La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La distribution des « ancillary services » - aussi appelés « ancillaries » ou services ancillaires - est devenu un enjeu majeur dans le secteur de l’aérien, que ce soit pour les compagnies low cost ou les compagnies régulières.
Pour les low cost, ces services peuvent représenter une part importante des revenus : 24,8% pour Ryanair, 34,9% pour Wizz Air voire même 38,4% Spirit[1]. Pour les compagnies régulières, ils représentent une source croissante de revenus. En 2014, le revenu des services complémentaires au global est estimé à $49,9 milliards2.
Selon une étude récente3, 79% des voyageurs préfèrent acheter ces services auprès des compagnies aériennes plutôt que via un tiers comme les agences de voyages. De plus, le moment le plus propice à cet achat se situe au moment de la réservation du billet d’avion. La performance des canaux de distribution directs web et mobile des compagnies aériennes est donc déterminante pour le développement de la vente en ligne de ces ancillaries.
Quel est le niveau de maturité des compagnies aériennes dans la vente en ligne de ces services ? Comment les compagnies aériennes présentent-elles les services inclus avec le billet ? Quels sont les services vendus actuellement en ligne ? Sia Partners a étudié les sites web et mobiles de 28 compagnies aériennes réparties dans le monde pour apporter un éclairage sur ces questions (18 compagnies régulières et 10 low cost - 50% Europe, 25% Amérique du Nord, 14% Asie – Pacifique, 11% Moyen Orient).
Auparavant, quel que soit la classe de confort et la compagnie aérienne choisie, les services inclus dans le prix du billet d’avion étaient connus implicitement des clients et donc peu précisés car il semblait exister une certaine homogénéité dans l’offre des compagnies. Avec l’arrivée du « vol à la carte », la montée en gamme de certaines compagnies régulières et la création de nouvelles classes de confort qui cassent le modèle tripartite (Éco, Business, First), les disparités dans les services inclus entre les compagnies aériennes ont progressé. Par exemple, pour un vol Paris-New York sur la compagnie British Airlines en classe Economique, le client bénéficie en services inclus d’un repas, d’un bagage en soute de 23kg et d’un bagage à main, tandis que pour un vol Paris-New-York sur la compagnie Air Canada en classe « Economy Tango », il n’y a aucun service inclus.
Si les services inclus dépendent classiquement du type de tarif (plus le client monte en gamme, plus nombreux sont les services inclus), nous observons
désormais une évolution du modèle de revenus de certaines compagnies aériennes qui ont choisi de proposer en ancillary un service qui était précédemment inclus dans le prix du billet. Delta a par exemple décidé de faire payer le choix du siège pour ses trois niveaux de classes Economy (non flexible, mini prix, flexible) alors que ce service était inclus dans le prix du billet avant l’intégration des ancillaries dans leur modèle.
Le dégroupement des services inclus dépend également de la classe de voyage. Ainsi 39% des compagnies étudiées font payer le service « sélection du siège » en ancillary pour les classes de confort Economy (sinon placement aléatoire) mais incluent ce service en Business et en First.
L’étude menée indique que 79% des compagnies aériennes n’affichent pas clairement les services inclus : en particulier, 50% des compagnies ne mettent pas à disposition du client une liste des services inclus et 29% donnent accès à cette liste de manière non ostentatoire et non visuelle.
La mise en avant des services inclus apparaît comme un enjeu de taille pour les compagnies aériennes afin de fluidifier le parcours client et de faciliter, après la sélection du vol, le choix des ancillaries. Un client qui aura une vision claire de ce qui est inclus dans le prix de son billet sera plus enclin à personnaliser son vol en achetant des ancillaries car il appréciera d’une part la visibilité offerte et saura d’autre part ce qui lui manque (bagage supplémentaire, place supplémentaire pour les jambes …). Ainsi, certaines compagnies mettent clairement en avant les prestations inclues dans le prix du billet en fonction de chacune des classes de confort.
Prenons l’exemple de bons élèves tels que Air France qui présente les services inclus à l’aide de pictogrammes, Virgin Atlantic via des vidéos, Qatar à l’aide d’un texte descriptif et Delta qui propose au client de cocher les services gratuits qu’il souhaite voir inclus dans le vol (wifi, écrans suspendus, alimentation USB, sièges lit). Notons enfin que 90% des compagnies low cost étudiées ne mettent pas en avant de façon claire les services inclus (Easy Jet est la seule exception).
