Aller au contenu principal

Un loto, un paquet de cigarettes et un compte bancaire s'il vous plaît !

Depuis quelques mois, il est possible d'ouvrir un compte en quelques minutes dans un bureau de tabac.

Le service est en phase pilote dans quatre villes : Paris, Nantes, Douai et Lyon. En janvier 2014, il sera généralisé à tous les bureaux de tabac français. Le compte-Nickel, créé par la Financière des Paiements Electroniques (FPE), est un compte accessible à toutes les personnes majeures, sans condition de revenus et sans dépôt minimum. Il permet de disposer d'un compte bancaire sans découvert ni chéquier mais avec la possibilité de réaliser des dépôts et retraits d'espèces, des virements et des prélèvements bancaires.

La FPE est un établissement de paiement agréé en 2013 et créé notamment par Hugues le Bret (ancien PDG de Boursorama Banque) et Ryad Boulanouar (ayant participé au projet Moneo). Les fondateurs et les collaborateurs de l'entreprise possèdent 56% du capital. L'actionnariat est également composé de la Confédération des buralistes (5%) et d'une soixantaine d'investisseurs particuliers (39%). Enfin, le Crédit Mutuel Arkéa participe au dispositif pour la tenue des comptes bancaires de la structure (cantonnement des fonds, etc...).

Un parcours client simplifié

Le client se rend chez son buraliste et achète son coffret « Compte-Nickel » qui contient une carte Mastercard et un mode d'emploi, au prix unique de 20 €. Il se rend sur la borne Nickel, renseigne ses informations personnelles et scanne ses pièces justificatives. Enfin, il se rend au guichet de son buraliste qui vérifie visuellement la pièce d'identité du client et lui attribue un RIB et des identifiants de connexion.

Le client peut instantanément utiliser sa carte bancaire (à autorisation systématique et débit immédiat). Ensuite, il peut se rendre dans n'importe quel bureau de tabac agréé pour effectuer des opérations de base (dépôts, retraits, etc...).

Une alternative aux offres de banque au quotidien

Il ne s'agit pas du premier produit bancaire distribué par les buralistes (ex : carte Visa Transcash permettant des transferts de fonds pour les migrants). En revanche, il s'agit bien de la première offre alternative à un compte bancaire traditionnel, puisqu'elle inclut un RIB permettant de recevoir des virements (notamment virements de salaires) et des prélèvements (notamment règlements de factures).

Le tarif d'utilisation du compte-Nickel est inférieur aux tarifs habituels des banques pour le même type de service (62,40 € maximum par an pour un utilisateur intensif contre 191€ par an en moyenne et tous profils confondus pour les banques françaises[1]).

Le Compte-Nickel est en revanche plus coûteux qu'une offre classique de banque en ligne, mais contrairement à ces dernières, il est accessible aux clients sans revenus garantis, interdits bancaires ou ne bénéficiant pas d'un accès à Internet.

Ce produit serait donc notamment susceptible d'intéresser par son mix simplicité / prix / services :

  • Les personnes non bancarisés (1% en France), en offrant un produit simple, facilement accessible, et indépendant des banques.
  • Les clients interdits de chéquier déjà familiers des cartes à autorisation systématique sans possibilité de découvert (gammes de paiement alternatif « GPA » comme par exemple le compte Prélude du Crédit Agricole).
  • Les clients détenant un compte bancaire traditionnel mais n'ayant que des besoins de base (ex : versement du salaire et paiements par carte), pour lesquels le compte nickel pourrait constituer une alternative à moindre coût.

A terme, le compte Nickel pourrait également constituer une offre complémentaire aux comptes bancaires traditionnels, notamment pour les populations isolées qui disposent d'un bureau de tabac mais pas forcément d'une agence bancaire ou qui n'ont pas l'habitude de s'y rendre.

Perspectives d'évolution et impacts pour les banques

Le succès du compte Nickel sera notamment conditionné par le nombre de buralistes distribuant ce produit. Il constitue à n'en pas douter un relais de croissance potentiel pour les buralistes, dans un contexte où les nombreuses campagnes anti-tabac ont entraîné une baisse leur fréquentation et de leurs revenus. Cependant, ces derniers doivent être agréés par l'Autorité de Contrôle Prudentiel en tant que « agent » et suivre une formation de lutte anti-blanchiment.

Si cette condition est remplie, ce système permettrait de profiter d'un maillage très large sur le territoire français sans avoir à déployer d'agences physiques. 27 000 buralistes sont implantés en France, ce qui en fait le 1er commerce de proximité. En moyenne, 500 personnes se rendent chez un buraliste chaque jour, soit 10 millions de personnes par an[2]. La cible, relativement ambitieuse, est d'ouvrir 100 000 comptes Nickel d'ici la fin de l'année 2014 afin de permettre à la start-up française d'atteindre le point de rentabilité de son activité.

Même si la fuite de clients devrait restée modérée (et sans grande menace sur le produit net bancaire) des réseaux traditionnels, cette initiative, cumulée à d'autres (émergence de nouveaux acteurs permise par une règlementation européenne assouplie pour la fourniture de services de paiement) participe à l'effritement progressif de la relation client. Cela contribue au questionnement actuel des banques sur l'adaptation de leurs offres et de leur modèle de distribution aux besoins de tous les clients. Un point à prendre en compte à l'heure ou les établissements prennent le chemin de réduire leur nombre d'agences...

 

Notes & Références:

[1] étude Panorabanques, 2013

[2] la confédération des buralistes