La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Opportunités et risques liés au e-commerce en France pour les transporteurs
Les grands enjeux des e-commerçants aujourd’hui se concentrent sur le développement du m-commerce, des parcours multicanaux et omni canaux, de l’essor des achats via les objets connectés et de la personnalisation de l’expérience client. Cependant l’un des facteurs majeur de la satisfaction client de l’achat en ligne réside dans la fiabilité et la qualité du service de livraison. Si cette livraison est la plupart du temps sous la responsabilité du transporteur, c’est bien l’image du e-commerçant qui est en jeu. En effet, soit le client ne perçoit pas l’identité de la société de transport ou l’associe à celle du e-commerçant, soit le choix du transporteur ne lui a pas été laissé.
Par ailleurs, dans un contexte de stagnation du secteur de la messagerie[1], la livraison express[2] est la seule activité à connaitre une progression en volume de colis et en fréquence d’envoi soutenue notamment par le e-commerce. En se positionnant sur ce segment, les transporteurs peuvent donc bénéficier d’un relai potentiel de croissance. Cet intérêt stratégique est confirmé par les investissements d’Amazon, leader du secteur, qui poursuit sa stratégie d’intégration verticale en prenant en charge le transport longue distance (location d’avion de fret) et la livraison de proximité (en étant actionnaire de Colis Privé).
En 2016, le e-commerce devrait générer un chiffre d’affaires de plus de 70 milliards d’euros en France ce qui représente une croissance de 10% par rapport à 2015, qui avait déjà été une année record avec un chiffre d’affaires de 64,9 milliards et une croissance de 14,3%[1]. Cette croissance du marché est en partie portée par l’augmentation du nombre de cyberacheteurs (+2,3 millions en un an estime Médiamétrie) et par l’augmentation de la fréquence d’achats qui se poursuit.
En parallèle du développement du marché du e-commerce, les comportements d’achat évoluent eux aussi. On observe en effet une augmentation de la dépense annuelle moyenne par acheteur : la diminution du montant du panier moyen est compensée par une hausse de la fréquence d’achat. Le nombre de transactions a ainsi augmenté de 19% passant de 700 millions en 2014 à 835 millions en 2015. En moyenne, un acheteur réalise plus de 23 transactions par an soit 5 de plus qu’en 2013 et 11 de plus qu’en 2010[2]. Cette tendance est confirmée par les chiffres des premiers trimestres 2016 disponibles.
Les catégories de produits et services les plus achetés en ligne sont les produits de modes et d’habillement, les offres de voyages, les produits culturels, les produits de beauté et de santé et enfin les produits techniques.
La plupart de ces produits étant des biens matériels, la livraison en colis est nécessaire pour que le consommateur puisse en bénéficier. Le marché de la livraison de colis adresse en France plus de 450 millions de colis par an.
Les effets combinés d’expansion du e-commerce dans sa globalité et de la multiplication des fréquences d’achat vont accroitre la demande de livraison des colis, à la fois au sein des réseaux des distributeurs et expressites (livraison en points de vente ou point relais, consignes automatique) mais aussi au plus proche du client (livraison à domicile ou au travail).
Le e-consommateur devient de plus en plus exigent concernant ses achats en ligne et les modalités de réception des colis. La probabilité d’échec sur la livraison est un élément qui entrave encore l’image du e-commerce et qui est un frein pour une partie des prospects. Une part importante de la valeur ajoutée du e-commerce étant de ne pas perdre de temps en dehors de l’acte d’achat et de disposer facilement du produit chez soi, les e-commerçants mettent en œuvre des mesures pour améliorer l’expérience client sur cette phase de livraison.
Les attentes du consommateur en termes de livraison se recentrent autour de la maitrise de livraison de leur colis. Ils favorisent :
Face à ces préoccupations, les e-commerçants doivent concentrer leurs efforts sur les problématiques de fiabilisation de la livraison et de communication autour des frais de livraison.