Sur le périmètre étudié, 93% des compagnies aériennes distribuent au moins un ancillary au moment de la réservation du billet d’avion. Les champions de la distribution d’ancillaries sont sans grande surprise les compagnies low cost puisque Ryanair, Wizz Air, Air Asia et Spirit distribuent en ligne entre 8 et 10 ancillaries différents.
Les ancillaries se distinguent en deux modèles : les modèles de ventes incitatives permettant une montée en gamme du service ou du produit (ex : le choix du siège) et les modèles de ventes croisées proposant à la vente des services ou des produits complémentaires (ex : l’hôtel).
La multiplication des modèles de ventes incitatives s’explique par le besoin, dans le cadre d’un environnement ultra-concurrentiel, de proposer une offre d’entrée de gamme se limitant au choix du billet (date et destination) sans service additionnel afin de capter la clientèle la plus large et d’offrir aux passagers un service de « vol à la carte ». Le marché dégroupe donc les services tels que le choix du siège ou les bagages en soute de son offre d’appel. Si 11% des compagnies ne distribuent encore aucun ancillary de ce type dans leur canal de vente, il est à noter que la plupart des compagnies aériennes ont pris ce tournant.
Ainsi 75% des compagnies proposent de sélectionner son siège. Sur ces compagnies, 90% proposent pour certaines classes de payer pour choisir son siège (sinon le placement est aléatoire). Les 10% restants proposent ce service de choix de siège, mais gratuitement pour toutes les classes.
La sélection de repas est quant à elle proposée par 57% des compagnies. Sur ces compagnies, 75% proposent un repas inclus dans le prix du billet, les 25% restants proposent de payer pour choisir son plat ou menu.
La disparité des positionnements des compagnies aériennes face à la distribution des ancillaries se distingue en fonction des produits, des types de compagnies et des origines régionales des compagnies aériennes. Par exemple, 75% des compagnies proposent un choix de siège contre seulement 21% pour l’early boarding. La corrélation entre compagnie aérienne à bas coût et niveau de distribution des ancillary services est ici vérifiée. En effet, le modèle économique des compagnies low cost repose en partie sur les revenus issus de la vente de services additionnels. Les compagnies low cost proposent ainsi à 90% d’augmenter la capacité de bagage à embarquer (en particulier car la plus part ne proposent pas de bagage en service inclus) alors que les compagnies régulières ne le proposent qu’à 33% dans le canal de vente.
Si nous effectuons un focus sur les compagnies régulières européennes, nous constatons qu’elles tendent à distribuer de plus en plus d’ancillaries et à se rapprocher des standards du low cost pour contrer la pression concurrentielle forte des compagnies à bas coût très implantées sur ce territoire. A titre d’exemple, 29% des compagnies régulières européennes proposent l’early boarding, les situant à seulement un point d’écart du standard low cost.
La vente croisée permet aux compagnies aériennes de proposer un parcours complet au client, incluant le vol, l’hôtel et les transports. La compagnie aérienne se rémunère sous forme de commission auprès des distributeurs et agrégateurs de ces produits. Si la grande majorité des compagnies aériennes ont mis en place des partenariats sur la voiture et l’hôtel (respectivement 93% et 71%), moins de la moitié (respectivement 43% et 25%) les intègrent, après sélection du billet, au tunnel de vente.
Ces compagnies sont alors majoritairement des low cost puisque le rapport de distribution des ancillaries de ventes croisées entre compagnies régulières et compagnies low cost est de 2 pour 5 pour la voiture et l’hôtel. L’offre de transport vers l’aéroport et l’offre de parking à l’aéroport sont même absentes pour l’ensemble des compagnies régulières.
En ce qui concerne la comparaison régionale des compagnies régulières, il est intéressant de noter l’absence de distribution de produits complémentaires par l’ensemble des compagnies américaines du benchmark.
La distribution via le canal mobile représente un enjeu majeur pour les compagnies aériennes4. Or sur 28 compagnies aériennes, 4 ne possèdent pas d’application mobile. Parmi les compagnies disposant d’un canal mobile, la distribution des ancillaries est encore assez limitée. A titre d’exemple, le surplus bagage distribué par 54% des compagnies sur le web n’est distribué qu’à 29% sur le mobile, la location de voiture passe quant à elle de 43% sur le web à seulement 4% sur le mobile.
S’il existe des services incontournables que les clients s’attendent à trouver systématiquement, inclus dans le tarif ou payants en supplément, les compagnies aériennes savent aussi se démarquer de la concurrence en proposant d’autres ancillaries originaux.
