La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le Président de la République a promulgué samedi 30 décembre 2017 la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, parue le lendemain au Journal officiel.
L'une de ses ambitions majeures est la réduction du déficit cumulé du Régime Général (RG) et du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV), dans l'optique de parvenir à l'équilibre des comptes sociaux en 2020.
Dans un article précédent, nous rappelions que l'objectif du Gouvernement était une diminution du déficit de 3 milliards d’euros par rapport à 2017. Celle-ci sera portée particulièrement par la branche Maladie, dont le solde devra passer de -4,1 milliards en 2017 à -0,8 milliard en 2018.
La fixation de l'Ondam à 2,3 % dans la LFSS 2018 équivaut à fixer l’objectif suivant : la dépense en soins de ville et d’hospitalisation en 2018 ne devra pas excéder 102,3 % de la dépense en soins de ville et d’hospitalisation réalisée en 2017, soit 195,2 milliards d’euros. Or, la tendance « naturelle » d’augmentation des dépenses se situerait, d'après le ministère de l'Économie, à environ 4 %.
Des pistes d’économies ont été identifiées pour garantir le respect de l’Ondam en 2018. Celles-ci se répartissent entre six grandes catégories d’actions, dont la mise en œuvre intégrale permettrait de réaliser 4 165 millions d'euros d'économies en 2018.
L'un des articles phares du PLFSS 2018 est l'introduction d'un « Cadre d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé », c'est-à-dire d'un cadre juridique permettant à des acteurs locaux comme nationaux de mettre en œuvre, pour une durée maximale de cinq ans, d'expérimentations ayant trait :
Ces expérimentations peuvent donc aussi bien concerner la prise en charge des produits et services médicaux que les modes de management et d'organisation, ou encore les modes de financement.
Économies attendues : 1 490 millions d’euros
Cet axe implique :
Économies attendues : 480 millions d’euros
« Des médicaments anciens constituent des rentes de situation, nous le savons. Nous avons des marges de progrès dans les négociations », a reconnu Agnès Buzyn [3], ministre des Solidarités et de la Santé. En effet, la décision finale concernant le remboursement par la Sécurité sociale d'un médicament mis sur le marché par une entreprise pharmaceutique relève de la compétence du ministère. Elle est rendue à l'issue d'une évaluation menée par la Haute Autorité de la Santé (HAS) puis par le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Économies attendues : 340 millions d’euros
Outre la sensibilisation des professionnels de la santé, le ministère des Solidarités et de la Santé envisage de ne rembourser aux établissements que le tarif du médicament générique afin de les obliger à consommer plus de génériquesque de produits princeps.
Économies attendues : 40 millions d’euros
Contrairement aux médicaments génériques, qui sont constitués de molécules produites par synthèse chimique, les médicaments biosimilaires sont produits à partir d'une cellule d'un organisme vivant ou dérivé de celui-ci. L'efficacité et les effets indésirables d'un médicament biosimilaire sont équivalents à ceux de son médicament biologique de référence. D'après la Haute Autorité de la Santé, leur introduction représente un intérêt économique dans la mesure où elle permet de « stimuler la concurrence et induire une baisse des prix des médicaments biologiques tout en garantissant la sécurité et la qualité des traitements [4] ».
Économies attendues : 100 millions d’euros
Il s'agirait pour ce faire de renforcer la régulation du secteur des dispositifs médicaux, c'est-à-dire faire en sorte que les règles (de publicité, de promotion, de prescriptions) qui s'y appliquent convergent avec celles s'appliquant aux médicaments.
Économies attendues : 320 millions d’euros
L'une des mesures proposées consiste, non plus à prévoir uniquement des sanctions en cas de non-respect de dispositifs tels que le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES), mais également à mettre en place un système incitatif, par la création d'un modèle d’intéressement des établissements de santé dans le cadre du CAQES dès lors que ces derniers répondent aux objectifs fixés au contrat.
Il existe actuellement un dispositif appelé « clause de sauvegarde » qui prévoit le versement par les entreprises pharmaceutiques d'une contribution à l'Assurance maladie en cas de dépassement d'un taux fixé par la LFSS – le taux « K », correspondant à une progression du chiffre d'affaires global HT. Pour être exonéré de cette contribution, les entreprises peuvent négocier avec le CEPS et verser en contrepartie une remise conventionnelle. L'octroi de moyens permettant au CEPS de disposer de davantage de leviers de négociations vis-à-vis des entreprises, pour un emploi plus optimal de la clause de sauvegarde.
Économies attendues : 1 465 millions d’euros
Les actions prévues sont :
« Nous souhaitons inciter financièrement à la pertinence du parcours de soins […], augmenter la prise en compte de la qualité dans le modèle de financement (les incitations financières à l'amélioration de la qualité, ou IFAQ), intensifier le virage ambulatoire, moderniser les soins de suite et de réadaptation ou encore accompagner l'offre de soins avec notamment la télémédecine », a exposé la ministre des solidarités et de la santé lors de son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat en octobre dernier. C'est à travers la mise en place de « cadres d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé » pour une durée maximale de cinq ans que le gouvernement souhaiterait favoriser des innovations organisationnelles permettant d'améliorer la prise en charge et le parcours patient.
