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Vers la disparition des tickets de métro ?

Lorsque l’on compare le système billettique francilien, encore largement basé sur des tickets magnétiques, à celui d’autres métropoles mondiales telles que Londres ou Amsterdam qui utilisent des supports sans contact, on peut se dire que l’Île-de-France a une marge de progrès pour dématérialiser.

Lorsque l’on compare le système billettique francilien, encore largement basé sur des tickets magnétiques, à celui d’autres métropoles mondiales telles que Londres ou Amsterdam qui utilisent des supports sans contact, on peut se dire que l’Île-de-France a une marge de progrès en matière de dématérialisation.

C’est sans doute pourquoi le STIF a souligné, dans son récent contrat avec les transporteurs d’Île-de-France, sa volonté de transformer la billettique francilienne en facilitant l’usage des titres dématérialisés et en simplifiant la tarification des transports en commun.

Il a donc lancé un grand plan de modernisation, couvrant tous les aspects de la distribution : tarifs, équipements et supports.

Sia Partners dresse un tour d’horizon des évolutions à attendre ces prochaines années, qui devraient à terme aboutir à la disparition du ticket de métro.

Pourquoi moderniser la billettique francilienne ?

Deux enjeux technologiques et tarifaires pour la modernisation de la billettique

Deux technologies cohabitent aujourd’hui au sein du réseau francilien : la technologie magnétique incarnée par le ticket de métro, et celle sans contact dite « télébillettique », utilisée dans les passes Navigo et Imagin’R et qui représente la majorité des entrées sur le réseau.

Aujourd’hui, 20% des validations de titres se font encore sur un support magnétique. Cette proportion correspond aux validations des voyageurs occasionnels, touristes et franciliens, qui n’ont pas une consommation régulière de transport. Ancienne et moins robuste que la télébillettique, cette technologie complexifie la distribution, avec un support jetable.

La modernisation du système francilien doit donc répondre à l’obsolescence de la technologie magnétique et favoriser le passage à du 100% télébillettique, qui en même temps qu’un gain en fiabilité permet des usages plus innovants. A terme, la généralisation progressive de la télébillettique sur support sans contact a vocation à remplacer entièrement le magnétique.

La modernisation doit également répondre au besoin de créer des structures tarifaires plus flexibles qui s’adaptent aux modes de consommation des usagers, et à l’ambition du STIF de proposer une offre très dynamique. En effet, ce dernier a impulsé de nombreuses politiques sociales  qui impactent les produits et les tarifs : des offres destinées à des populations spécifiques comme  le Forfait Solidarité, le dézonage progressif qui s’est généralisé en septembre 2015, ou enfin les journées de « gratuité » à l’occasion de la COP 21.

Vers la mise en place d’Unités de Transport

Une offre complémentaire

Pour rendre possible ces évolutions, la principale nouveauté apportée par le programme de modernisation sera la substitution de la tarification actuelle au titre de transport « Origine-Destination » par des « Unités de Transport » (UT). Déjà en place à New-York et Londres, ce système d’ « UT » repose sur un compte client que l’usager charge périodiquement d’un crédit de transport débité à chaque déplacement.

Chaque voyageur disposera d’une réserve d’ « Unités Transport » chargée sur sa carte et lui permettant d’effectuer tous types de déplacements en Île-de-France. Le compte du voyageur sera prélevé pour chaque déplacement d’un certain nombre d’UT fonction de la distance parcourue, du type de transport, des caractéristiques du client (âge, droits éventuels…) et des autres trajets effectuées par ailleurs.

L’innovation tarifaire des UT n’a pas vocation à remplacer toute l’offre de transport en Île-de-France : elle cohabitera avec des forfaits à plus ou moins longue durée.

  • Le forfait Navigo continuera à remplir son rôle d’offre de prédilection pour les franciliens utilisateurs fréquents et qui préfèrent une offre illimitée,
  • La consommation à l’acte, destinées aux occasionnels ou aux touristes, sera assurée par les UT,
  • Des forfaits adaptés aux déplacements hétérogènes ou moins fréquents adresseront les besoins compris entre les deux cas précédents.

Ces trois types de titres de transports seront cependant détenus sur un support unique, similaire au passe Navigo et capable de stocker plusieurs titres.

L’évolution vers un support unique aura un principal avantage : la simplification et la rationalisation du système de distribution, sur lequel compte le STIF pour rationaliser les coûts de distribution de l’offre de transport en Île-de-France.

L’utilité des UT : de nouveaux services pour le voyageur et une information enrichie pour le transporteur

Côté voyageur, on peut noter l’aspect pratique du nouveau dispositif. Pour un voyage, ce sera désormais un seul titre de transport et un seul paiement, quel que soit le transporteur ou le mode de transport, favorisant l’intermodalité.

L’ensemble des utilisateurs des UT bénéficieront en outre de nouveaux services associés à leur carte : consultation sur internet du solde d’UT, historique de débits et rechargement à distance.

Enfin, l’usager validera sa carte en entrant et en sortant du réseau, conduisant à débiter automatiquement sa réserve d’UT selon son parcours. Le montant débité ainsi que le solde de sa carte UT pourront être ajustés en fonction d’opérations spéciales, et le montant maximal par jour ou par mois ajusté afin d’offrir un tarif dégressif (à Londres, ce montant est de £6,40 par jour). L’usager n’aura donc plus à se soucier en amont de son voyage du trajet qu’il réalise ou du tarif qu’il achète en faisant un choix entre un titre unitaire, un titre journée ou hebdomadaire, car le système pourra calculer à postériori et en fonction des voyages réalisés l’offre la plus avantageuse pour le client.

