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Transport public Francilien, la révolution silencieuse

Le projet du Grand Paris, dont le tracé a été amendé au premier semestre 2011, changera le paysage du transport public francilien. Ce projet a également des impacts « collatéraux » sur la RATP, qui voit son rôle de propriétaire et de gestionnaire de l'infrastructure affirmé et renforcé.

Le projet du Grand Paris, dont le tracé a été amendé au premier semestre 2011, changera le paysage du transport public francilien. Ce projet a également des impacts « collatéraux » sur la RATP, qui voit son rôle de propriétaire et de gestionnaire de l'infrastructure affirmé et renforcé. Deux évènements marquent la rupture pour la Régie Autonome des Transport Parisiens et préparent son futur. Tout d'abord, le transfert de propriété survenu en 2009, confiant le matériel roulant et d'entretien au STIF, et permettant inversement à la RATP de récupérer les biens d'exploitation d'infrastructure*1. Ensuite, la séparation comptable, prévue en 2012, entre les activités de gestionnaire d'infrastructure et d'exploitant de service de transport. Retour sur les origines de cette révolution et tour d'horizon des perspectives pour la régie.

La RATP, un double rôle d'exploitant de service et de gestionnaire d'infrastructure

Responsable d'un réseau de 14 lignes de métro, 2 lignes de RER (partiellement), 3 lignes de tramway, la RATP fournit un service de transport à environ deux tiers des 4,5 millions de voyageurs qui utilisent chaque jour le réseau ferroviaire francilien*2 - sans compter le réseau de bus. En complément de ce rôle de transporteur, et à l'instar de RFF pour le réseau ferré national, la RATP gère également l'infrastructure sur son réseau Francilien. Cette dernière mission est essentiellement historique et s'est construite progressivement autour de plusieurs textes de loi. Tout d'abord, en 1959, l'ordonnance n° 59-151 précise que « les biens mobiliers et immobiliers affectés à l'exploitation de son (la RATP) réseau*3 sont mis à disposition » par l'Etat (puis le STIF). Ensuite, la même année, le décret n° 59-157 annonce que la convention pluriannuelle passée entre le STIF et la RATP devra expliciter les conditions d'exploitation du réseau. La RATP a ainsi « une obligation générale d'entretien et de maintien en état des biens affectés à l'exploitation » parmi lesquels figurent « les équipements d'exploitation, les stations, les gares, l'infrastructure de transport, ..., quels que soient l'origine de leur financement et leur régime de propriété ». Pour compléter le dispositif, le cahier des charges lui-même attribue à la RATP un rôle d' « exploitation technique » du réseau et engage la régie pour que « les lignes et leurs dépendances soient constamment entretenues et en bon état, de manière que les besoins du trafic et la circulation puissent toujours y être assurés avec facilité et sécurité ».

Le règlement OSP et le projet Grand Paris Express signent la fin du monopole de la RATP sur l'exploitation du service

Le règlement européen sur l'obligation de service public (règlement OSP, entré en vigueur le 3 décembre 2009) impose une mise en concurrence systématique pour la désignation des exploitants de services publics de transport de voyageurs. Cette libéralisation s'applique aux lignes nouvelles et aux lignes existantes, selon un calendrier diversement interprété par les pays. Ainsi, dans le cadre de la mise en service du métro automatique Grand Paris Express, les deux opérateurs historiques (RATP et SNCF, via des filiales) et de nouveaux entrants pourront prétendre à l'exploitation du service sur ce nouveau réseau. A plus long terme, le marché sera ouvert sur le réseau historique de la RATP : la loi ARAF votée fin 2009, définit un planning très progressif: 2024 pour les lignes de bus, 2029 pour les lignes de tramway et 2039 pour les lignes de métro et de RER.

Transformation de la RATP avec les lois OSP, ARAF et Grand Paris

La séparation comptable de l'activité de gestionnaire d'infrastructure, un premier pas pour la RATP

La fin du monopole d'exploitation acquise, la loi relative au Grand Paris accorde en compensation à la RATP la gestion d'infrastructure du métro automatique du Grand Paris*4 au titre de la « continuité » avec le réseau actuel. Dans le texte de loi, des arguments de sécurité et de fiabilité sont avancés pour justifier ce choix, mettant en avant la nécessité d'un gestionnaire unique pour tout le réseau. On peut toutefois noter que la gestion d'infrastructure partagée RATP et RFF sur les lignes de RER A et B ne semble pas poser de problème majeur...

Exploitation/Gestion d'infrastructure sur la ligne de RER B

Le cadre législatif prévoit en outre que les activités de gestionnaire d'infrastructure et d'exploitation de service soient comptablement séparées à compter du 1 janvier 2012. D'une part, cette séparation apparait essentielle pour permettre à la RATP de facturer à un éventuel concurrent l'utilisation des lignes dont elle sera le gestionnaire (l'ouverture à des fournisseurs alternatifs du marché de l'électricité a conduit à une séparation identique entre RTE et EDF). La séparation devrait également être fonctionnelle : la distinction des organisations (entre 3 500 et 5 000 agents gèrent l'infrastructure, sur un effectif total de 45 000) et la formalisation de « contrats » entre elles devraient permettre à la RATP de piloter au mieux ses deux activités.

Carte du futur métro automatique du Grand Paris

Si ces changements sont pour l'instant transparents pour les usagers, ils préparent le terrain pour l'arrivée potentielle d'exploitants concurrents en Île-de-France. La solution choisie - une séparation seulement comptable - est celle qui impacte le moins la régie, reste à savoir si elle s'avérera pérenne : sur d'autres marchés comme le transport ferroviaire, l'électricité et le gaz, on a vu la libéralisation se traduire in fine par une filialisation de l'activité monopolistique voire une séparation capitalistique.

Note :

*1 le STIF dispose d'un droit de reprise qu'il peut exercer dans un délai fixé par décret et moyennant une indemnisation. Il s'agit des voies, signalisation, appareillages fixes associés, ouvrages d'art, stations et gares, ateliers souterrains

*2 la RATP est chargée de l'exploitation des réseaux et des lignes de transport en commun qui lui a été confiée en application de la loi du 21 mars 1948.

 

*3ordonnance du 7 janvier 1959

*4 dès lors qu'elles ne seront pas incorporées au réseau ferré national