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Au 1er janvier 2018, a été réintroduit, par le biais du projet de loi de finances pour 2018, le jour de carence pour les personnels du secteur public, c’est-à-dire la non-indemnisation du premier jour d’arrêt maladie.
Le jour de carence est un engagement de la campagne d’Emmanuel Macron, sa réintroduction a été annoncée lors des États généraux des comptes de la nation le 6 juillet 2017 et votée dans la loi de finances pour 2018 le 21 décembre dernier.
Le jour de carence avait été instauré en 2012 par le gouvernement de François Fillon dans le but de lutter contre l’absentéisme de courte durée pour raison de santé. Ainsi, par exemple, entre 2011 et 2013, le nombre d’arrêts de travail d’un jour a diminué jusqu’à 60 % dans certaines collectivités territoriales. Le jour de carence a été supprimé deux ans plus tard sous le quinquennat de François Hollande, car ses effets sur l’absentéisme dans la fonction publique n’ont pas été jugés suffisamment significatifs.
Une étude menée par l’INSEE et parue le 10 novembre 2017 a montré que l’instauration d’un jour de carence dans la fonction publique entre 2012 et 2014 n’a pas significativement modifié la proportion d’agents de la fonction publique d’État absents pour raison de santé. Le jour de carence a néanmoins eu un impact sur la répartition des absences par durée, entraînant une forte diminution des absences de deux jours tandis que celles d’une semaine à trois mois ont augmenté. Ainsi, la prévalence des absences de deux jours a diminué de plus de 50 % sur la période alors qu’elle est restée stable dans le secteur privé. À l’inverse, la prévalence des absences d’une semaine à trois mois a augmenté de 25 % dans la fonction publique d’État. Les absences courtes ont davantage baissé chez les jeunes et chez les employés travaillant peu de jours par semaine, c'est-à-dire les salariés ayant des revenus moindres en moyenne.
L'objectif de réduire l'absentéisme de courte durée pour des raisons de santé chez les fonctionnaires a donc bien été rempli sur la période 2012-2014 grâce à la mise en place du jour de carence. Les absences de durée moyenne ayant, en parallèle augmenté, cette mesure n'a en revanche pas permis de réduire l'absentéisme pour raison de santé dans sa globalité (courte durée et longue durée).
La réintroduction du jour de carence poursuit deux objectifs :
Bien que le Code de la sécurité sociale prévoie non pas un, mais trois jours de carence pour les salariés du secteur privé, le fait est que pour deux salariés sur trois, l’entreprise compense l’absence de prise en charge par la Sécurité sociale. Ainsi, l’argument d’équité entre agents publics et salariés du privé avancé par le gouvernement est fortement critiqué par les syndicats. La CGT propose que la convergence entre les deux systèmes se fasse plutôt par un dispositif de couverture des salariés du secteur privé qui ne bénéficient pas aujourd’hui de compensation par leur employeur[2].
Le premier objectif, quant à lui, est double. Il s'agit, d'une part, d'optimiser l'efficience du service public en diminuant les coûts que représente la rémunération du premier jour d'absence. Les économies liées à la réintroduction du jour de carence sont ainsi évaluées à 270 millions d’euros par an.
D'autre part, la réintroduction du jour de carence devrait permettre d'améliorer la qualité du service rendu en réduisant les absences pour raison de santé et les conséquences néfastes qu'elles peuvent induire (désorganisation d'un service, baisse de la productivité moyenne des agents…). Cependant, l'expérience menée entre 2012 et 2014 a montré que cette mesure n'était que partiellement efficace, agissant positivement sur la baisse des absences de courte durée mais négativement sur celle des absences de durée moyenne (si l’on admet une corrélation entre jour de carence et augmentation des absences de durée moyenne, la concomitance des deux phénomènes n’ayant été observée qu’en 2013).
Au-delà du jour de carence, d’autres mesures peuvent concourir à la réduction de l’absentéisme
Comme évoqué ci-dessus, le jour de carence n’est qu’une mesure partielle pour la réduction de l’absentéisme. Pour parvenir à une baisse effective de l'absentéisme, des mesures complémentaires doivent être mises en place au sein de la fonction publique. Le renforcement du contrôle des arrêts-maladie des fonctionnaires, qui avait été expérimenté par les Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM), a été envisagé par le gouvernement et peut constituer une piste à approfondir. Une révision du statut de la fonction publique pourrait également permettre de récompenser plus facilement les agents méritant et de sanctionner ceux qui abusent du système.
