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Les nouvelles formes de conflictualité dans l'entreprise: quand le conflit social devient le passager clandestin du fonctionnement normal des organisations...

Cet article est la synthèse de notre étude Management Social « La fin des grèves comme outil de lutte : vers la clandestinité des combats sociaux [1] ».

Depuis 1975 le nombre de jours de grève (JINT [2]) a presque été divisé par 5, renforçant la thèse d'une pacification des rapports sociaux en entreprise, et de l'évolution des positions des grandes centrales syndicales.

Au-delà de cette chute, notons que les motivations mêmes des grèves des 10 dernières années reposent sur des mots d'ordre extérieurs à l'entreprise.

Autrement dit, la mobilisation suit davantage les grandes problématiques sociétales que les sujets plus internes à l'entreprise.

Les pics de grève sont ainsi atteints en 2010, avec le sujet des retraites (65% des motifs de grèves comportaient un mot d'ordre extérieur), et en 2005 (50% de mot d'ordre extérieur) avec la journée de solidarité.

A l'inverse, notons que 2009 atteint un creux de mobilisation alors que la France connaît un pic de licenciements économiques.

Pour autant, nous ne pourrions en conclure que l'entreprise ne mobilise plus ni ne reste une zone de conflit. D'ailleurs, notre étude Sia Partners de septembre 2013 sur Le positionnement des Centrales syndicales nous avait déjà démontré que la distinction traditionnelle entre Réformistes et Réformateurs était encore de mise, et que les actions étaient différentes selon que les enjeux étaient nationaux ou locaux.

Le conflit en entreprise existe toujours, il semble juste avoir quitté la rue pour s'internaliser au coeur des relations sociales et humaines de l'entreprise.

Depuis ces dernières années, les révélateurs de conflictualité se sont déportés vers de nouvelles formes moins pénalisantes pour le salarié ; en particulier, en ce qu'elles permettent d'éviter la sanction financière des jours de grève, mais aussi d'« image » interne en se positionnant comme gréviste (crainte de choisir un camp, d'être identifié ou de se discréditer vis-à-vis du management). Finalement la grève est un outil de conflit certes collectif, mais qui n'assure pas pour autant l'anonymat.

Notre étude montre que le premier révélateur du conflit s'est recentré sur le dialogue social :

Entre 2008 et 2009, 41% des entreprises déclarent avoir connu au moins un conflit collectif, et entre 2007 et 2011 près d'1/4 des négociations n'aboutissent pas [4].

Le deuxième révélateur relève de l'utilisation d'outils de régulation socialepour entretenir le conflit. Ces actions déplacent le conflit au coeur du fonctionnement de l'institution, ainsi :

- Les alertes et les droits de retrait sont devenus, pour certaines organisations syndicales, de véritables outils de conflit [5];

- Les ruptures conventionnelles (qui peuvent être accompagnées par les IRP) explosent.

Notons à ce sujet que la Base de Données Uniques va venir renforcer le risque de débordement du conflit [6].

Le troisième révélateur est le recours à des autorités légitimes extérieures, comme la Médecine du Travail et l'Inspection du Travail (IT) qui se développe.

En conséquence :

L'absentéisme est en hausse,

Les contrôles de l'Inspection du Travail à la demande des IRP ou des salariés progressent (+3 points entre 2011 et 2012, soit 38% des contrôles).

Notons enfin que cette proportion d'inspection « à la demande » devrait progresser encore, puisqu'elle a été fixés à 50%.

Ces évolutions des modes de conflit ont deux conséquences immédiates :

Elles renforcent le rôle des représentants du personnel et des organisations syndicales dans l'entreprise, en tant que recours extérieur, par leurs actions d'accompagnement et d'information des salariés (à moins que l'entreprise - et la RH - ne jouent ce rôle de vecteur de communication et de régulation) ;

- En sortant le conflit de son cadre habituel, elles poussent les Ressources Humaines, le Management et les Directions Générales à considérer ces révélateurs à l'aune du conflit et du climat social et non comme de simples indicateurs d'activité.

Enfin, elles obligent les entreprises à respecter de manière loyale (ce qui ne veut pas dire « non maîtrisée ») leurs engagements et les multiples obligations légales que la Loi leur impose.

Pour toute question, discussion ou obtenir l'Etude, merci de me contacter : Pierre de Villeneuve - Manager RH & Change : pierre.devilleneuve@sia-partners.com

 

[1] Pour réaliser cette étude nous nous sommes appuyés sur les rapports et les données statistiques de la Dares (2007, 2008, 2009, 2010, 2011-2013), du Ministère du Travail, des bilans et rapport de l'Inspection du Travail (2011, 2012, 2013), du Ministère de la Justice et des données Mercer Marsh et Sofaxis concernant l'absentéisme. Nous les avons compilées pour en vérifier les tendances et les inscrire dans le temps.

[2] JINT : Journée Individuelle non Travaillée

[3] DARES

[4] « Registre de danger grave et imminent, un outil de protection et de lutte syndicale ! » - SUD

[5] Voir à ce sujet notre prochain article: « A vos marques, prêts ? Réorganisez ! Et si la base de données unique venait mettre à mal l'ensemble de vos consultations ? »