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Les élections municipales de 2020 ont été marquées par une forte poussée des écologistes qui ont ravi de grandes villes comme Lyon, Bordeaux ou Strasbourg et participé à la victoire dans de grands bastions de gauche comme Paris, Nantes ou Rennes. Ces élections traduisent une accélération de la prise de conscience des enjeux environnementaux et une volonté d’incarner localement la transition des territoires vers des modes de vie et d’organisation plus durables.
L’économie circulaire en tant que modèle d’organisation permettant de réduire l’empreinte matière et carbone de nos activités se veut être un outil majeur de cette transition. Au-delà de l’ambition politique introduite par la FDREC [1], l'économie circulaire possède désormais un cadre réglementaire avec la publication en Février 2020 de la loi anti-gaspillage [2] et s’incarne avant tout par les projets et initiatives menés localement par les acteurs publics, privés, ainsi que les citoyens.
Sia Partners s’est intéressé au contenu des programmes électoraux pour évaluer la part des propositions consacrée à la mise en place d’actions d’économie circulaire et comparer ces ambitions avec les dynamiques observées dans les territoires respectifs.
La ville est l’une des échelles à privilégier pour traduire la prise de conscience des enjeux environnementaux en solutions concrètes appliquées sur un territoire. "Le mandat des maires qui vont arriver en fonction, 2020-2026, est un des derniers mandats vraiment utiles pour faire la transition", affirmait Fabrice BOISSIER, directeur général délégué de l'Ademe, avant le scrutin du premier tour.
A la hauteur de ces enjeux, 3 organismes ont publié des propositions pour accélérer la transition écologique, sensibiliser les candidats et les aider à bâtir leurs propres programmes municipaux :
Sur plus de 30 propositions au total, un peu plus de la moitié d’entre elles sont en faveur d’une économie circulaire.
Plus spécifiquement, 5 des 7 piliers de l’économie circulaire définis par l’Ademe sont abordés dans les propositions des trois organismes, avec des moyens d’actions variés : informer, sensibiliser les plus jeunes, accompagner les projets, inciter financièrement, déployer des solutions sur l’ensemble du territoire.
Toutes couleurs politiques confondues, certaines de ces mesures semblent être plébiscitées à la fois par les citoyens et les élus.
La mise en place d’une consigne pour les bouteilles est relativement peu suggérée, car ce type de projet nécessite une modification en profondeur de la chaîne de valeur des emballages, et ne dépend donc pas uniquement de la volonté politique d’une municipalité. Certaines villes comme Lyon souhaitent néanmoins réaliser une expérimentation pour évaluer les gains et les conditions d’une généralisation de la consigne. Par ailleurs, on remarque qu’une part importante des programmes anticipe l’obligation de trier les biodéchets prévue au plus tard le 31 décembre 2023. La liste écologiste bordelaise ambitionne même de valoriser 100% de biodéchets à l’horizon 2030.
L’ensemble des listes gagnantes des grandes villes, à l'exception de la liste toulousaine, ont abordé le thème de l’économie circulaire. Les engagements et mesures varient cependant selon les villes. Il n’y a pas de différence majeure entre les programmes des listes écologistes et socialistes, qui ont les programmes les plus ambitieux en termes d’économie circulaire. En effet, de nombreux programmes ont été écrits conjointement dans le cadre des alliances électorales. A contrario, les villes avec un maire écologiste élu sans alliance avec les socialistes ne se démarquent pas par un programme économie circulaire particulièrement développé.
Le sujet des déchets au travers du fameux triptyque 3R - Réduire Réutiliser Recycler - est le plus répandu dans les programmes. En particulier, la mesure concernant la mise en place de la tarification incitative des déchets est portée par plusieurs listes et devrait permettre un changement d’échelle du dispositif. Ceci va dans le sens de la loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015 qui prévoit une montée en puissance de ce mécanisme [6]. Par ailleurs, les thèmes autour de la lutte contre le gaspillage et la consommation responsable sont le plus souvent abordés par les enjeux liés aux déchets et sont communs aux grands partis politiques. Enfin, la notion d’achats durables est principalement abordée via la commande publique durable qui : avec environ 10% du PIB à l'échelle du pays, la commande publique représente en effet un levier majeur pour orienter les marchés vers une meilleure prise en compte des enjeux de développement durable [7].
