La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La communication des résultats du deuxième trimestre 2009 va probablement confirmer les difficultés éprouvées par les Banques de Financements et d'Investissement / -600 millions d'euros pour Société Générale CIB au premier trimestre, -1,8 milliards milliards pour Natixis sur la même période...
Au premier rang des facteurs de perte se trouvent la dépréciation des actifs risqués (exposition aux assureurs monoline, CDO, etc.) et l'augmentation significative du coût du risque engendrée par la dégradation globale de la situation économique. Pour la Société Générale, un troisième élément a détérioré de manière significative les résultats de ce premier trimestre : la dévalorisation du portefeuille de Credit Default Swaps (par rapport à la valorisation de décembre 2008) se traduit, au 1e trimestre 2009, par une perte de 470 millions d'euros.
Les CDS sont apparus à la fin des années 1990. C'est un moyen pour les établissements de crédit de se protéger du risque de crédit. Un CDS est un contrat de protection vis-à-vis d'une créance. Prenons un établissement financier (la banque A sur l'illustration 1) propriétaire d'une créance vis-à-vis d'un emprunteur. Cette créance peut être un prêt ou un produit obligataire. Pour se prémunir du risque de défaut de l'emprunteur, la banque A achète une protection auprès d'un autre établissement financier (la banque B sur notre illustration 1). Cet achat se traduit par le versement périodique d'une prime.
En échange, la banque B s'engage à se substituer à l'emprunteur en cas de défaut, ou plus exactement en cas de survenance d'un « événement de crédit » (banqueroute, etc.) défini dans le contrat de CDS.
Le marché des CDS s'est développé au début des années 2000. Dans le contexte de l'époque - économie florissante et nombre restreint de défauts - la vente de CDS est un business particulièrement attrayant : facile à mettre en uvre, peu risqué, rémunérateur. Du côté des acheteurs de CDS, c'est un moyen pratique de se protéger du risque de défaut.
L'apparition de CDS sophistiqués, permettant de couvrir des paniers de créances issues de différents emprunteurs, a contribué à l'essor du marché. Mais c'est l'émergence d'un marché secondaire, essentiellement spéculatif, qui a conduit à l'explosion du marché. A l'origine du phénomène, il y a une raison technique : rien n'impose, lors de la mise en place d'un CDS, que l'une des deux contreparties soit réellement propriétaire de la créance sous-jacente. Concrètement, notre banque A peut revendre le CDS à une banque C. Le contrat de protection est alors entre la banque B et la banque C, qui ne sont ni l'une ni l'autre propriétaire de la créance.
Il est même possible pour deux banques d'établir un CDS s'appuyant sur une créance complètement virtuelle. La créance est décrite dans le CDS (emprunteur, montant nominal), mais elle n'existe pas. Le CDS devient un moyen de spéculer à la hausse ou à la baisse sur la santé de l'emprunteur. Lorsque la santé d'un emprunteur se dégrade, le prix du CDS augmente.
Devenu très attractif pour les spéculateurs, le marché a explosé : 45 000 milliards de dollars de montant nominal en 2007 (ce qui est supérieur, par exemple, au marché des obligations). Ainsi et grâce à la profondeur de ce marché, les CDS se sont imposés comme l'étalon permettant de mesurer le coût du risque de contrepartie et la santé d'un emprunteur.
Les CDS achetés par un établissement financier sont comptabilisés en hors-bilan, comme l'ensemble des garanties et engagements reçus, et ils contribuent au résultat de l'établissement. Et conformément aux normes comptables, ils doivent être valorisés au prix du marché. Pour les établissements de crédit, cela est paradoxal : les créances sous-jacentes sont comptabilisées à leur prix nominal, et les CDS achetés sont en majorité des CDS de couverture qui ont vocation à être conservés jusqu'à maturité. Mais les normes comptables imposent une valorisation marked-to-market des CDS. Et l'impact est loin d'être négligeable.
Avec la crise, la santé des emprunteurs se dégradant, le prix des CDS s'est envolé, pour atteindre un sommet fin 2008. L'impact sur le résultat de la Société Générale, par exemple, est de +1,6 milliards d'euros au 4e trimestre 2008 ! Et -470 millions d'euros sur le 1e trimestre 2009, le prix des CDS s'étant corrigé à la baisse sur cette période.
Ces mouvements virtuels dans les comptes de résultat illustrent les limites de la comptabilisation marked-to-market en période de crise, le marché ne permettant pas de mesurer la valeur de certains actifs. Au-delà de cette question de valorisation, le marché des CDS pose d'autres problèmes. Côté vendeurs, les assureurs ne sont pas tous en mesure de faire face à la crise. AIG, croulant sous les milliards à rembourser pour cause de faillite de Lehman, n'a dû son salut qu'à l'intervention de l'Etat américain. Côté acheteurs, le risque lié à des « doubles défauts » des emprunteurs et des vendeurs de CDS est très difficile à appréhender. Comment assainir le marché ? Une solution radicale consiste à restreindre les CDS à la seule couverture de créances réelles (suppression du marché secondaire, interdiction des CDS sur créances virtuelles).
Moins radicale, la mise en place de mécanismes de compensation normalisés et systématiques est appelée par l'ensemble de la place. En règlementant les échanges, en diminuant le risque de contrepartie (et par conséquent le risque systémique), ils permettront sans doute de ramener le marché des CDS à des proportions et à un niveau de risque raisonnables.