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Quels défis pour la diversité en entreprise?

En 2016, 33 entreprises du CAC 40 sont signataires de la charte de la Diversité, signe d’une prise de conscience de l’intérêt de s’engager sur ce sujet.

Cet engagement s’est matérialisé autour de quatre axes majeurs : l’égalité professionnelle, la diversité des âges, la diversité des origines, et l’emploi et l’intégration des personnes en situation de handicap. Que ce soit pour respecter les contraintes légales ou pour structurer une véritable stratégie de la diversité, de nombreux dispositifs ont été mis en œuvre.

Quel est le bilan des entreprises du CAC 40 concernant leurs engagements en matière de diversité, sur les quatre principaux axes de la diversité?

En 2004, face au constat que la discrimination était toujours bien présente en entreprise, Claude Bébéar et Yazid Sabeg lançaient la Charte de la Diversité, texte dans lequel l’entreprise signataire condamne les discriminations et s’engage à œuvrer pour plus de diversité en son sein. En 2016, 33 entreprises du CAC 40 sont signataires de la charte[1], signe d’une prise de conscience de l’intérêt de s’engager en matière de diversité. Cela leur permet en premier lieu de se prémunir contre le risque juridique : la loi du 27 mai 2008 liste en effet 18 critères selon lesquels il est interdit d’opérer une sélection. Afin de se conformer à la loi, les entreprises ont donc révisé l’ensemble des processus RH : recrutement, gestion de carrière, accès à la formation. Elles ont également pu mettre en place des modules de formation et de sensibilisation des managers et des populations RH pour rappeler le cadre juridique et présenter des bonnes pratiques. Au-delà de la mise en conformité légale, l’entreprise peut également développer des avantages concurrentiels importants : développer sa réputation auprès des clients, augmenter sa notation auprès d’agences spécialisées,  obtenir des marchés publics soumis à conditions, développer sa marque employeur pour recruter et retenir les meilleurs talents et développer la motivation de ses collaborateurs …

Cette prise de conscience et ces enjeux ont amené les entreprises à s’engager sur le sujet en privilégiant quatre axes majeurs : l’égalité professionnelle, la diversité des âges, la diversité des origines, et l’emploi et l’intégration des personnes en situation de handicap.

Quel est le bilan des entreprises du CAC 40 concernant leurs engagements en matière de diversité, sur les quatre principaux axes de la diversité?

Egalité hommes femmes : une implication forte des entreprises du CAC 40, avec la représentativité des femmes aux Conseils d’Administration en fer de lance

Concernant la représentativité des femmes dans les conseils d’administration, les entreprises du CAC 40 continuent de s’inscrire dans le respect des jalons prévus par la loi Copé–Zimmermann[2]. En 2015, 37 entreprises sur 40 ont atteint le seuil attendu pour 2014 (20% des membres de chaque sexe pour 2014) et la majorité des entreprises a déjà anticipé la prochaine étape de la loi : 10 entreprises ont déjà atteint le seuil attendu pour 2017 (40% de membres de chaque sexe aux Conseils d’Administration),  20 autres se situent dans la bonne dynamique (au-delà de 30%).  Le levier législatif a donc pleinement rempli son rôle, la part des femmes dans les conseils d’administration étant désormais représentative de celle des effectifs globaux, pour les entreprises du CAC 40. Concernant les Comités Exécutifs en revanche, en l’absence d’obligation légale, la part des femmes au Comité Exécutif stagne depuis 6 ans, ne dépassant jamais 11%. La multiplication par deux de la part des femmes au sein des conseils d’administration, encadré par la loi Copé-Zimmerman, contraste ainsi fortement avec la stabilisation de cette dernière au sein des Comités Exécutifs sur la même période. L’absence de cadre légal contraignant empêche toute évolution, à défaut d’initiative spontanée lancée par les entreprises elles-mêmes.

