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La filière autoconsommation d’électricité renouvelable s’oriente vers le photovoltaïque

En plus du modèle « historique » d’autoconsommation d’électricité par de grands sites industriels, produite par cogénération ou par des centrales hydroélectriques, viennent aujourd’hui s’ajouter des modèles utilisant des nouvelles technologies (panneaux photovoltaïques, unités de méthanisation etc.)

Des conditions économiques de plus en plus favorables pour le photovoltaïque

Ces derniers modèles d’autoconsommation font majoritairement appel au photovoltaïque et se développent dans les secteurs tertiaires et industriels qui présentent les meilleurs taux d’autoconsommation[i] et plus récemment chez les particuliers. Cette tendance s’explique par trois principaux facteurs.

1. En premier lieu, les tarifs d’achat garantis pour les énergies renouvelables sont en baisse. L’intérêt économique lié à la vente de l’électricité verte n’est donc plus aussi évident (par exemple : le tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque pour une installation de 0 à 9 kWc était de 58 c€/kWh au 1er mars 2011 et de 23,54 c€/kWh au 1er mars 2017[ii]) ;

2. A cela, s’ajoute une hausse des prix de l’électricité observée depuis ces dernières années (ex : le prix de l’électricité pour un ménage[iii] était de 12,61 c€/kWh au 1er mars 2011 et de 15,89 c€ au 1er mars 2017), ce qui réduit l’écart entre le prix de l’électricité en provenance des réseaux et le prix d’achat garanti[iv] ;

3. Enfin, avec la chute des coûts des nouvelles technologies (ex : dans la filière photovoltaïque, les coûts d’investissement étaient de 4€/Wc en 2011 et sont de 1,7€/Wc en 2016[v]), il devient parfois plus intéressant de consommer l’électricité autoproduite et de diminuer ainsi la part d’électricité achetée plutôt que de la revendre.

Les conditions économiques sont donc en train de changer et deviennent favorables à l’émergence des modèles jusqu’ici non compétitifs à la fois dans les secteurs industriels, tertiaires et agricoles mais aussi chez les particuliers. Les nouveaux modèles d’autoconsommation vont être amenés à se développer et le photovoltaïque fait figure de favori.

Des raccordements d’installations en autoconsommation en forte augmentation

En France, l’autoconsommation d’électricité est majoritairement le fait de grands sites industriels pour les besoins de leur activité et pour le stockage d’énergie par pompage et turbinage (cogénération et hydroélectricité). Ainsi, d’après le Ministère de l’environnement, l’autoproduction représentait 4,2% de la consommation totale d’électricité  en 2014 (contre 3,4% en 2011).  

L’année 2014 marque une très forte hausse des raccordements des installations souhaitant injecter leurs surplus d’électricité pour atteindre en 2016 une puissance totale installée de 27 MW sur le réseau basse tension. Cette tendance est le fait d’une autoconsommation résidentielle et tertiaire qui gagne du terrain. En effet, alors qu’Enedis recensait 3500 sites en autoconsommation à la fin de l’année 2015, le gestionnaire avait déjà reçu 2600 demandes de raccordements d’installations au premier semestre 2016 : il s’agit majoritairement d’installations photovoltaïques, de puissance inférieure à 36 kVA pour l’injection des surplus d’électricité.

Les modèles de production et de consommation d’électricité initient leur mutation. L’autoproduction et l’autoconsommation quasi-totale pour le secteur industriel stagne tandis que l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque se développe rapidement.

La filière autoconsommation d’électricité photovoltaïque se structure en France avec l’émergence de deux modèles

Il existe deux modèles pour l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque qui se développent sur le marché industriel, tertiaire, agricole et des particuliers.