Les UT simplifieront donc le parcours client, de l’acquisition du titre de transport jusqu’à l’après-vente, en passant par le chargement de la carte, la validation et le voyage.  Basé sur le suivi du parcours usager, le service se personnalisera avec une tarification liée à la consommation de transport de chacun, et deviendra vraiment multicanal (en gare, internet ou mobile).

Le STIF quant à lui recherche avant tout une plus grande souplesse tarifaire et une meilleure connaissance des usagers. La souplesse tarifaire sera rendue possible par la collecte de données en entrée et sortie du parcours voyageur, rendant ainsi l’offre beaucoup plus réformable et modulable :

  • En compensant financièrement les voyageurs en cas de dégradation de la qualité de service,
  • En créditant les comptes UT de certaines populations (selon critères sociaux),
  • Ou encore en adaptant le prix selon l’horaire pour lutter contre les pics de charge.

Par ailleurs, avec la disparition du magnétique qui est beaucoup plus coûteux à entretenir, la performance du réseau de distribution s’améliorera grâce à la diminution des coûts de maintenance du système.

Enfin, le STIF sera en mesure de collecter plus d’informations sur les déplacements des franciliens, et d’approfondir sa connaissance de la mobilité en Île-de-France. Le STIF compte également utiliser ces informations « d’entrées/sorties » pour déterminer la répartition du chiffre d’affaires entre transporteurs (RATP/SNCF/Optile). A celui qui enregistrera le plus de validations sur son réseau reviendra la plus grosse part du gâteau… Autant dire que les procédures de contrôle vont aller en se renforçant !

Quels impacts préalables à la mise en place des UT ?

Développer et systématiser la validation

L’impact le plus visible pour le voyageur francilien sera sans aucun doute la systématisation de la validation en entrée et en sortie. En effet, la consommation de transport dépendant exactement du trajet effectué, les transporteurs auront besoin des deux informations (entrée et sortie) pour débiter le compte client. Un travail de sensibilisation des voyageurs à la validation sera donc à mener. En paralllèle, se posera aussi la question de la façon de traiter les modes de transport ouverts, comme le tram T4 dont les valideurs sont situées à l’intérieur.

La migration devra donc se faire progressivement, et impliquera une période de cohabitation entre tickets de métro et UT qu’on peut estimer entre 6 mois et un an.

Vers un Système d’Information communautaire ?

Côté équipement, les évolutions seront lourdes. La mise en place des UT nécessitera de faire évoluer les équipements de distribution des gares d’Île-de-France, pour qu’ils soient capables de distribuer les nouveaux produits. Pour fluidifier le parcours d’achat, il sera intéressant de réfléchir à des distributeurs de cartes, afin qu’un premier achat d’UT ne nécessite pas de passer à un guichet pour récupérer le passe qui constitue le support des titres.

L’impact sera encore plus significatif sur les équipements de validation : il faudra équiper toutes les gares d’Île-de-France qui aujourd’hui ne demandent pas de validation en sortie.

Le valideur en sortie devra également devenir plus  intelligent : il détiendra les règles tarifaires et devra écrire sur le support télébillettique du voyageur. En parallèle, il remontera l’information au système central, pour consolider toutes les informations liées aux trajets et traiter les actions qui en découlent comme le service après-vente.

L’architecture du système d’information sera également entièrement repensée par la création d’un système central communautaire piloté par le GIE. Point clé du PMB, ce système représentera un changement important d’architecture, et pour les transporteurs une certaine perte d’autonomie dans la distribution.

Ce système central consolidera toutes les informations liées aux trajets des voyageurs : il reconstituera la sollicitation du réseau de chaque transporteur, calculera la répartition des recettes, et améliorera grandement la compréhension des trajets des franciliens.

Au sein du système central, une gestion de compte client sera mise en place, avec de nouvelles fonctionnalités, notamment l’historique des trajets, l’historique des paiements ou encore la gestion des rechargements.

360 M€ sur cinq ans pour transformer la distribution

Les délais et le coût sont à la mesure de la tâche. Le STIF a estimé à cinq ans la durée du projet, et à près de 360 M€ l’ensemble des coûts d’investissements, qui comprennent  les coûts liés à la modernisation de l’infrastructure billettique (240M€ HT), et ceux liés à la mise en place des UT (120M€ HT).

En exploitation, les gains engendrés par les choix technologiques et l’abandon du support magnétique, ainsi que le développement des services en ligne (vente et SAS sur internet) devraient pouvoir générer des économies par rapport au système existant.

Conclusion

Bien que la signature du nouveau contrat STIF marque un pas en avant vers la modernisation de la billettique francilienne, le déploiement effectif du nouveau système n’est pas encore tout à fait d’actualité. 

Il s’agit d’une évolution de moyen terme, qui  d’ici là sera doublée d’autres changements significatifs sur le réseau francilien.

L’évolution tarifaire récente du « passe Navigo » vers le « Navigo Tarif Toutes Zones » en est un bon exemple. Cette transformation chamboule le mix produit : une demande forte est à anticiper à court terme sur ce forfait qui devient très attractif en proposant l’accès à l’ensemble du réseau à un prix très bas. Tout cela au détriment des autres titres de transports proposés en magnétique, ce qui va favoriser l’accroissement de la télébillettique.

Une autre évolution de court terme concerne le développement des canaux de rechargement en ligne qui fera évoluer le mix distribution d’ici le déploiement des UT.

A plus long terme, le renforcement des produits communautaires (Forfaits Navigo), placera petit à petit le STIF au centre du système de distribution. En conséquence et en toute logique, les transporteurs se trouvent recentrés sur l’exploitation ferroviaire et moins en contrôle de leur distribution.