Ces services portent essentiellement sur des ventes incitatives puisque, parmi les compagnies aériennes du benchmark, seul British Airways propose une vente croisée autre que les ventes croisées traditionnelles (hôtel, voiture, transfert ou parking). Il s’agit de la vente d’activités à destination : visites, attractions, théâtres...
La créativité de l’offre des ancillaries peut permettre aux compagnies aériennes d’augmenter le panier moyen d’un vol sans pour autant tomber dans le travers de vendre en tant qu’option des services que le client considère comme normalement inclus dans la prestation.
Un certain nombre de services sont ainsi proposés pour améliorer l’expérience de voyage au sein de l’aéroport, même si le client a choisi un billet économique :
Des services en vol originaux sont aussi parfois proposés dès la réservation, comme sur Air Asia :
Les services peuvent également viser à se démarquer de la concurrence en autorisant ce que les autres compagnies n’autorisent pas, même en payant. C’est par exemple le cas lorsque l’on autorise l’accès payant sur le vol aux animaux de compagnie (chien, chat…), comme le propose Aigle Azur.
D’autres services encore proposent des garanties, non couvertes par les assurances traditionnelles :
Enfin, l’innovation peut aussi être liée à la façon dont sont présentés et vendus les ancillaries. Ainsi, certaines compagnies ont fait le choix de packager leurs services. C’est notamment le cas de Vueling, qui propose un upgrade du tarif Basic vers les tarifs Optima ou Excellence. Mais, contrairement à l’habitude, le changement de tarif signifie ajout de services plutôt que changement des conditions d’échange et de remboursement.
Si l’on préfère conserver le tarif de base, on peut ensuite ajouter unitairement les services souhaités (bagages, placement…).
Wizz Air, compagnie low-cost, ne propose aucune classe mais présente deux packs de services : Wizz Premium et Wizz Premium Plus.
Si l’option est souscrite, les services inclus ne sont plus proposés par la suite, ce qui permet de gagner du temps dans l’achat du billet. WizzAir présente en outre les économies réalisées en choisissant le pack plutôt que les options individuelles, ce qui renforce l’attractivité du produit.
Il semble que cette logique de packaging de services soit une alternative intéressante lorsque les ancillaries proposés sont nombreux. Sélectionner de nombreux services peut en effet être fastidieux et ralentir le processus d’achat. Cette logique semble donc adaptée à partir du moment où le nombre d’ancillaries proposés est important.
Le positionnement des ancillaries varie fortement : Ryanair concentre l’ensemble de ses ancillaries à une étape, sous forme de liste, après la sélection du billet, alors que d’autres compagnies les répartissent sur plusieurs étapes. Ainsi on retrouvera parfois le choix du repas avec les informations voyageurs et la sélection de l’assurance sur la page de finalisation. Le mode de sélection de ces ancillaries est également changeant : simple clic sans changer de case (Ryanair) ou sélection en liste déroulante, ouverture de pop-up (Aigle Azur) ou changement d’écran (Lufthansa).
Pour faciliter la navigation générale, les sites intègrent régulièrement un encadré récapitulatif des services sélectionnés et prix associés qui accompagne le client jusqu’à la validation de la réservation.
De même, une frise d’avancement présentant les étapes du parcours de vente est souvent présente, mais celle-ci ne positionne pas toujours les ancillaries dans le processus.
Le benchmark a permis de montrer des différences importantes entre les compagnies étudiées dans la distribution en ligne des ancillaries en fonction :
Au global, la marge de progression dans la vente des ancillaries par les canaux directs web et mobile reste importante.
Il en est d’ailleurs de même pour la distribution indirecte par les agences de voyage en ligne et en canal physique qui proposent encore moins d’ancillaries que les sites des compagnies aériennes. Le nouveau standard NDC (New Distribution Capability) porté par IATA devrait permettre de casser les contraintes techniques et de faire évoluer cette situation pour les compagnies aériennes qui l’adopteront.
Que ce soit pour leur distribution directe (web et mobile) ou indirecte (par les agences de voyage), les compagnies aériennes seront amenées dans les années à venir à modifier la construction de leurs offres et à faire évoluer leur système d’information pour tirer pleinement profit de l’opportunité que représente la vente des ancillaries.
Références :
(1) (2) 2014 CarTrawler Yearbook of Ancillary Revenue, IdeaWorksCompany
(3) Thinking like a retailer - Airline Merchandising, Frost & Sullivan – Amadeus
(4) Selon le rapport « Atmosphère Global Travel Industry, Executive Survey », d’ici 2017, 50% des réservations en ligne devraient être effectuées via le canal mobile.