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Les impacts du contrat de génération sur la gestion des âges dans les entreprises du CAC 40

L'année 2013 marque un tournant important : le contrat de génération.

Ce contrat a fait évoluer le discours des entreprises, qui aborde désormais la thématique de la « gestion des âges », non seulement dans leur communication mais aussi opérationnellement dans la gestion prévisionnelle des ressources humaines. Il ne s'agit plus de se concentrer exclusivement sur les séniors, mais de réfléchir au management des âges en entreprise, en réunissant les extrêmes, les jeunes et les séniors.

 

En préambule, rappelons le contexte réglementaire de l'année 2013 : une année charnière pour la gestion des âges dans les entreprises du CAC 40...

La nouvelle loi a imposé aux entreprises de plus de 300 salariés de négocier un accord sur le contrat de génération, ou, à défaut, d'élaborer un plan d'action, au plus tard pour le 30 septembre 2013 (loi n°2013-185 du 1e mars 2013). Trois objectifs se détachent de cette obligation : inciter le recrutement des jeunes en contrats à durée indéterminée, maintenir les séniors dans l'emploi et assurer la transmission des compétences, le tout dans un contexte de volumes importants de départs à la retraite.

La pénalité encourue en cas d'absence d'accord, ou de plan d'action conforme, est laissée à l'appréciation de la DIRECCTE [1], qui peut s'appuyer sur le montant le plus élevé entre :

1% des rémunérations soumises à cotisations de sécurité sociale des salariés non-couverts par un accord ou plan d'actions
10% de la réduction "Fillon" des salariés concernés (réduction dégressive des cotisations patronales).

Une précision de taille : la pénalité s'applique par mois entier aussi longtemps qu'aucun accord ou plan d'actions conforme n'est conclu.

Quelles sont les évolutions cette année ?

Pour mesurer l'impact du contrat de génération, deux thèmes ont été étudiés : d'une part le taux d'emploi des séniors sur le périmètre Groupe et celui des jeunes sur le périmètre France (obligation française) ; et d'autre part les accords négociés / les plans d'action mis en place dans le cadre du contrat de génération.

Les biais méthodologiques déjà constatés par le passé persistent et sont même renforcés, les données étudiées n'étant plus exclusivement concentrées sur la population sénior. De façon générale, l'absence de définition internationale unifiée des catégories « jeunes » et « séniors » complexifie les comparaisons inter-entreprises, puisque les tranches d'âges varient fortement. Ce constat est renforcé en France, où la communication sur ces sujets est obligatoire, mais où les définitions sont différentes selon les cas envisagés. Lorsqu'on parle de maintien dans l'emploi, on considère les seniors de moins de 57 ans alors que pour le recrutement, il s'agit d'individus de 55 ans et plus. Ce manque d'uniformité renforce les disparités entre les chiffres présentés par les entreprises dans leurs documentations officielles.

Une communication sur le taux d'emploi des séniors qui reste importante, en particulier sur les salariés de plus de 50 ans.

Malgré les écarts en termes de catégories d'âge affichées en 2013, 29 entreprises sur 40 communiquent sur le taux d'emploi des séniors. C'est légèrement inférieur à 2012 (31 entreprises sur 40), mais toujours plus élevé qu'en 2011 (27 entreprises). On observe assez peu de variation dans la communication : les entreprises qui communiquaient leurs chiffres en 2012 restent très majoritairement les mêmes en 2013. Les seules variations s'expliquent avant tout par des changements dans les segments de communication (soit sur les plus de 50 ans, soit sur les plus de 55 ans). Seule une entreprise du CAC 40 ne communique plus ses chiffres dans la documentation en 2013.

Le vieillissement des salariés du CAC 40 en 2013 : vers la stabilisation.

Le taux d'emploi des séniors s'est clairement stabilisé, si l'on considère le périmètre des entreprises du CAC 40 qui communiquent cette information sur les 3 dernières années. L'augmentation par rapport à l'année 2012 reste très mesurée, avec 22,37% de salariés de plus de 50 ans contre 22,31% l'année dernière. Le vieillissement de la population salariée du CAC 40 se confirme donc, mais stagne [2].

Graphique N°1 : Evolution du taux d'emploi des salariés âgés de plus de 50 ans entre 2011 et 2013

En revanche, cette moyenne ne doit pas faire oublier la présence de réalités très différentes selon les entreprises.

Pour l'année 2013, les taux d'emploi des plus de 50 ans s'étalent de 7,8% (Kering, ex-PPR) à 39,90% (Michelin). Les mesures mises en place par chacune des entreprises sont donc à mettre en perspective avec la taille de leur population de séniors.

Graphique N°2 : Répartition des entreprises du CAC 40 en fonction du taux d'emploi des séniors

2013 : l'année de la gestion des âges, matérialisée par le contrat de génération...

L'année 2013 est bel et bien l'année du contrat de génération : 21 entreprises du CAC 40 ont communiqué clairement dans leurs documentations officielles sur la signature de contrats de génération ou, à défaut, sur l'établissement d'un plan d'action précis sur le sujet (3 entreprises concernées).

Graphique N°3 : Entreprises du CAC 40 affichant la signature d'un contrat de génération ou l'établissement d'un plan d'action

... mais des engagements concrets variables !

La communication peine à se matérialiser : seules 10 entreprises sur les 21 concernées affichent leurs engagements chiffrés sur au moins un des objectifs du contrat de génération : un nombre de recrutements de jeunes ou de séniors, un taux de maintien dans l'emploi de séniors... Le décalage entre l'obligation française de produire le contrat de génération ou un plan d'action, incluant des objectifs chiffrés, et son intégration dans la communication institutionnelle de l'entreprise est palpable.