 

Concernant les actions en faveur de l’égalité professionnelle, les efforts se concentrent en particulier sur deux chantiers, sur lesquels les entreprises du CAC 40 se donnent de véritables objectifs : la rémunération et le développement de carrière.

Le rattrapage de l’inégalité salariale demeure la priorité, à l’instar de Schneider, qui a pris l’engagement pour 2017 d’étendre son processus de vérification des écarts de rémunération à 85% des collaborateurs (contre 56% en 2015). Legrand a également affiché comme priorité Groupe pour 2014-2018 la réduction de 15% de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes sur les positions non-managériales. Cependant, la transparence « totale » n’est pas de mise sur ce sujet : si 21 entreprises du CAC 40 communiquent sur le fait qu’elles suivent l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, seules 4 d’entre elles partagent explicitement la donnée chiffrée. C’est le cas par exemple de Michelin, avec un écart de rémunération hommes-femmes à 2,8% en 2015 ou d’Orange, ou les écarts salariaux non explicables atteignent 0,63%.

Concernant le développement de carrière, sujet récurrent chaque année, citons les bonnes pratiques mises en place par Saint Gobain et son programme de tutorat / mentoring, accompagné d’un module e-learning de sensibilisation à destination des RH et des managers ; ou encore par Axa et son programme « Parrainage en Tandem », grâce auquel des cadres dirigeants utilisent leur connaissance de l’organisation et leur influence pour « œuvrer au renforcement du vivier de talents féminins et favoriser un développement accéléré de la carrière des femmes participant au programme » (18 nouveaux parrainages en 2015).

Afin de valoriser les travaux réalisés par les entreprises en matière d’égalité hommes-femmes, une tendance nouvelle se développe : l’inscription dans une dynamique de labellisation. C’est le cas de Lafarge, qui a obtenu pour une de ses filiales la certification EDGE (Economic Dividends for Gender Equality), standard de certification mondial pour l'égalité professionnelle hommes-femmes. Ce type d’initiative concrète permet d’espérer des retombées positives en termes de marque employeur et de fidélisation des salariés.

En synthèse, l’année 2015 confirme la place prépondérante du sujet de l’égalité hommes femmes, pour lequel les entreprises du CAC 40 se mobilisent globalement, autant poussées par le cadre légal que par leur volonté affichée de construire leurs propres dispositifs d’action.

Handicap : un bilan et une mobilisation mitigés, mais des actions isolées sur lesquelles capitaliser

En 2015, nous observons une très légère éclaircie pour ce pilier de la diversité, dont la concrétisation peine à voir le jour. En effet, parmi les 20 entreprises du CAC 40 qui affichent le taux d’emploi des personnes handicapées sur le périmètre français, 6 d’entre elles atteignent le quota imposé de 6% en 2015, contre 4 en 2014. In fine, le bilan global concernant l’évolution du taux d’emploi des personnes handicapées sur le périmètre français, entre 2014 et 2015, est tout de même mitigé : ce dernier stagne depuis l’an dernier (4,70% en 2015, 4,78% en 2014), pour les entreprises communiquant cette information pour 2014 et 2015.

Les actions mises en avant par les entreprises du CAC 40 restent généralement classiques et s’inscrivent dans le cadre des modalités prévues par la loi du 11 février 2005[3]. Cependant, certaines entreprises ont mis en place des initiatives allant au-delà de la simple réponse aux objectifs fixés par la loi. Total, par exemple, allie à la fois actions internes (insertion, formation, accompagnement, sensibilisation équipes…) et externes (information/ communication vers la population étudiante, collaboration avec des cabinets de recrutement...).

Si la communication des entreprises du CAC 40 est orientée sur les trois premiers axes prévus par la loi du 11 février 2005, le versement des contributions financières pour atteindre les objectifs reste un sujet tabou et il est très difficile de trouver une information précise dans la communication des entreprises du CAC 40. Et cela s’explique : afficher le choix d’un versement financier plutôt que d’une transformation des processus RH n’est pas forcément très bien perçu par les parties prenantes, en particulier par les collaborateurs.

