La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le lancement du virement SCT en janvier 2008 constituait un pré-requis technique à la mise en place du SEPA.
Le véritable succès du dispositif repose sur les travaux menés actuellement dans le cadre de la période transitoire. Au même moment, des incertitudes pèsent sur l'introduction du prélèvement SDD, le second moyen de paiement SEPA prévu pour novembre 2009.
Le SEPA (Single Euro Payment Area) est une initiative de place visant à créer un marché unique et intégré des moyens de paiement. Trente-et-un pays sont concernés : les 27 états membres de l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Le dispositif s'appuie sur la mise en place de standards communs pour traiter les virements, les prélèvements et les opérations par carte.
Ainsi, il sera possible aux entreprises comme aux particuliers d'effectuer un paiement transfrontalier dans les mêmes conditions qu'un paiement national, en termes de tarification et de délais d'exécution. Par conséquent, le SEPA introduira une concurrence à l'échelle européenne sur ce marché. Par exemple, une entreprise française pourra passer par une banque hongroise pour effectuer des virements à destination de toute la zone SEPA.
La Directive européenne sur « les services de paiement dans le marché intérieur », qui entre en vigueur en novembre 2009, fixe le cadre juridique nécessaire à la mise en place du SEPA. Celle ci va également plus loin en ouvrant l'accès du marché des paiements aux acteurs non bancaires. Elle introduit aussi de nouvelles exigences d'information et de protection des consommateurs.
Le lancement du virement européen (SEPA Credit Transfer) le 28 janvier 2008 a marqué la première étape de la mise en place du dispositif.
Le constat technique est positif : plus de 4300 établissements bancaires européens proposent ce produit et une quinzaine de systèmes de compensation permettent d'en assurer l'interbancarité transfrontalière. En revanche, la demande n'a pas décollée. Un an après son lancement, le SEPA Credit Transfer ne représente que 1,5% du volume total des virements en Europe. Sur le périmètre France, on atteint seulement 0,5% en février 2009. Or, le plan de migration SEPA prévoit le maintien du virement national traditionnel tant que le nouveau virement européen ne représente pas 75 % des opérations en volume et 50 % des donneurs d'ordre. La période de transition, qui prévoyait la cohabitation des deux virements jusqu'à fin 2011, sera donc probablement prolongée.
Ce résultat s'explique principalement par l'adhésion encore faible des entreprises et des administrations publiques. Il faut dire que l'émission industrialisée de virements SEPA nécessite un coût d'adaptation non négligeable, en termes d'outils et de processus. Pour le virement, il s'agit notamment de convertir les coordonnées bancaires des fournisseurs et salariés vers le nouveau format de RIB européen, ainsi que de faire évoluer les plateformes intégrées de transmission des ordres (nouveau champ de libellé de 140 caractères, abandon du protocole d'échange ETEBAC 3, nouveaux formats d'échange imposés en XML...). A l'inverse, les gains potentiels, tels que des conditions de prix plus concurrentielles ou le développement de nouveaux services à valeur ajoutée (rapprochement automatique, facturation électronique...), semblent difficiles à concrétiser et en tous cas s'inscrivent sur le long terme.
La politique de communication autour du SEPA est d'ailleurs régulièrement montrée du doigt, jugée insuffisante pour encourager une adhésion généralisée.
Pourtant, il suffirait d'une forte mobilisation des administrations publiques (à l'origine de plus de 45% des virements émis en France) pour renverser la situation. Des actions sont en cours à ce sujet.
La seconde étape de la mise en place du SEPA est prévue le 1er novembre 2009, avec l'arrivée du prélèvement européen (SEPA Direct Debit). Le respect de cette échéance est d'ores et déjà remis en question, notamment en raison d'incertitudes sur le modèle économique lié à ce produit. L'interdiction des « commissions d'interchange », confirmée conjointement par la Commission européenne et la BCE le 26 mars 2009, est au centre des débats.
Ce mode de facturation spécifique aux prélèvements permettait le paiement d'une commission par la banque du donneur d'ordre (l'entreprise ou l'administration initiant le prélèvement) à la banque du payeur (le client prélevé). Cette commission était refacturée au donneur d'ordre, s'ajoutant au coût nominal de l'opération. Ce système est désormais jugé anticoncurrentiel, car il suppose une entente de place sur la tarification appliquée et empêche le donneur d'ordre de négocier le coût d'une opération de prélèvement auprès de sa banque. Ce type de pratique était jusqu'à présent en vigueur dans six états membres dont la France.
Les établissements concernés, qui avaient gelés leurs projets SEPA Direct Debit dans l'attente d'un compromis, vont devoir reprendre leurs travaux. Parallèlement aux chantiers techniques, elles vont devoir repenser le modèle économique lié à ce type de produit avant 2012, date d'application formelle de l'interdiction. Face à cette situation, l'EPC (European Payments Council) a réaffirmé sa volonté de voir le prélèvement européen lancé en novembre 2009 ; mais elle ne dispose pas de pouvoir exécutif et sa capacité à fédérer les établissements a souffert ces derniers temps. Le respect de cette échéance reste donc incertain.
Là encore, il est à craindre que cette situation ne favorise pas l'adhésion des entreprises et des administrations publiques au SEPA. D'autant que le SEPA impose aux donneurs d'ordre de prélèvements une contrainte qui incombait jusqu'à présent aux banques dans le cadre des systèmes de prélèvement nationaux : la conservation et la gestion des mandats (anciennement appelés autorisation de prélèvement). Sachant que cette nouvelle responsabilité est encore floue sur certains aspects juridiques, de nombreux travaux resteront à mener avant d'envisager l'atteinte d'une « taille critique » sur le SDD.
Les balbutiements du SDD, associés au bilan encore mitigé du SCT, confirment que le succès du SEPA ne se limite pas à l'adaptation technique des infrastructures de paiement. Il suppose également l'adhésion des acteurs concernés à de nouveaux modèles économiques, ainsi qu'une politique de communication active et renforcée.