La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’évolution des taux d’intérêt est plus que jamais au centre de l’attention.
Avec des statistiques validant la vigueur de l’économie américaine, notamment une situation proche du plein emploi accompagnée de tensions inflationnistes, la Réserve Fédérale Américaine (Fed) a enclenché une hausse de son taux directeur durant ces derniers mois.
Durant l’été 2016, la révision à la hausse des prévisions de croissance et d’inflation de la zone euro pour 2016 par la Banque Centrale Européenne (BCE), accompagnée d’une pression à la hausse sur le prix du pétrole, pouvaient laisser penser à une future hausse des taux d’intérêt de la BCE, mais il n’en est rien. La BCE est contrainte de poursuivre, au moins sur 2017, une politique de Quantitative Easing pour soutenir la croissance économique, ce qui rend peu probable une hausse des taux de la zone Euro. Et pourtant, on observe une remontée des taux longs depuis quelques mois.
Depuis le déclenchement de la crise financière, la tendance est à une politique monétaire très accommodante avec un taux directeur qui est passé de 4,25 % en octobre 2008 à 1,0 % en mai 2009, puis à 0,0 % depuis le 10 mars 2016.
Cependant, depuis plusieurs mois, une pression à la hausse sur les taux américains pourrait entrainer une hausse des taux en Europe. Parmi les éléments de contagion, nous pouvons citer la victoire du Brexit en Grande-Bretagne et de Donald Trump aux Etats-Unis, qui rendent plus probable une montée du populisme en Europe et accroissent le risque d’implosion de la zone Euro. Par ailleurs, la politique inflationniste du nouveau président américain (i.e. hausse des investissements d’infrastructure et mesures protectionnistes), et la hausse du déficit américain qui découlera de ces politiques induiront un ajustement à la hausse des taux longs.
Au-delà de l’effet psychologique lié à la crainte de la victoire du vote populiste, la contagion pourrait également se manifester du fait d’un jeu d’arbitrage des investisseurs internationaux en quête de rendement entre les obligations souveraines américaines et européennes. A ce titre, depuis novembre 2016, on constate que le coût d’endettement de la France, dans un contexte d’incertitude politique grandissante, augmente plus vite que celui de l’Allemagne.
Compte tenu de la période précédente de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, qui effritaient les marges bancaires, la remontée des taux s’annonce comme une bonne nouvelle pour les banques, mais l’impact sur les conditions de financement des ménages et des entreprises, ainsi que sur leurs placements, serait plus mitigé.
La politique très accommandante de la BCE se traduisait jusqu’alors par un aplatissement de la courbe des taux (resserrement entre taux courts et taux longs), rendant moins profitable la transformation des ressources à court terme en crédits de long terme. Avec une hausse des taux long associée à une stabilité des taux courts, la transformation de maturité serait plus rentable. D’un côté, les coûts des ressources de financement court terme resteront plutôt stables et de l’autre, les prêts à long terme seront octroyés à des taux d’intérêt plus élevés.
Tout d’abord, les contraintes réglementaires et prudentielles requièrent que les banques gardent dans leur bilan des actifs obligataires de très bonne qualité, donc étatiques ou supranationaux, afin de faire face aux crises de liquidité notamment. Or, une hausse des taux d’intérêt se traduirait par la chute du prix des titres du marché secondaire, allant potentiellement jusqu’au krach en cas de remontée rapide des taux. Ceci entrainerait alors une réduction du bilan bancaire et un resserrement des conditions de financement, via notamment un besoin accru en collatéral pour les opérations Repo ou encore dans le cadre des transactions sur produits dérivés. Les contreparties demanderont plus de titres en collatéral à niveau de financement constant pour compenser la dépréciation du collatéral déjà reçu.
De plus, une attention particulière devrait être portée aux encours de crédit long terme à taux fixe car, en cas de hausse des taux, ces encours de prêts peu rémunérateurs issus de la période de taux bas devront être refinancés avec un passif dont le coût augmentera plus vite. A ceci s’ajoutant une dégradation de la capacité de remboursement des emprunteurs endettés à taux variables. Toute chose égale par ailleurs, ceci peut conduire à une hausse de la consommation en capital de ces actifs.
La hausse des taux d’intérêt aurait évidemment un impact négatif sur la demande de crédit, notamment pour les transactions immobilières. Avec des taux plus élevés, les candidats à l’achat de biens immobiliers subiront le renchérissement des coûts de financement.
Les taux très bas et stables ont stimulé la demande de crédit durant toute cette période, avec une accélération en fin d’année, peut-être due à l’anticipation d’une hausse dans un futur proche.
Au-delà de l’effet psychologique immédiat, il faudrait que la hausse des taux soit conséquente pour que les particuliers renoncent à leur projet d’investissement immobilier. Certains courtiers estiment que la baisse des prêts immobiliers atteindrait 16% par point de hausse des taux, le secteur immobilier anticipant des taux de 1,70 à 1,80% d’ici la fin de l’année 2017, contre un taux moyen aux alentours de 1,30% en 2016.
Quant aux entreprises, l’impact global est moins évident. Les taux d'intérêt à long terme étant un déterminant de l’investissement, une hausse se traduirait par une baisse de l’investissement privée en cas d’absence d’opportunité suffisamment rentable. Une hausse modérée des taux longs provoquerait un effet d’éviction sur les investissements les moins rentables, sans nécessairement modifier les plans d’investissement présentant un ROI plus important.
L’autre impact serait un effet de substitution au niveau des investisseurs, entre :
Sous réserve qu’elle se déroule de manière progressive et sans trop de volatilité, la hausse des taux longs devrait apporter une bouffée d’oxygène aux assureurs, en particulier sur l’activité d’épargne (assurance-vie et retraite supplémentaire).
En effet, pendant la période de taux bas, les assureurs ont dû acheter des obligations à des taux de plus en plus bas, notamment pour en remplacer d’autres, plus anciennes, arrivées à maturité et ainsi réduire la rentabilité moyenne de leur portefeuille. Une hausse des taux leur permettrait de réinvestir progressivement à meilleur compte, pour soutenir leurs rendements futurs.
Cependant, les obligations représentant près de la moitié de l’allocation des actifs pouvant venir en représentation des engagements assurantiels (cf graphique ci-dessous), une remontée brutale des taux d'intérêt se traduirait par une dépréciation des titres à l’actif, étant donné que le prix des obligations évolue en sens inverse des taux d’intérêt.
Dans ce contexte où le rendement des actifs financiers risque d’être inférieur aux rendements garantis par l’assureur, bien que la valeur du passif baisse aussi mécaniquement du fait de l’actualisation, les assureurs devront compenser la dépréciation des titres à l’actif par une augmentation des provisions pour aléas financiers.
A cela, s’ajouterait un mécanisme d’éviction d’épargnants attirés par de nouveaux placements plus rémunérateurs qui seraient tentés de retirer leurs avoirs pour les placer ailleurs. Ce risque de retrait de fonds reste tout de même très mesuré étant donné la stabilité des sommes placées en assurance-vie.
En somme, les effets de la remontée des taux initiée en 2016 pourraient se faire ressentir si cette hausse se poursuit dans le temps. En 2016, on a observé une hausse des crédits accordés au secteur privé sur un an, autour de 2,2%. Cette hausse a été encore plus soutenue pour les prêts immobiliers avec + 2,7%. Il convient tout de même de rappeler que le scénario pour la zone Euro tend vers des taux courts qui resteraient bas et des taux longs qui remonteraient sous l'influence des taux américains. Cependant, les élections à venir en Europe, et notamment en France peuvent modifier ces scénarios, à moyen terme.