D’autres piliers de l’économie circulaire sont quant à eux sous-représentés dans les programmes des listes élues. En particulier, l’écologie industrielle et territoriale (EIT) est quasiment absente des programmes, bien que son développement peut être source de gains économiques et d’attractivité pour les territoires [8]. L’économie de la fonctionnalité se limite à des propositions visant le développement de la mobilité partagée.
De manière générale, l’économie circulaire n’est pas le thème principal de ces élections municipales. En moyenne, les listes n’y ont consacré que 4% des propositions de leur programme, avec un maximum à 8% pour Paris et Lyon.
L’analyse croisée des listes gagnantes avec les dynamiques économie circulaire déjà présentes sur leurs territoires met en évidence une bonne corrélation entre l’ambition de développement de l’économie circulaire des programmes et les actions déjà mises en œuvre.
Le premier groupe (1) de villes se caractérise par une dynamique économie circulaire locale forte et un programme électoral riche dans ce domaine. Les thèmes déchets, recyclage & consommation responsable, sont à la fois bien représentés dans les programmes ainsi que dans les actions des municipalités. Par exemple, la majorité des villes étudiées sont engagées dans le programme « Territoires zéro déchet, zéro gaspillage », lancé par le ministère de l’Environnement et porté par l’ADEME. Ce programme regroupe au total 33,7 millions d’habitants sur 95 territoires depuis fin 2015 [9]. En revanche, l’économie de la fonctionnalité, l’écoconception et les achats durables sont des sujets moins développés dans ces villes. Côté programme, les achats durables et la commande publique responsable sont des sujets récurrents alors que l’éco-conception, l’écologie industrielle et territoriale ainsi que l’économie de la fonctionnalité se retrouvent plus délaissés. Il est intéressant de remarquer que 3 des villes de ce groupe, à savoir : Paris, Lyon et Nantes, ont défini une feuille de route ou un plan d’actions économie circulaire.
A l’inverse, le deuxième groupe de villes (2) se caractérise par une faible dynamique sur le territoire et dans les programmes. Le recyclage et la consommation responsable sont les thèmes les mieux abordés à la fois dans les programmes et dans les dynamiques municipales. L’allongement de la durée d’usage est également présente, mais dans une moindre mesure. A l’inverse, l’écologie industrielle et territoriale, l’éco-conception, les achats durables et l’économie de la fonctionnalité sont des thèmes inexistants ou quasi-inexistants. Dans ce groupe hétérogène, on retrouve des villes comme Toulouse qui ont bien une dynamique d'économie circulaire présente mais pour lesquelles le programme électoral de la liste élue n’aborde pas le sujet. D’un autre côté, une ville comme Montpellier présente un programme élu qui aborde l’économie circulaire, avec des propositions intéressantes comme la tarification incitative des déchets, mais qui n’a pas pour le moment de dynamique municipale observée.
Les villes sont des territoires adaptés pour mettre en application des économies circulaires et ainsi répondre aux enjeux environnementaux. Au delà de la poussée des écologistes, les dernières municipales sont marquées par un accroissement du nombre de propositions en lien avec cette transition dans les programmes des listes municipales élues. Les décideurs politiques locaux devraient dès lors être attendus et incités à prendre des mesures pour animer la transition et mobiliser l’ensemble des acteurs de leur territoire. Pour être efficace, la mise en œuvre des propositions devra créer ou alimenter les dynamiques locales et s’articuler avec les programmes de développement territoriaux.
[1] Feuille de route économie circulaire, 2018
[2] Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, 2020
[3] Guide demain MON TERRITOIRE, Ademe (Source)
[4] Propositions pour la transition écologique des territoire, AMORCE (Source)[5] 9 chantiers clés pour appliquer la démarche zéro déchet, zéro gaspillage au niveau local, ZWD (Source)
[6] Ademe (source)
[7] Préfecture et services de l’état dans la région Haut de France - Etudes - Commande publique responsable : un levier insuffisamment exploité (2018) (source)
[8] L’écologie industrielle et territoriale (EIT), un maillon clé de l'économie circulaire, Sia Partners (2020, source)
[9] Chiffres liés aux projets “territoires zéro déchet, zéro gaspillage” (source)