Les e-commerçants disposent de trois leviers pour fiabiliser la livraison et répondre aux attentes des consommateurs :
Amazon, conscient de l’importance du service de livraison pour ses clients, intègre ce maillon de la chaine de distribution dans sa chaîne de valeur, dans le but de mieux maitriser son service de livraison.
Pour répondre à l’attente sur les prix de livraison le e-commerçant doit réfléchir à sa capacité à rendre ces frais gratuits ou à minima de faire en sorte que sa politique de frais de livraison soit simple et compréhensible. Le montant des frais de port reste l’une des plus fortes raisons de l’abandon d’achat. Communiquer en début de processus d’achat sur les frais de livraison permettrait de rassurer les utilisateurs, et de leur éviter de mauvaises surprises au moment du paiement.
Au-delà de la transparence, les e-commerçants peuvent faire de leur politique de frais de port gratuit un avantage comparatif de trois manières différentes :
En 2016, le marché du e-commerce en France dénombrait 195 000 sites marchands (chiffres Fevad), de secteurs et de tailles très diverses. Ainsi, 6 000 sites (soit moins de 4% de l’ensemble) réalisent plus d’un million de chiffre d’affaires annuel et représentent 89% des revenus du secteur. En tête des sites les plus visités en France en 2015, se situent logiquement des « purs players » de la distribution en ligne (Amazon, Cdiscount, Voyages-sncf.com) mais aussi des distributeurs spécialisés (Fnac) et des plateformes de mise en relation (eBay).
Pour les achats de biens matériels sur les sites de e-commerce, ce sont à l’heure actuelle des acteurs tiers qui acheminent les colis. Ils font partie de la catégorie de services de transport « messagerie – fret express »[4], dont les clients principaux en volume sont l’industrie manufacturière, le commerce, et la vente à distance.
La croissance globale du secteur de la messagerie – fret express est de 1% en 2015. Parmi les sous-catégories qui composent le secteur, l’« express colis léger »[5] est la seule catégorie dont l’activité progresse, avec 4,7% de croissance moyenne depuis 2009, et tire vers le haut les performances globales du secteur. Et pour cause, le nombre de colis légers expédiés est directement lié à la croissance du e-commerce.
En outre, les chiffres ci-dessous mettent en avant la croissance du chiffre d’affaires de l’express colis léger, la croissance du tonnage total expédié par an, et la croissance du nombre de colis envoyés. On observe alors que la croissance du nombre d’envois est supérieure à la croissance du tonnage expédié. On peut en déduire une multiplication de l’envoi de colis de plus en plus petits (en cohérence avec les chiffres de la Fevad sur l’augmentation du nombre de commandes e-commerce par an et la baisse du panier moyen). Or, la croissance du chiffre d’affaires n’est pas uniquement corrélée au nombre de colis envoyés, mais également au tonnage.
L’augmentation du nombre de colis seul ne permettant pas de garantir une augmentation de chiffres d’affaires pour les expressites ; ceux-ci doivent donc veiller à ajuster leur tarification vis-à-vis des e-commerçants pour optimiser leur rentabilité et maintenir leurs marges, malgré l’augmentation du nombre de petits colis qui complexifie la logistique et augmente potentiellement leurs charges.
Globalement, même si ces transporteurs de colis légers gardent le secteur global à flot, ils doivent rester vigilants : leurs clients principaux, les e-commerçants, ont un pouvoir important de négociation. En effet, leur situation s’approche d’un monopsone contrarié, avec un seul demandeur (ici Amazon) pour quelques offreurs (La Poste et les autres expressistes). Ainsi, la politique tarifaire agressive des e-commerçants influents, comme la normalisation de la livraison gratuite, pèse directement sur les expressistes qui voient leurs marges s’éroder.
En outre, la concurrence bat son plein entre les expressistes qui cherchent à séduire avec des services au plus proche des besoins des consommateurs, comme UPS avec son service UPS MyChoice (date et lieu de livraison définis au préalable) ou bien GLS qui livre sur rendez-vous à domicile via FlexDelivery Service.