  • D’une part, l’autoconsommation à 100% avec possibilité de faire appel au réseau d’électricité lorsque l’autoproduction est insuffisante pour couvrir les besoins. Il s’agit là du modèle le plus simple et qui pose très peu de contraintes techniques et administratives. En effet, ce mode de consommation ne nécessite qu’un compteur unique, ne fait pas l’objet d’un contrat d’achat ni de contrat d’accès au réseau. En plus des offres commerciales existantes pour les collectivités et les entreprises des offres associées à ce modèle sont apparues récemment dans le secteur des particuliers.

Ainsi, EDF ENR propose des installations à vocation d’autoconsommation totale, sans possibilité d’injection. Il s’agit de l’offre « Mon Soleil et Moi » qui donne aussi la possibilité d’ajouter un jeu de batteries à l’offre de façon à améliorer le taux d’autoconsommation, ainsi qu’un service de gestion et pilotage des consommations en ligne.

De même, ENGIE propose l’offre « My Power » en autoconsommation totale (sans injection du surplus sur le réseau) réservée aux maisons individuelles en chauffage 100% électrique (chauffage et eau chaude sanitaire). L’offre ne propose pas de batterie de stockage, mais une partie du surplus de production peut être « stockée » sous forme d’eau chaude sanitaire dans un ballon. L’offre s’accompagne également d’un service de gestion et de pilotage de la consommation, basé sur une solution logicielle.

  • A côté de ce modèle en autoconsommation totale, un modèle d’autoconsommation avec vente des surplus soutenu par l’Etat émerge. Ainsi, dans un arrêté[vi] du 10 mai 2017, le Ministère de l’Energie, de l’Environnement et de la Mer propose d’ores-et-déjà une tarification spécifique pour les installations photovoltaïques produisant de l’électricité en autoconsommation avec vente des surplus, implantées sur le bâtiment et de puissance installée inférieure ou égale à 100 KW. Ces installations bénéficieront d’une prime[vii] à l’investissement et selon le cas, de 10cts €/kWh injecté pour les installations inférieures ou égales à 9kWc ou de 6cts€/kWh injecté pour les installations ayant de puissance allant jusqu’à 100kW.

 

Il est néanmoins important de souligner que si le modèle « autoconsommation avec injection des surplus » prend de l’ampleur, les craintes ressenties par les gestionnaires du réseau d’électricité ne seront pas dissipées. La Commission de Régulation de l’Energie a d’ailleurs émis un avis défavorable pour le développement d’un système de soutien à l’autoconsommation avec injection des surplus qui pourrait engendrer des sur-rémunérations dues aux singularités de chaque projet.  Le stockage d’énergie jouera donc un rôle essentiel pour limiter les injections des surplus et par conséquent limiter l’impact du développement d’unités de production décentralisées sur la stabilité des réseaux électriques.

L’Etat et les professionnels du secteur semblent s’accorder sur le fait que les cibles prioritaires de l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque se trouvent dans les secteurs tertiaires, industriels et collectifs

Pour le consommateur résidentiel, l’intérêt d’une installation d’autoconsommation d’électricité photovoltaïque est plus important si celle-ci s’accompagne d’un moyen de stockage, en raison d’un profil de production pouvant différer du profil de consommation d’électricité. Les pointes de consommation sont observées le matin et le soir notamment en hiver, et la consommation d’électricité du foyer peut diminuer pendant les périodes de vacances ; tandis que les périodes de production des panneaux photovoltaïques qui sont fortes en journée et notamment en été. Pour le secteur résidentiel le taux d’autoconsommation est donc très variable tout au long de l’année.

En revanche, les secteurs tertiaires, industriels et collectifs ont des profils plus adaptés car ils présentent une meilleure capacité à maximiser le taux d’autoconsommation par l’adéquation entre périodes de production (en journée pour le photovoltaïque) et profils de consommation. C’est la raison pour laquelle les appels d’offres « autoconsommation » lancés en 2016 et 2017[viii] ciblent les installations de puissance intermédiaire[ix] des secteurs industriels, tertiaires et agricoles[x] .

