus, les banques devront dans cet exercice veiller à préserver la conformité vis-à-vis du corpus juridique applicable à la protection des données personnelles de l’emprunteur/consommateur.

Même s’il semble encore tôt pour établir un diagnostic détaillé des impacts de ces nouvelles exigences sur les banques, on peut d’ores et déjà anticiper la difficulté qu’impliqueront l’intégration et le calibrage de nouvelles hypothèses de stress dans les modèles d’octroi. Par ailleurs, la nécessité d’identifier les informations frauduleuses par les collaborateurs reste une zone d’ombre de la directive puisqu’aucune explication n’est fournie par l’EBA quant aux moyens mis à disposition pour la protection contre le risque de fraude.

Les modalités d’actions en cas de défaillance de remboursement

Les nouvelles instructions viennent aussi établir des exigences en termes de plan d’actions en cas d’arriérés ou de défaut de paiement. En mettant l’accent sur la détection précoce des difficultés de paiement, l’EBA encourage la formation des collaborateurs afin d’assurer une assistance adéquate et une bonne coopération avec les emprunteurs. 

Ainsi, dès les premiers signes d’alerte, la banque doit contacter l’emprunteur pour analyser les raisons de ses difficultés de paiement et les différentes pistes de résolution de sa situation.

L’EBA exige par ailleurs que les États membres adoptent des mesures pour encourager les créanciers à exercer une patience raisonnable avant d’engager une procédure de mise en recouvrement.

Une fois que l’emprunteur devient insolvable, le créancier doit lui communiquer une liste exhaustive d’informations : le nombre de paiements manqués ou payés en partie, le montant total des paiements à recouvrer, les conséquences des impayés (coûts, taux d'intérêt de défaut, perte possible de la propriété..), les aides gouvernementales en vigueur …

Impacts sur les banques

La surveillance des signes précurseurs d’impayés est une démarche de prévention qui pourrait s’avérer  rentable pour empêcher l'emprunteur d'entrer dans le surendettement. En revanche, travailler sur une meilleure anticipation du défaut de paiement implique un certain « profilage », qui pourrait toucher à la protection des données personnelles des emprunteurs. L’EBA devra d’ailleurs compléter ses instructions en fournissant une base juridique claire pour le traitement de ces données.

Par ailleurs, l’efficacité du dispositif de contrôle et de prévention, même si difficilement quantifiable, repose sur l’expertise des collaborateurs. Par conséquent, la mise en œuvre de ces mesures implique un coût d’accompagnement et de formation non négligeable pour les banques.

Enfin, les notions de « devoir de documentation » et de « dossier adéquats » évoquées par l’EBA sont à clarifier.

Les bonnes pratiques dans l’évaluation de la solvabilité et dans la prévention des défauts

Dans le but d’uniformiser la protection du consommateur au sein de l’UE, l’EBA a complété les modalités d’application de la directive MCD par quelques bonnes pratiques à adopter par les banques européennes.

Voici quelques exemples de bonnes pratiques énoncées :

  • Mettre à disposition du régulateur et du consommateur les éléments ayant permis l'évaluation de solvabilité : circonstances personnelles et situation financière de l’emprunteur, hypothèses intégrées dans le modèle d’évaluation (durée maximale du prêt, variation des taux d’intérêt..);
  • Encourager les créanciers à définir une stratégie de risque dans le cadre de leur stratégie d'entreprise,
  • Insister sur le rôle de l'information et des conseils apportés par le créancier dans la prévention ou l'atténuation des difficultés de paiement.

La Directive « MCD » vise ainsi au développement d’un marché du crédit immobilier européen plus transparent et plus efficace, au renforcement de la viabilité des prêts et des emprunts et de l'inclusion financière.

En complexifiant les critères d’octroi et de surveillance des emprunteurs, ce projet ambitieux vient renforcer les besoins d’expertise des professionnels du financement immobilier.

Dans ce contexte, les schémas de distribution généralistes des grands réseaux bancaires, déjà fragilisés par l’évolution du modèle agence et l’essor du digital, pourraient être délaissés au profit d’une spécialisation de la filière autour de conseillers « experts ».