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La loi Macron va-t-elle réellement révolutionner la mobilité bancaire ?

L'article relatif à la mobilité bancaire de la loi Macron sera appliqué le 6 février 2017.

A l’aube de la mise en application, le 6 février 2017, de l'article relatif à la mobilité bancaire de la Loi Macron, nous avons essayé d’en dresser un état des lieux critique eu égard aux impacts des dispositions relatives à la mobilité bancaire dans d’autres pays, ainsi qu’au cas d’un secteur régulièrement comparé au secteur bancaire, le secteur téléphonique qui propose la portabilité du numéro téléphonique.

Quels impacts sont à envisager avec l’entrée en application de la Loi Macron en France ?

La loi Macron est très similaire à son pendant anglais, la CASS (Current Account Switch Service),  mis à part sur le volet des chèques que seule la loi Macron aborde car la France reste un des rares pays d’Europe à encore accorder une place importante à ce moyen de paiement.

L’analogie entre ces deux pays fait d’autant plus sens que les taux d’attrition du Royaume-Uni et de la France sont proches (tous deux de l’ordre de 4%).

Il est donc intéressant de tirer des enseignements du bilan dressé par la Competition & Markets Authority sur les impacts de la CASS (Current Account Switch Servce) au Royaume-Uni. Le rapport a jugé le dispositif coûteux, peu connu par les clients, considéré fiable par seulement 37% d’entre eux, et surtout sans effet significatif sur la mobilité bancaire avec un taux d’attrition qui a augmenté l’année qui a suivi la mise en application de la CASS puis qui a de nouveau baissé pour atteindre un niveau quasiment identique à celui qui était observé avant son entrée en vigueur.

Il est très probable que la loi Macron, seule, ne suffise pas à favoriser significativement la mobilité bancaire en France.

Comment aller plus loin que les dispositifs actuels pour améliorer la mobilité bancaire ?

Au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority note que la période de redirection des opérations est trop courte. En effet, 8% d’opérations se présentent toujours sur le compte de la banque de départ du client un an après la fermeture du compte. Et ce taux baisse très lentement. Le délai de redirection a donc été allongé de 13 à 36 mois en mars 2015 au Royaume-Uni. La première piste pour améliorer la mobilité bancaire en France serait donc de suivre le modèle anglais, sur lequel on peut s’attendre à une expérience très similaire, et de tenter de réduire le risque opérationnel lié à la redirection automatique des opérations entre les banques de départ et d’arrivée du client en allongeant également la période de redirection.

Mais même une telle mesure sera loin de suffire dans un contexte où l’image que les français ont de leur banque est au plus haut depuis 10 ans et où ils ne perçoivent que peu de différences entre leur banque et les banques concurrentes. Mieux informer les clients est donc une 2ème piste d’amélioration intéressante. C’est d’ailleurs pour répondre à ce besoin de transparence et aider les clients à comparer les différentes offres de la place, que Michel Sapin a chargé le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) de lancer un comparateur officiel  qui recense 155 établissements de crédit et prestataires de services de paiement, y compris les banques en ligne.

Enfin, il est intéressant de noter que ce n’est pas la portabilité du numéro de téléphone, introduite en 2007, qui a libéralisé le marché de la téléphonie mais l’arrivée d’un nouvel acteur, Free. Un acteur qui a cassé les règles en place et qui a forcé le secteur à se redéfinir.

Dans le secteur bancaire, les banques en ligne ont déjà commencé à bouleverser le paysage concurrentiel en proposant des services bancaires à prix réduits. Et le fossé va continuer à se creuser dans une période où les banques traditionnelles augmentent leurs frais bancaires.

Le lancement d’Orange Bank au 1er semestre 2017, en partenariat avec Groupama, pourrait avoir les mêmes impacts que l’arrivée de Free dans la téléphonie. Avec un nom reconnu, une base de plusieurs millions de clients, une offre comportant des avantages exclusifs pour les clients d’Orange et une offre phygitalisée et en temps réel, Orange Bank a de quoi inquiéter les acteurs traditionnels.

L’arrivée de nouveaux entrants de poids et innovants, dans un contexte où le client a tous les outils en main pour comparer sa banque actuelle avec de nouvelles offres, et où il n’a jamais été aussi simple de changer de banque grâce à la loi sur la mobilité bancaire, pourrait bien bouleverser le secteur bancaire.

Chacune de ces initiatives prise à part, aurait un impact limité sur la mobilité bancaire. Mais associées, elles font souffler un vent de libéralisation sur le secteur.

 

 

Sources :

Rapport sur la portabilité du compte bancaire d'Inès Mercereau (ex PDG de boursorama et conseillère référendaire à la cour des comptes)

Financial Conduct Authority