L’autoconsommation collective au niveau d’un ilot urbain est également un axe de développement porteur, car le foisonnement des consommations entre bâtiments tertiaires et résidentiels, voir installations agricoles, permet une meilleure synchronisation de la production d’électricité et de la consommation. De même, ce mode de consommation permet l’accès à une énergie locale pour des consommateurs ne pouvant installer des unités de production, pour des raisons techniques par exemple.

 

Ainsi, tous les secteurs s’intéressent de plus en plus à l’autoconsommation d’électricité photovoltaïque et ce d’autant plus avec le lancement des appels d’offres autoconsommation pour les installations de 100 à 500 kW et la mise en place, par l’Etat, d’un système de soutien pour les installations photovoltaïques de moins de 100 KW implantées sur le bâtiment. Ce contexte favorise donc le développement des modèles d’autoconsommation d’électricité photovoltaïque avec la possibilité d’injecter les surplus, et ainsi l’émergence de nouvelles offres commerciales en autoconsommation totale.

Enfin, les prochaines baisses de coûts attendues sont celles des technologies de stockage qui seraient réduit de 70% d’ici 2030[xi]. Leur intégration à moindre coût aux installations photovoltaïques soutiendrait donc le modèle d’autoconsommation totale en permettant un recalage des profils de consommation sur les périodes de production notamment dans le secteur des particuliers. De nombreux projets de recherche et d’expérimentation sur le sujet sont menés en France et font l’objet d’une coopération entre énergéticiens et organismes publics. Le projet Nice Grid peut être cité comme exemple. Il s’agit d’un démonstrateur qui intègre une forte production photovoltaïque, des batteries lithium-ion et des équipements communicants afin de tester le fonctionnement d’un quartier en autoconsommation. L'Allemagne va plus loin que la France : des subventions pour les propriétaires ayant des puissances installées inférieures à 30 kW ont déjà été mises en place, afin de les encourager à investir dès à présent dans le stockage de l'électricité.


Notes et Sources : 

[i] Le taux d’autoconsommation est défini comme la part de la production autoconsommée. Il est égal au rapport entre la production consommée sur site et la production totale du site

[ii] Source : CRE – « Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine »

[iii] Ménage occupant une maison individuelle, disposant d'un ballon d'eau chaude électrique et chauffé à l'électricité, tarif bleu option heures creuses

[iv] Source : Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer - SOES

[v] Source : CRE – « Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine »

[vi] Arrêté du 9 mai 2017 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment utilisant l'énergie solaire photovoltaïque, d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts telles que visées au 3° de l'article D. 314-15 du code de l'énergie et situées en métropole continentale

[vii] Prime dégressive tous les trimestres en fonction des volumes de demandes de raccordement et elle est versée sur 5 années au producteur. Elle est fixée à :

  • 400 €/kWc pour une installation ayant une puissance installée inférieure ou égale à 3kWc
  • 300 €/kWc pour une installation ayant une puissance installée entre 3 et 9 kWc
  • 200 €/kWc pour une installation ayant une puissance installée entre 9 et 36 kWc
  • 100 €/kWc pour une installation ayant une puissance installée entre 36 et 100 kWc

[viii] En tout, 134 projets ont déjà été sélectionnés et se sont vus proposer, pendant 10 ans, une prime (les 72 premiers lauréats recevront une prime de 40,88 €/MWh et les 62 lauréats suivants recevront une prime de 19,35 €/MWh). Un appel d’offre similaire d’un volume total de 10 MW et destiné à la Corse et à l’Outre-Mer sera publié dans les prochaines semaines

[ix] Installations de puissance comprise entre 100 et 500 kilowatts

[x] Consommateurs ayant la meilleure capacité à maximiser le taux d’autoconsommation par l’adéquation entre périodes de production (en journée pour le Photovoltaïque) et profils de consommation

[xi] D’après le conseil mondial de l’énergie