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« Je t’aime, moi non plus » : ainsi pourrait-on résumer la relation ambivalente que les organisations entretiennent avec le reporting financier.
Reconnu comme élément incontournable du pilotage d’entreprise, il est souvent perçu par ses producteurs et ses destinataires comme un processus lourd, imparfait et coûteux au vu des nombreux acteurs et outils mobilisés. Alors, comment faire pour repenser ce processus à la recherche d’un nouveau souffle ? Nous tentons d’apporter un éclairage sur le sujet à travers trois articles, dont le premier aujourd’hui nous invite à réfléchir au sens et à l’utilité du reporting en tant que tel.
Qu’il soit sous la forme d’un rapport de gestion ou d’un tableau de bord, le reporting permet de vérifier que la stratégie fixée en amont est appliquée et de comprendre l’impact que celle-ci peut avoir sur les résultats d’une activité, d’un département précis, ou de l’entreprise dans son ensemble. En fonction des données quantitatives, associées aux éclairages ou éléments de contexte apportés par les producteurs du reporting, le management constate et prend les décisions qu’il juge adaptées. Il peut choisir de maintenir son cap stratégique ou alors enclencher des actions correctives, comme par exemple la modification d’un marketing mix, le déploiement de plus ou moins de ressources par activités ou encore une évolution de politique salariale.
Sur le papier le pilotage d’entreprise semble simple et efficace, s’apparentant à la partie commande de tout système automatisé en charge de capter les informations et d’ajuster les actions de la partie opérative. Sur le terrain, ce processus perd trop souvent de son sens et de son efficience. Lourdeurs, erreurs et frustrations font du processus de production du reporting financier un point irritant majeur pour les organisations. Alors que le management attend une information la plus à jour possible, et de plus en plus de manière quasi instantanée, les analyses sont produites à J+5, J+10, J+20, si ce n’est plus pour des reportings extrêmement (et inutilement ?) détaillés. L’entreprise est contrainte de piloter a posteriori, avec des données déjà obsolètes au moment de leur présentation, faisant du reporting financier un processus de plus en plus déphasé au regard de marchés en constante évolution, et surtout de l’accélération continue de l’information que consomment des utilisateurs ultra-connectés.
Comment expliquer ce déphasage entre le reporting financier et les besoins du terrain ? Tout d’abord, citons la quantité d’information mise à disposition du management, avec deux écueils possibles : soit donner trop de détails et noyer les données réellement nécessaires au pilotage ; soit à l’inverse ne pas donner assez d’éléments pour permettre la bonne compréhension et la maîtrise du sujet. Dans les deux cas, le reporting est illisible par le management et perd toute utilité pour la prise de décision.
Autre problème majeur : le trop faible degré d’automatisation du processus. Faute d’un reporting financier bien outillé pour automatiser sa production, collecte d’information par téléphone, échanges d’e-mails, utilisation d’outils bureautiques pour retraiter et mettre en forme les données restent la norme, loin de faire bénéficier la Finance des avantages promis par les outils digitaux.
Ainsi, les financiers se consacrent principalement à la production des chiffres et trop peu à leur analyse stricto sensu. Dans certaines organisations, le contrôle de gestion dédie 80% à 90% de ses ressources à des tâches de production (data crunching, détourage ligne à ligne, réconciliation, explication des écarts, etc.) et seulement 10% à 20% aux tâches d’analyse qui constituent le véritable appui à la décision attendu par le management.
La Finance, à travers une information pléthorique, des retraitements et règles d’allocation complexes, ou encore des étapes de validation strictes, intègre et empile trop souvent de multiples contraintes pour livrer de la « surqualité », quitte à produire une information trop complexe et en retard. Or, une information imparfaite ou approximée, mais comprise quant aux hypothèses qu’elle intègre, serait suffisante pour piloter avec un risque connu et mesuré.
Pour reprendre deux premières étapes du schéma ci-dessous, un des entrants principaux au processus de reporting est la stratégie définie par l’entreprise. Il est donc primordial que le business et les orientations stratégiques soient traduits dans les rapports ou tableau de bord produits. Cela permet au processus de reporting de s’inscrire dans un macro processus plus global, celui du pilotage d’entreprise, soit l’alignement de la stratégie avec les opérations, mesuré grâce au reporting.