Le contexte du marché des livraisons est en pleine mutation : des acteurs comme Amazon, Uber mais aussi des start-up de tailles plus modestes, proposent des services de livraison innovants comme la livraison de produits frais, les livraisons en 1h ou encore la livraison à vélo.
Dans ce contexte, e-commerçant et transporteurs doivent travailler en cohérence pour répondre le mieux possible aux attentes des consommateurs de manière à accélérer la croissance du e-commerce. Trois axes de développement semblent prioritaires :
La fiabilisation étant la préoccupation numéro 1 des clients du e-commerce, les transporteurs ont tout intérêt à s’associer aux e-commerçants en proposant des services fiables correspondants aux attentes et préoccupations :
Possibilité de prendre rendez-vous en choisissant un créneau
Proposition d’un suivi en cohérence avec la nature des produits commandés
Du fait que les défauts de livraison ont un impact négatif sur la satisfaction du client envers le site de e-commerce, les transporteurs qui seront capables de répondre le mieux aux attentes des consommateurs bénéficieront d’un avantage compétitif non négligeable pour les e-commerçants et seront en mesure de gagner des parts de marché.
Les transporteurs doivent inciter les e-commerçants à faire appel à leurs services. En effet, ces derniers prennent de plus en plus de pouvoir et risquent de vouloir internaliser une partie de la logistique de livraison des colis, à l’instar d’Amazon qui s’intéressent à des transporteurs comme Colis Privé, ou qui fait fréquemment des démonstrations de livraison par drône. Les expressistes doivent alors faire valoir leur expertise sur la livraison de colis et proposer des offres compétitives aux e-commerçants ; tout en maximisant leur marge.
Dans un contexte de consolidation des acteurs du transport et d’une augmentation des flux de e-commerce internationaux, les transporteurs peuvent se différencier en améliorant leur service de livraison transfrontalière.
Dans leur développement, les acteurs historiques du transport de colis se sont naturellement concentrés sur leur territoire régional ou national et l’Europe souffre encore aujourd’hui d’un manque d’efficacité dans les solutions de livraisons cross-frontières. Ces difficultés sont en partie liées aux spécificités des modes de gestion et des solutions techniques de chaque acteur.
Afin de pallier le manque d’intégration de leurs systèmes, les opérateurs de transporteurs doivent établir des partenariats et développer leur collaboration dans l’échange et la gestion des flux. Ainsi, l’amélioration des connexions entre transporteurs repose d’une part sur l’interopérabilité des systèmes d’information et l’échange des données de livraison afin d’assurer une transmission optimale des informations entre chaque transporteur.
D’autre part, les transporteurs doivent aussi harmoniser leurs méthodes de packaging et s’orienter vers une standardisation accrue des conteneurs et des méthodes de consolidation des colis sur palettes.
Ainsi, le développement du e-commerce est une réelle opportunité de business pour les transporteurs et correspond à leur levier de croissance actuel. Cependant, ce secteur étant fortement concentré en volume autour de quelques acteurs puissants, les transporteurs doivent s’armer pour répondre aux besoins du e-commerce sans impacter leur marge.
Les transporteurs doivent donc trouver des axes pour se positionner en opérateur à valeur ajoutée pour faire en sorte de conserver une relation commerciale équilibrée avec les gros acteurs du e-commerce.
ANNEXES
[1] Livraison de colis et courriers inférieurs à 3 tonnes, essentiellement par voie routière
[1] Livraison en moins de 24h à partir de la remise du pli au transporteur
[3] Source : Fevad
[4] Source : Fevad
[5] Kantar Media Compete
[6] Les entreprises de messagerie et de fret express assurent l’enlèvement, le groupement, le tri, l’acheminement ainsi que la livraison de marchandises (plis, colis, etc.) dont le poids n’excède pas 3 tonnes.
[7] Les opérateurs de messagerie traditionnelle couvrent la France en 24h/72h alors que les expressistes s’engagent sur une livraison garantie à J+1. Concernant le poids, les colis sont légers en dessous de 30kg, les autres poids du secteur vont alors de 30kg à 3 tonnes.