Enfin, la recherche de labellisation / normalisation fait également partie des pistes de travail. C’est ainsi le cas de Safran, qui vise d’ici 2017 la certification « entreprise handi-accueillante » attribuée par l’AFNOR (Association Française de NORmalisation) pour 10 de ses établissements.

En synthèse, le traitement du handicap par les entreprises du CAC 40 laisse une nouvelle fois une impression mitigée : si les actions citées sont nombreuses, le faible taux d’emploi des personnes handicapées illustre la difficulté, voire l’absence de volonté des entreprises du CAC 40 de transformer l’essai.

Diversité des âges, une nécessité de faire face au vieillissement de la population et à l’arrivée des jeunes générations sur le marché du travail

La diversité intergénérationnelle est un cheval de bataille pour les entreprises du CAC 40 car d’une part, il est interdit de faire un choix sur le critère de l’âge et d’autre part, la loi les oblige à mettre en place un contrat de génération (qui a remplacé l’accord senior lancé en 2009). Cet accord de génération lancé en 2013 avait 3 objectifs :

  1. l’insertion durable des jeunes dans l’emploi,
  2. le recrutement et le maintien en emploi des seniors,
  3. la transmission des compétences et des savoir-faire dans l’entreprise

En 2015, les salariés de plus de 50 ans représentent environ 21%  des effectifs du CAC 40, une part relativement stable depuis 2010. Cette forte représentation n’est pas surprenante, dans un contexte de vieillissement de la population française, mais elle souligne l’importance pour les entreprises de s’intéresser à ce segment d’employés. Cependant, depuis le lancement de l’étude RSE de Sia Partners en 2010 (« les entreprises du CAC 40 sont-elles socialement responsables »), aucune mesure innovante en faveur des seniors n’est à souligner. L’aménagement de fin de carrière et l’accès au temps partiel pour les seniors restent les mesures phares mises en place. En revanche, les actions mentionnées dans les publications des entreprises mettent plutôt en avant des actions orientées vers les jeunes : Engie a développé une plateforme « Engagements jeunes » pour que les alternants puissent trouver leur premier emploi. Bougyues accompagne des jeunes issus de quartiers populaires par le biais de l’association Mozaik RH. Pernod Ricard soutient quant à lui un réseau de collaborateurs de moins de 30 ans qui travaille directement avec le Top Management pour apporter la vision de leur génération sur les enjeux stratégiques du Groupe.

De façon générale, les entreprises mettent en avant la transmission des compétences qui vise simultanément les deux publics. Valéo met l’accent sur l’anticipation des évolutions et la transmission des expertises. La formation est un levier d’action intéressant pour les entreprises qui sont également soumises à des contraintes fortes (cf. zoom sur la formation).

Les effets de l’accord de génération sur le taux de chômage sont encore assez limités [4] :

Si le taux de chômage des moins de 25 ans est à la baisse, il reste tout de même particulièrement élevé par rapport à l’ensemble de la population française (9,6%). Le taux de chômage des seniors cache quant à lui l’ensemble des mesures d’anticipation de l’activité pratiquées par les entreprises.

Malgré des résultats peu probants, les politiques pour la diversité intergénérationnelle doivent se poursuivre afin de faire face au vieillissement de la population, aux départs à la retraite des baby boomers et à l’entrée massive de jeunes diplômés sur le marché du travail, afin d’assurer une transition des compétences et des savoir-faire adéquats.

Diversité des origines : des actions orientées sur l’encadrement au niveau local et la multiculturalité

L’implantation internationale est une réalité pour toutes les entreprises du CAC 40 qui doivent faire preuve d’ouverture pour l’ensemble de leurs collaborateurs : c’est pourquoi toutes ou presque mentionnent cette problématique en s’assurant que les non Français puissent avoir accès à des postes à responsabilité dans l’organisation. L’appellation varie selon les entreprises qui mettent particulièrement en avant la multiculturalité : « mixité culturelle et ethnique » pour Technip, « internationalisation » pour la Société Générale, « internationalisation des dirigeants » pour Renault, « diversité des nationalités » pour Saint Gobain etc.