Économies attendues : 1 215 millions d’euros
L'amélioration de la performance interne induit une optimisation des achats et des dépenses hospitalières (575 millions d'euros d'économie attendus), la limitation du prix de vente des médicaments figurant sur la liste en sus [6] ou faisant l'objet d'une autorisation temporaire d'utilisation [7] (390 millions d'euros d'économie attendus), le rééquilibrage de la contribution de l'ONDAM à l'objectif global de dépenses (200 millions d'euros d'économies attendus) et enfin l'amélioration interne des établissements médico-sociaux (50 millions d'euros attendus).
Économies attendues : 335 millions d’euros
Cet axe implique :
Économies attendues : 110 millions d’euros
La maîtrise médicalisée vise à l'adéquation parfaite entre le soin dispensé et le besoin du patient, dans une optique de contrôle des dépenses. Pour la ministre des Solidarités et de la santé, il s'agit d’« octroyer le bon acte au bon patient et au bon moment »
Économies attendues : 225 millions d’euros
Ces actions s'inscrivent également dans les accords conclus entre les établissements, l'ARS et l'assurance maladie. La décision d'étendre la mise sous objectif (MSO) et la mise sous accord préalable (MSAP) à tous les prescripteurs – c'est-à-dire à l'ensemble des « professionnels de santé » et plus seulement aux « médecins » – lorsqu'ils sont identifiés par l'assurance maladie comme « forts prescripteurs », relèvent également de ce domaine.
Économies attendues : 240 millions d’euros
Les économies effectuées concernent :
Outre l’extension du dispositif « Mise Sous Objectifs/ Mise Sous Accord Préalable » (MSO/MSAP) à l'ensemble des professionnels de santé, il est prévu de revoir certains critères de ciblage de ce dispositif. Des modalités de ciblage des prescripteurs excessifs de transports seront ajoutées.
Ces montants octroyés dans le cadre d'arrêts de travail visent également à être encadrés par le dispositif MSO/MSAP. Le PLFSS 2018 dans sa version actuelle prévoit par ailleurs la remise au Parlement avant le 1er juin 2018 d’« un rapport relatif aux dépenses des indemnités journalières au titre de la maladie, notamment concernant les arrêts courts ou itératifs, afin de mieux prévenir ces arrêts ou d’en améliorer les contrôles ».
Économies attendues : 90 millions d’euros
Il est prévu dans ce cadre un rehaussement des sanctions financières ainsi que de donner aux directeurs des organismes locaux d’Assurance maladie la permission de prononcer des avertissements à réception de l’avis de la commission des pénalités financières.
Les autres mesures proposées sont les suivantes :
Il s'agit en fait d'élever de 2 € le forfait journalier hospitalier en MCO et en SSR et de 1,5 € en psychiatrie. Cette augmentation, qui constitue une recette pour la branche maladie, sera à la charge des ménages et des complémentaires d'assurance maladie
Économies attendues : 100 millions d’euros
Les organismes complémentaires ont pris l'engagement en 2012 de participer à la rémunération des médecins. Pour ce faire, ils versent depuis 2014 une contribution globale d'un montant annuel de 150 millions d'euros à ce titre. Cette mesure est prorogée d’un an et le montant de la contribution actuellement en vigueur passera de 5 à 8,10 euros par assuré consultant son médecin traitant.
La LFSS pour 2018 prévoit donc de multiples pistes d'économies pour combler le déficit de la branche Maladie. La philosophie de la loi est de faire que l'effort lié à la contraction de ces dépenses soit supporté aussi bien par les industries pharmaceutiques (baisse des prix des médicaments) que par les professionnels de santé (encadrement des dépenses et des pratiques) et les usagers (actualisation du forfait hospitalier). Certaines mesures – l'article 58 sur les dispositifs médicaux et les produits de santé et l'article 63 sur la généralisation du tiers payant sur la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire notamment - ont fait l'objet d'une saisine du conseil constitutionnel par soixante députés (LR). La plupart d'entre elles ont cependant été reconnues conformes à la constitution à l'exception des paragraphes de l'article 58 traitant des « règles de bonnes pratiques » relatives aux activités de formation professionnelle à la connaissance ou à l'utilisation des produits de santé, ces dispositions n'ayant « pas d'effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement [8] ».
[1] Source : annexe 10 au PLFSS 2018 (Étude d'impact).
[2] Idem
[3] Source : audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé et de M. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des comptes publics par la commission des Affaires sociales du Sénat le 17 octobre 2017 (site du sénat).
[4] Source : Haute Autorité de la Santé.
[5] « Un dispositif médical est un instrument, appareil, équipement ou encore un logiciel destiné, par son fabricant, à être utilisé chez l’homme à des fins, notamment, de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement, d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure. » (Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
[6] La "liste en sus" permet la prise en charge directe, à l’euro, les dépenses de certains produits de santé onéreux et innovants qui, au vu de leur prix, ne peuvent pas être financés par les seuls tarifs des séjours d’hospitalisation
[7] "Des spécialités pharmaceutiques qui ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur le marché peuvent, à titre exceptionnel, faire l’objet d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) délivrées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) si elles sont destinées à traiter des maladies graves ou rares, en l’absence de traitement approprié, lorsque la mise en œuvre du traitement ne peut être différée" (Source : ministère des solidarités et de la santé)
[8] Décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017 du Conseil constitutionnel, consultée via ce lien.