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Les pratiques RH mises en place pour faire face à la crise

Les plans d'économie et/ ou de performance RH lancés par les DRH depuis 2008 se sont révélés globalement efficaces sur le court terme.

Réduction d'effectifs, diminution des budgets de formation, optimisation des coûts de santé et prévoyance, etc. : nombreux sont les exemples démontrant la contribution déterminante des RH aux différents plans d'économie lancés dans les entreprises pour faire face à la crise (voir détail dans l'article « Bilan des plans de performance RH 2008-2009 »).

Ces mesures, souvent sources d'innovations RH, amènent les DRH à s'interroger sur l'opportunité d'en pérenniser certaines, et par conséquent sur les moyens et conditions à réunir pour inscrire dans la durée des dispositifs à l'origine établis pour répondre à une situation de crise.

Avant d'évoquer les étapes clés pour pérenniser les mesures mises en place dans le cadre de plans de performance RH, il est important d'identifier les risques qui y sont liés : perte de compétences clés, démotivation, déficit d'image à l'externe, perturbation des processus de production, etc., sont quelques unes des difficultés rencontrées par les DRH suite à la mise en oeuvre de ce type de plan.
Ainsi, la réussite des plans de départs volontaires, auxquels les entreprises ont souvent recouru, dépend largement des profils qui partent et de ceux qui sont fidélisés. Dans le cas de PSA, son premier plan de départs volontaires a créé de véritables pénuries sur certains profils, obligeant le constructeur à sous-traiter à des prestataires chez qui il retrouvait parfois d'anciens salariés.
De même, malgré le succès des prêts de main d'oeuvre, les entreprises sont encore frileuses sur le sujet, et communiquent peu sur leurs actions car elles craignent une mauvaise publicité les faisant paraître en difficulté.

Un autre exemple illustrant la nécessité d'anticiper les risques liés à la mise en oeuvre de plans d'économie RH est celui de Disney qui a dû faire face fin 2009 à une grève sans précédent : 225 salariés ont boycotté la parade de Noël, en raison du manque de perspectives données par la direction malgré les efforts demandés aux salariés (aucune augmentation collective pour la deuxième année consécutive, réduction de moitié des bonus pour les team leaders et les managers, licenciement des CDD provoquant une charge de travail supplémentaire pour le personnel permanent, suppression du programme de formation diplômante, etc.).

Un autre aspect à prendre en compte dans les plans de performance RH est le risque d'éloignement entre les professionnels RH et les salariés de l'entreprise. En effet, les équipes RH, elles-mêmes réduites dans une perspective d'optimisation de la fonction RH, sont de plus en plus sollicitées sur des questions de stratégie et de reporting, s'éloignant des problématiques RH du terrain. Ainsi, alors que 76 % des DRH estiment que les salariés peuvent construire leur projet professionnel avec l'équipe RH, seuls 27 % des salariés partagent ce point de vue (Selon la dernière enquête de l'Observatoire Cegos sur le climat social dans les entreprises montre un vrai décalage dans la perception du travail par les équipes RH et par leurs collaborateurs).

Ces quelques exemples, montrent bien que les mesures mises en place dans le cadre de plans d'économie ou de performance RH, pour qu'elles soient à la fois efficaces et pérennes, doivent en réalité s'inscrire dans la stratégie RH à long terme de l'entreprise, et être portées par tous les acteurs RH. Un tel résultat s'obtient par la combinaison de plusieurs facteurs :

1. Pérennisation des équipes en charge de la mise en place des mesures de crise

Initiées dans le cadre d'une situation de court terme, la plupart des mesures établies par les plans de performance RH sont gérées en tant que projets avec des équipes dédiées sur un laps de temps prédéterminé. Il est donc nécessaire, lorsque la DRH décide de prolonger une mesure pour l'inscrire dans ses processus pérennes, d'assurer la transition entre les équipes projet et les structures qui seront durablement responsables d'un sujet. Ainsi, dans le cadre de la mise en place de son plan de performance RH, la SNCF a clairement différencié les responsabilités de l'équipe projet en charge de mettre en place les outils du contrôle de gestion social, de celles du pôle en charge du suivi des reportings mensuels et de l'animation du réseau des contrôleurs de gestion sociaux des différentes branches et filiales.

2. Formalisation et généralisation des processus

En particulier au sein de grands groupes, les mesures de performance RH mises en place pour répondre à la crise sont souvent déployées sur des périmètres restreints, pour être testées. Il est donc indispensable de les formaliser clairement avant d'envisager toute généralisation. Cela peut passer par la constitution d'une boîte à outil rassemblant les meilleures pratiques, tel que le fait Safran en recensant les best practices sociales anti-crise et les accords GPEC de ses filiales. L'objectif du groupe étant que les dispositifs retenus, en concertation avec les syndicats, soient applicables aux 35.000 salariés, sous réserve d'adaptations aux situations locales.
Il est également possible de formaliser les processus via un livre blanc permettant d'harmoniser les pratiques entre différentes entités, tel que l'a fait la SNCF avec son livre blanc du contrôle de gestion social.

3. Alignement avec la culture d'entreprise

On l'a vu, certaines mesures d'optimisation de la performance RH fonctionnent très bien et sont mises en oeuvre dans différentes entreprises et divers secteurs d'activité. Il est toutefois important de ne pas forcément dupliquer de manière stricte d'une entreprise à une autre ni même entre les filières d'un même groupe, au risque d'un rejet. Une mesure en soi efficace peut en effet se révéler en contradiction avec la politique RH de l'entreprise, et finalement contre productive. Ainsi, l'arrêt de la formation diplômante HAT (Hôte d'Accueil Touristique) début 2009 chez Disney, sans mise en oeuvre, ni annonce de projet de formation alternatif, n'était pas cohérent avec le discours affirmé du groupe sur la formation et l'accompagnement individualisé des « cast members » pour des parcours de carrière définis sur le long terme.

4. Un accompagnement des salariés sur le terrain

Avec l'optimisation de la performance RH, les tâches RH administratives sont mutualisées, si bien que le niveau des professionnels RH est tiré vers le haut, leur permettant de se recentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée, et de niveau plus stratégique. Ainsi, en 2009, la part des cadres (52%) de la fonction RH dépasse pour la première fois celles des non cadres (contre 45% de cadres en 2006) (Selon l'étude triennale de la CEGOS sur la fonction RH). Pour garder un lien avec le terrain, il est donc important que les RH puissent s'appuyer sur des managers formés aux processus RH de base, capables de passer les messages RH aux salariés, notamment sur les mesures des plans d'économies RH, et de remonter les alertes quand il est nécessaire que les responsables RH prennent le relai sur des sujets d'expertise ou particulièrement sensibles.

On le voit, la pérennisation des mesures qui se sont révélées efficaces dans le cadre des plans d'économie et/ou de performance RH est un sujet à traiter à deux niveaux : il est dans un premier temps nécessaire de vérifier la pertinence du maintien des dispositifs de crise sur le long terme, avant de commencer à travailler sur les organisations, procédures et méthodologies à mettre en place pour les adapter, les généraliser et ainsi les inscrire dans les processus RH pérennes de l'entreprise. En capitalisant sur ces réussites, les DRH pourront ainsi confirmer leur rôle de véritable business partner, à même de contribuer de manière déterminante et durable au pilotage de la performance globale de l'entreprise.