La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le transport ferroviaire domestique de voyageurs est dorénavant ouvert à la concurrence en Italie. La compagnie NTV lance le 28 avril ses opérations en s'appuyant sur ses rames à grande vitesse « Italo ».
Le transport ferroviaire domestique de voyageurs est dorénavant ouvert à la concurrence en Italie. La compagnie NTV, détenue par Luca Cordero di Montazemolo (patron de Ferrari), par Diego della Valle (PDG du magasin Tod's) et par la SNCF (à hauteur de 20%), lance le 28 avril ses opérations en s'appuyant sur ses rames à grande vitesse « Italo ». L'AGV dernière génération, construit par Alstom et représentant 1,3 milliard d'euro d'investissement, circulera sur la ligne Naples - Milan, via Rome avant de desservir, dès 2014, les villes de Venise, Padoue, Bologne ou Turin. NTV concurrencera donc la compagnie publique italienne Trenitalia, en monopole jusqu'à présent sur les lignes nationales.
Le modèle Italo est la dernière génération de rame conçue par Alstom, l'AGV qui utilise des technologies innovantes comme le système de motorisation répartie ; les moteurs sont situés sous les voitures ce qui a pour effet d'accroître de 20% la capacité du train et de réduire la consommation d'énergie de 10% et les frais d'entretien. De plus 95% de son équipement est recyclable. Ces technologies ont par ailleurs permis au TGV de battre le record de vitesse sur rail en avril 2007 (574,8 km/h).
Le train est composé de trois classes différentes, comme dans les avions : la Smart (économique), la Prima (Business) et la Club (Première classe), dispose de voitures plus larges et de fenêtres panoramiques, est équipée du Wifi.
Dans les classes Primas et Club, un véritable service de restauration sera offert, inspiré de l'aérien. La classe Smart est dotée d'un service de « snacking ».
L'ensemble du personnel de la compagnie parle italien et anglais permettant de répondre aux exigences d'une clientèle Business et internationale. De plus sur les classes premium (Prima et Club), six hôtesses seront disponibles pour répondre aux besoins des passagers et servir les plateaux repas, sur le modèle, de nouveau, de l'aérien.
Une salle d'attente a été aménagée dans chaque gare desservie afin de pouvoir accéder à toutes les informations nécessaires et de pouvoir se détendre avant un voyage
NTV propose donc un service de qualité et un confort inégalé pour des prix abordables. Trois niveaux de prix ont en effet été créés pour la classe Smart et deux niveaux pour la classe Prima et Club. Pour un Milan- Rome, les prix s'échelonnent entre 45 et 130 euros et pour un Naples- Rome de 20 à 59 euros.
Le réseau de distribution a été organisé pour centraliser l'ensemble des ventes autour d'internet aussi bien sur la vente directe (sites web, téléphones mobiles), que sur la vente indirecte (sites web pour les tours opérateurs et agences de voyages tierces). NTV projette de réaliser plus de 80% de ses ventes sur ces canaux. Les clients pourront également acheter leur billet directement à bord des trains ou sur des bornes dans les gares, mais l'impasse a été faite sur un réseau de guichets en gares.
NTV a pu développer un système d'information extrêmement innovant, bénéficiant des meilleures pratiques et logiciels du marché et de l'expertise du partenaire SNCF dans ce domaine. Une gestion intégrée des données voyageurs va permettre à NTV de proposer à ses clients une information continue de la réservation initiale jusqu'aux services à destination, en passant par l'information voyageur pendant le trajet.
La vraie révolution apportée par l'arrivée de NTV sur le marché ferroviaire italien provient de son modèle économique. En effet la structure de coût de NTV se rapproche des opérateurs low cost aérien avec une projection de 1000 employés en direct (dont 100 mécaniciens et 700 personnels de bord) pour une cible de 8 millions de clients à l'horizon 2014. NTV a décidé de sous-traiter certaines tâches (à terme, un millier d'emplois indirects pour l'entretien, la restauration et la billetterie). Le choix de centraliser la distribution autour du web va également permettre à NTV de réaliser des économies d'échelle très significatives sur le long terme en se passant d'un réseau de distribution physique propre.
NTV s'est également doté des meilleures pratiques dans les domaines de la distribution et de l'optimisation des revenus, en capitalisant sur l'expertise avancée de la SNCF sur ces sujets.
Autre avancée notable et fait rare en Italie, NTV va proposer un mécanisme de rémunération et des plans de carrière basé sur le mérite, en dérogation au droit national. Le salaire fixe pourra augmenter de 25% grâce à un système de primes individuelles et collectives, et à un dispositif d'intéressement aux résultats. L'objectif de cette approche est de renforcer la qualité de service tout en augmentant la productivité.
Le modèle économique de NTV va ainsi s'appuyer sur une structure de cout beaucoup plus légère que celle de l'opérateur historique Trenitalia, ce qui va lui permettre d'abaisser sensiblement son point d'équilibre en termes de rentabilité.
Le tableau ci-dessous présente une estimation du ratio Chiffre d'Affaire par employé entre Trenitalia et NTV.
Le modèle économique diffère cependant des purs opérateurs low cost, NTV ayant opté pour un positionnement produit « haut de gamme ». Ce positionnement « haut de gamme » est un pari risqué mais qui peut s'avérer payant, si les tarifs proposés restent compétitifs en catégorie économique (classe « smart ») et cohérents avec la qualité des services proposés en catégories supérieures (classes « prima » et « club »). L'analyse des tarifs proposés pour les premières circulations de trains semble confirmer cette orientation.
On peut ainsi penser que NTV sera en mesure de soutenir une « guerre tarifaire » avec son concurrent direct Trenitalia, qui serait au demeurant très pénalisante pour ce dernier en raison de sa situation financière précaire.
Les dirigeants de la compagnie se sont donnés pour objectifs de transporter 8 à 9 millions de passagers d'ici 2014, afin d'acquérir près de 20 à 25% de part de marché et de desservir quatre destinations supplémentaires (Bologne, Padoue, Venise et Turin). Pour cela 25 trains circuleront dès janvier 2013. Ceci devrait permettre à NTV d'atteindre un équilibre des comptes dès 2014 misant sur leur positionnement unique.
La crise économique a frappé de plein fouet l'Italie (récession de 1,2% cette année) ce qui peut compromettre le succès de l'opération.
De plus, selon Marco Ponti, professeur d'économie des Transports à l'université polytechnique de Milan, il existe un triple danger :
Le succès de NTV va surtout dépendre de l'évolution du climat économique italien, de l'arrivée potentielle de nouveaux concurrents aérien low cost sur ses marchés les plus rentables et du taux global de fréquentation des trains. Le véritable enjeu ne portera donc pas, in fine, sur la répartition des parts de marché entre NTV et Trenitalia, mais plutôt sur l'appétence et les capacités financières des Italiens à voyager en train dans les prochains mois.