En outre, malgré la dimension intergénérationnelle des mesures liées au contrat de génération, il semble plus facile pour les entreprises de communiquer sur les actions et les données chiffrées relatives aux jeunes. Cela s'explique par le fort accent mis sur le recrutement de cette cible, pour qui les formes contractuelles sont particulièrement variées : alternance, stages, CDD, CDI... Communiquer sur les chiffres qui concernent le recrutement des jeunes, c'est contribuer à renforcer l'attractivité de la marque employeur de l'entreprise vis-à-vis des profils qu'elle souhaite attirer. Pour les séniors en revanche, la communication officielle des entreprises est davantage centrée sur la préparation à la retraite, même si des exceptions existent (EDF, Renault...).

Exemple d'objectifs chiffrés, chez Renault :

  • Plus de 2 000 alternants par an
  • 800 contrats d'insertion sur 3 ans
  • 30% des embauches en CDI réservées aux jeunes
  • 10% des embauches en CDI réservées aux anciens alternants
  • 30% des formations dispensées par les salariés séniors
  • 14% de salariés de plus de 55 ans d'ici le 31 décembre 2016
  • 2% des embauches en CDI auront 50 ans et plus

Des actions proposées qui restent très classiques

Si l'on s'attarde sur les mesures présentées par les entreprises du CAC 40 qui entrent dans le périmètre du contrat de génération, il faut bien reconnaître que la majorité est déjà connue et rarement spécifique à une entreprise en particulier : accompagnement à la retraite, valorisation des compétences spécifiques, aménagement du temps de travail, organisation de la transmission des savoirs, tutorat / mentoring / formation de jeunes alternants, forums de recrutement dédiés aux jeunes...Finalement, les actions proposées sont les mêmes que celles déjà mises en oeuvre pour les Accords et Plans d'Action Senior : le contrat de génération n'a pas suscité d'innovation.

Bien évidemment, plusieurs mesures retiennent toujours l'attention. Pour attirer des jeunes, le point d'entrée est bien souvent l'implication de l'entreprise dans la vie scolaire, au travers de concours comme le Go Green in the City de Schneider Electric par exemple. Les participants peuvent profiter de l'occasion pour mener conjointement la réalisation de leur projet et leur recherche d'un premier emploi, ce qui rend leur candidature plus personnelle que dans le cadre d'évènements plus traditionnels (forums, jobs-dating...).

Le vrai point de rencontre entre jeunes et séniors est celui de la transmission des savoirs : avant de partir, les séniors sont invités à transmettre leur expérience en particulier aux plus jeunes.

Pour ce qui est des séniors, le sujet phare reste celui de l'accompagnement à la retraite. Il peut être réalisé au travers de séminaires (57+ chez Alstom par exemple), ou par une approche pragmatique des aspects financiers, au travers de plans d'épargne. Il n'est pas inutile de rappeler que 64% des 50-65 ans associent retraites et baisse des revenus[3]. Et si le mot « recrutement » est rarement mis en avant lorsqu'il s'agit des séniors, le maintien dans l'emploi reste une préoccupation essentielle, qui se traduit souvent par des temps partiels accompagnés d'une rémunération qui doit rester attractive.

Le vrai point de rencontre entre jeunes et séniors est celui de la transmission des savoirs : avant de partir, les séniors sont invités à transmettre leur expérience en particulier aux plus jeunes. Ainsi, chez Renault, un temps partiel « transmission des savoirs » a été mis en place, pour permettre une transition progressive vers le départ à la retraite. Chez LCL, les plus de 58 ans sont prioritaires pour devenir « référents-formateurs » de jeunes alternants. Chez LVMH encore, les plus de 55 ans volontaires et compétents peuvent animer des cours à l'école des savoir-faire maroquiniers. Pour une entreprise, c'est l'occasion de faire d'une pierre deux coups, en proposant des mesures qui permettent de répondre conjointement aux aspirations des seniors et des jeunes.

La loi a clairement influencé le discours des entreprises, qui ont fait évoluer leur communication sur la gestion des séniors et des jeunes. Il est à ce titre frappant de constater l'obsession à gérer de front les populations jeunes et séniors. Plutôt que de chercher à tout prix à réunir les éternels « opposés » que sont les jeunes et les séniors, ne s'agirait-il pas de raisonner sur le cycle de vie du collaborateur, peu importe son âge ? L'âge n'est finalement pas une donnée importante du point de vue du collaborateur, pour qui cette discrimination plus ou moins discrète n'a finalement que peu de sens. Le contrat de génération n'est pas une fin en soi mais bien un premier pas qui doit permettre d'étoffer l'accompagnement global du collaborateur, tout au long de sa vie professionnelle.

 

[1] Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi

[2] Si l'on observe la moyenne « brute » de l'année 2013, en prenant en compte l'ensemble des entreprises ayant communiqué ces données en 2013, la stabilisation de la part des salariés de plus de 50 ans se confirme et s'élève à 22,23% (légère diminution).

[3] Etude CEGOS, avril 2013

Cet article a été écrit dans le cadre de l'étude comparée de la publication des Groupes du CAC 40 en matière de Responsabilité Sociale d'Entreprise, réalisée chaque année par Sia Partners. Elle vise deux objectifs majeurs : d'une part, analyser la qualité de la communication RSE réalisée par les entreprises, et leur niveau d'implication sur cette problématique ; d'autre part mesurer le degré de maturité des entreprises en matière de RSE, sur 5 thématiques du volet « Social ». La version 2014 de l'étude RSE Sia Partners est disponible sur demande : rse@sia-partners.com