La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le mécanisme d’enchères pour le stockage de gaz naturel est au centre de l’attention des acteurs du marché du gaz depuis plusieurs mois. Ce dispositif a franchi une nouvelle étape en mars derniers, lorsque la CRE a publié sur son site les délibérations fixant les règles autour de ce dispositif.
Contrairement à l’électricité qui ne peut être stockée en grande quantité, le gaz naturel peut se stocker en masse. Cette faculté est utile puisqu’elle permet de combler le décalage existant entre une consommation en gaz fortement saisonnière (les quantités de gaz consommées en France sont trois fois plus importantes en hiver qu’en été [i]) et un approvisionnement en gaz continu et régulier.
Le stockage du gaz est ainsi un élément clé du dispositif d’approvisionnement français. Remplis en période creuse, les réservoirs sont ensuite utilisés en période de pointe afin de satisfaire la demande très importante. Des opérateurs de stockage gèrent et mettent à disposition des expéditeurs de gaz des capacités de stockage. Trois opérateurs de stockage se partagent le marché en France : Storengy (79% de parts de marché), TIGF (17% de parts de marché) et Géométhane (4% de parts de marché)[ii].
Depuis 2010 l'ensemble des capacités de stockage disponibles ne sont plus souscrites par les expéditeurs et cette tendance s’est dégradée année après année.
Ce phénomène est principalement expliqué par la différence des prix du gaz entre été et hiver qui se réduit d’année en année. En effet, depuis 2010 il est devenu souvent plus intéressant pour un fournisseur d'acheter son gaz sur les marchés l'hiver plutôt que de stocker du gaz acheté durant l'été. La sous-occupation des capacités de stockage a été jugée par le gouvernement et les opérateurs de stockage comme un risque pour la sécurité d’approvisionnement en gaz du territoire.
De fait, en 2014, le gouvernement a imposé que les volumes de gaz stockés et les débits de soutirage assortis ne peuvent être inférieurs à 80% de la somme des droits de stockage en volume utile et en débit de soutirage[iii]. Les droits d’accès au stockage sont fixés par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et mis à jour chaque année.
Cette mesure n’a pas suffi à enrayer la diminution continue des allocations de capacités de stockage car aucune pénalité n’était appliquée aux expéditeurs si ces derniers ne respectaient pas leur obligation.
En conséquence, un nouveau modèle régulé, qui a fait au préalable l'objet d'une consultation publique avec la plupart des acteurs de la chaine gazière, vient de naître. La loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 prévoit en effet, à partir du 1er janvier 2018, que le revenu des opérateurs de stockage est régulé.
Concrètement, les capacités de stockage sont commercialisées aux enchères (permettant aux expéditeurs de les acquérir à des prix avantageux), et la différence, positive ou négative, entre les recettes majoritairement issues des enchères et le revenu autorisé des opérateurs de stockage est compensée, au sein du tarif d’utilisation du réseau de transport de gaz naturel par un terme tarifaire stockage dédié. Le terme tarifaire stockage applicable à partir du 1er avril 2018 est fixé à 297,10 €/MWh/j/an[iv].
Le but de ce modèle est de réduire les coûts de stockage pour motiver l’allocation de capacité de stockage par les expéditeurs et ainsi assurer la sécurité d’approvisionnement. Il s’agit d’un modèle incitatif plutôt que contraignant. Les expéditeurs n’ont plus obligation de souscrire un volume fixé de capacité de stockage.
Les enchères menées par TIGF et Storengy en mars 2018 « ont permis de proposer l’ensemble des capacités de stockage disponibles aux acteurs de marché. La quasi-totalité de ces capacités a été allouée à des prix variants entre 0 et 2,02 €/MWh », souligne la CRE. Avec par ailleurs des capacités qui avaient été souscrites dans le cadre de contrats de long terme, « les capacités souscrites s’élèvent à 128 térawattheure (TWh) et dépassent le seuil minimum de 1 990 GWh/j défini par l’arrêté du 13 mars 2018 relatif aux stocks de gaz naturel pour garantir la sécurité d’approvisionnement entre le 1er novembre 2018 et le 31 mars 2019 », ajoute la CRE dans son communiqué de presse du 27 mars 2018.
En outre, afin d’inciter les opérateurs à la meilleure performance possible, la CRE a prévu une régulation incitative sur la commercialisation en accordant un bonus aux capacités les plus attractives pour le marché. Ainsi, un opérateur qui aura vendu la totalité de ses capacités gardera 5 % du revenu des enchères qu’il aura généré.
Pour les consommateurs, la facture gaz ne devrait pas beaucoup évoluer. Certes le coût de stockage diminue mais cette baisse est compensée par la hausse du coût de transport du fait de l’introduction du terme tarifaire stockage fonction de la modulation hivernale du client.
En définitif, le rôle premier de ce nouveau mécanisme d’enchères de stockage de gaz naturel, qui est d’assurer des niveaux de stock en gaz suffisant pour garantir l’approvisionnement en France, est atteint pour la période 2018-2019. Néanmoins, l’efficacité du mécanisme sur le long-terme est à suivre avec attention. En effet, les obligations mises en place en 2014 avaient permis une augmentation des souscriptions de capacité seulement pour la période 2014-2015.
Notes et Sources :
[i] Gas In Focus - L'Observatoire du gaz de GRTgaz et Sia Partners
[ii] Parts de marché déterminées à partir du revenu autorisé pour chaque opérateur de stockage en 2018/2019 par la CRE dans sa délibération n°2018-074 du 27/03/2018
[iii] Article R421-15 du Code de l'énergie
[iv] Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 27 mars 2018 fixant le niveau du terme tarifaire stockage dans le tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et TIGF à partir du 1er avril 2018