Mais outre ces mesures, d’autres leviers incombant aux administrations elles-mêmes peuvent aussi être actionnés.
Le premier levier d’action est sans doute managérial : le cadre (et surtout le cadre de proximité) est souvent l’acteur le mieux placé pour prévenir l’absentéisme de ses équipes. Ce levier permet en tout cas d’agir sur le « ventre mou » de l’absentéisme, c’est-à-dire sur les absences plutôt courtes liées à des motifs sans gravité, comme les petites affections de la santé qui ne nécessitent pas forcément un arrêt de travail. Dans les faits, on s’aperçoit qu’un agent qui a un gros rhume sera plus susceptible de s’absenter si l’ambiance d’équipe n’est pas bonne, s’il ne se sent pas reconnu au travail ou s’il ne perçoit pas le sens de ce qu’il fait. Or le cadre est le premier à pouvoir agir sur ces déterminants, et il importe de lui donner les outils (formation, accompagnement, marges de manœuvre décisionnelles, soutien de la hiérarchie, etc.) qui lui permette de le faire.
Agir sur les conditions de travail est un autre levier essentiel de prévention de l’absentéisme. La pénibilité du travail occasionne des absences potentiellement longues et une parfois une usure des agents qui peut être irréversible. Ne doivent pas être négligées des actions telles que l’analyse systématique des accidents du travail pour mettre en place des actions correctives, les formations aux gestes et aux postures du quotidien, l’adaptation ergonomique des postes et des outils de travail, ou le suivi des risques professionnels et des dispositifs qui visent à les réduire.
Les administrations peuvent aussi agir utilement sur les organisations du travail. Les dysfonctionnements de l’organisation au sein des services et entre services peuvent occasionner une dégradation du climat de travail, et dans certain cas, un épuisement des agents. Les administrations doivent veiller à l’adéquation des effectifs avec la charge de travail, ainsi qu’à une saine répartition de cette charge entre services et entre agents. Une attention particulière doit être également portée à l’organisation du temps de travail, qu’il s’agisse des rythmes de travail (amplitudes et cycles horaires raisonnables) ou des plannings (règles claires, gestion suffisamment anticipative pour permettre aux agents d’articuler leur vie privée avec leur vie professionnelle).
Enfin, des mesures en matière de gestion des ressources humaines peuvent aussi être envisagées. En matière de gestion de l’absentéisme, tout d’abord, les règles concernant les absences, leur déclaration et leur justification doivent être rappelées et appliquées. Ainsi est-il légitime d’effectuer une retenue sur salaire à un agent qui ne produit pas de justificatif de son absence (au lieu de lui imputer un RTT, par exemple). L’administration a également tout intérêt à rationaliser la gestion du remplacement en établissant des règles claires (quelles absences remplace-t-on ? dans quelle mesure ? selon quelles modalités ? etc.), qui permettent de ne pas dépenser plus qu’il n’est nécessaire, tout en remplaçant suffisamment pour que les équipes ne s’épuisent pas. D’autre part, l’accompagnement des agents peut constituer un autre levier efficace de prévention de l’absentéisme. Des dispositifs d’identification des agents en difficulté (entretiens de retour après absences longues ou répétées, entre autres), ou d’accompagnement des agents (pour ceux qui font l’objet d’une mobilité, ou dont le service est réorganisé, par exemple) permettent de soutenir l’agent dans les moments difficiles de sa carrière et favorisent son maintien au travail.
De nombreuses actions sont donc envisageables selon les spécificités de chaque structure afin de réduire l’absentéisme et de concourir à l’amélioration de la qualité de vie au travail.
En conclusion, à l'image de la mesure instaurée entre 2012 et 2014, l'introduction du jour de carence pour les fonctionnaires au 1er janvier 2018 représente avant tout un moyen d'optimiser les dépenses de l'État et de réduire de manière immédiate les absences pour raison de santé de courte durée. L'objectif d'amélioration de la qualité et de l'efficience du service public par la réduction de l'absentéisme nécessite d’être accompagné par des mesures complémentaires permettant d’agir aussi sur l’absentéisme de plus longue durée et pouvant émaner aussi bien du gouvernement que des acteurs publics eux-mêmes.
Sources :
[1] Source : Projet de loi de finances pour 2018, évaluations préalables des articles du projet de loi, pp. 263-268.
[2] CGT (2017), « Rétablissement du jour de carence : une mesure injuste, inefficace et insultante », CGT (consulté le 5 janvier 2018)