Notons que la plupart des entreprises mentionnent spécifiquement le nombre de non-Français dans le conseil d’administration, à l’instar du Crédit Agricole. Ceci est à mettre en lien avec le chiffre d’affaire réalisé par ces mêmes entreprises en dehors du territoire français.

Pour développer l’internationalisation de leurs équipes, les entreprises du CAC 40 citent quelques bonnes pratiques :

  • Alstom suit la diversité des nationalités au sein de l’encadrement intermédiaire dans les différentes régions
  • Total s’est fixé comme objectif d’atteindre 40% de dirigeants d’une nationalité autre que française d’ici 2020 (contre 28% en 2015)
  • La Société Générale exige un profil issu de la diversité (femme ou non-Français) dans le cadre d’un plan de succession ou lors d’un recrutement d’un poste clé

Pour aboutir à un taux de non-Français important dans l’encadrement, les entreprises doivent s’appuyer sur leurs processus RH comme elles ont pu le faire pour promouvoir les femmes dans l’encadrement.  Elles doivent également s’assurer que l’ensemble des collaborateurs sont en mesure de travailler dans des équipes multi culturelles en mettant en place des formations associées.

Les entreprises s'emparent naturellement de ce sujet d’internationalisation des dirigeants puisque il s’agit d’une condition de leur développement : diverses études estiment à environ 70% la part du chiffre d’affaires des entreprises réalisée en dehors de la France.

Les conclusions de l’analyse annuelle de l’avancement du CAC 40 sur les 4 axes principaux de la Diversité sonnent désormais comme un refrain… L’obligation légale s’avère nécessaire pour concrétiser quantitativement les efforts fournis par les entreprises. Ces efforts sont réels, et révèlent un engagement qui est devenu une habitude pour de nombreuses entreprises.

Finalement, ce quatuor fondamental constitué par les thématiques d’égalité professionnelle, de diversité des âges, de diversité des origines et de handicap fait partie intégrante du paysage du CAC 40. Qu’ils conduisent à des objectifs affichés, des dispositifs d’envergure ou des actions ponctuelles, ils ne sont que très rarement ignorés.

Cependant, au-delà de ces 4 piliers, il ne faut pas oublier que la loi identifie 22 critères de discrimination[5] (4 critères ont été ajoutés depuis 2008), qui peuvent dépasser la sphère de communication institutionnelle des entreprises du CAC 40. Par exemple, les thématiques diverses liées au fait religieux, à l’orientation sexuelle ou encore au lieu de résidence sont parfois abordées par certaines entreprises, mais sans récurrence observable. La question du cadre légal à renforcer est de ce fait posée, tant elle semble aujourd’hui être la plus à même de garantir la prise d’actions concrètes en faveur de la diversité.

 

 

[1] Chiffres croisés entre les documents de référence et la liste des signataires sur http://www.charte-diversite.com/charte. Ils ne prennent pas en compte les filiales signataire des groupes.

[2] Loi Copé – Zimmermann, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des Conseils d’Administration et de Surveillance et à l’égalité professionnelle.

• Première étape : 2011, représentation de chaque sexe.

• Deuxième étape : 2014, au moins 20% des membres de chaque sexe.

• Troisième étape : 2017, au moins 40% des membres de chaque sexe.

[3] Pour rappel, les modalités proposées pour atteindre l’objectif de 6% de personnes handicapées dans les effectifs se déclinent en 4 axes :

• Employer des bénéficiaires de la loi handicap

• Sous-traiter avec le secteur protégé ou adapté

• Accueillir des stagiaires handicapés

• Verser une contribution financière

[4] Source : INSEE, enquête emploi

[5] Article L1132-1 du Code du Travail