Pour ce faire, la première étape d’élaboration du reporting consiste à en fixer les objectifs : quels sont les besoins du management ? A quelle(s) question(s) simple(s) le reporting doit-il répondre ? Une fois ces objectifs fixés, les producteurs et les destinataires doivent identifier ensemble les indicateurs compréhensibles par tous et déclinables aux différents niveaux de l’organisation qui permettront de suivre rapidement les générateurs de revenus ou les inducteurs de coûts ainsi que les leviers concrets pouvant être actionnés pour influer sur l’activité. Enfin, il s’agit de définir des modalités utiles et réalistes quant à la production et à la diffusion selon les destinataires : quelles fréquences (ni trop souvent, ni trop espacé dans le temps), quels supports (un one-pager, un rapport détaillé, une application en self-service, etc.) ou encore quels niveaux de granularité (ni trop fin, ni trop agrégé) ?
C’est uniquement avec ce triptyque « objectifs / indicateurs / modalités » clairement défini, traduction des besoins de pilotage stratégique, que peut être envisagé un dialogue de gestion efficace entre les opérationnels, les producteurs du reporting et leurs destinataires. Au-delà de la définition, la communication est donc clé dans la mesure où les parties prenantes sont multiples et une compréhension partagée reste la base de tout dialogue constructif.
Passons maintenant aux deux dernières étapes de notre diagramme (les étapes 2,3 et 4 de production à proprement parler seront abordées dans l’article suivant) : la finalité du reporting n’est pas le reporting en soi mais bien le pilotage des opérations.
Le dialogue de gestion entre producteurs et destinataires doit avant tout porter sur l’avenir de l’entreprise, plutôt que sur son passé. Autrement dit, rien ne sert de concentrer l’attention sur l’explication de micro événements de gestion et de commenter les chiffres de la période passée in extenso. La réelle plus-value du « rapporteur » va résider dans sa capacité à expliquer quelles décisions de pilotage peuvent être prises pour la période à venir, et quels impacts ceux-ci pourraient avoir sur les chiffres futurs. Le pilotage permis par un reporting bien amené va alors au-delà du correctif : il devient proactif et prospectif, offrant ainsi à l’entreprise un avantage compétitif certain et un temps d’avance par rapport à sa concurrence.
Un contrôleur de gestion devrait donc privilégier sa capacité à comprendre les enjeux du management et anticiper les intentions de pilotage, proposer différents scénarios et simuler les impacts plutôt que de se limiter à confirmer des chiffres ou des tendances qui sont, de toute manière, déjà pressentis par les stratèges et les opérationnels depuis longtemps.
Pour gagner en légitimité, le processus de reporting n’a donc d’autre choix que de retrouver du sens et de se recentrer sur son objectif premier : informer pour mieux piloter en alignant stratégie et opérations. Et ce, à moindre coût, avec le moins d’informations superflues et d’intermédiaires possibles. C’est ainsi qu’ont pu émerger ces dernières années les notions de Lean Finance, Lean Accounting ou encore Lean Reporting. Autrement dit, transposer les principes du Lean d’amélioration continue par l’élimination des gaspillages à un monde de la Finance qui ne les porte pas dans son ADN. Car, pour elle, Lean reste synonyme (à tort) de perte d’information et de perte de contrôle. Pour un financier, toute donnée qui est produite doit être décortiquée, réconciliée, vérifiée, validée à tous les échelons, etc. Tout ce qui peut être utile devient forcément nécessaire. Or, c’est précisément cette surabondance d’information et cette redondance des tâches qui constituent les principaux défauts du processus de reporting.
Les contrôleurs de gestion et les managers doivent donc intégrer cette culture du Lean dès la conception du reporting (selon le triptyque « objectifs / indicateurs / modalités » vu plus haut), afin que chaque étape du processus qui en découle puisse bénéficier de ces principes d’optimisation. Cela ne pourra s’opérer qu’avec un processus entièrement digitalisé, à la fois automatisé et intelligent, supposant également une fiche de poste et une organisation revues pour le contrôle de gestion, valorisant de nouvelles compétences jusqu’alors pas ou trop peu mises en avant. Les éléments pour passer du vœu pieux à la pratique semblent de plus en plus réunis notamment par l’émergence d’outils pouvant réellement supporter la complexité d’un processus jonglant entre volume transactionnel et nécessaire agilité de la collaboration et des analyses prospectives.
Retrouvez la suite de cette série d'articles ici : Repenser le reporting financier : digitaliser les outils de pilotage pour aller plus loin