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Horaires de métro mondiaux : une ouverture H24 du métro parisien ?

Ouvrir partiellement le métro parisien 24 heures sur 24, le weekend puis en semaine : c’était l’une des promesses de campagne d’Anne Hidalgo aux municipales de 2014, promesse renouvelée en février 2015. Deux ans plus tard, les études laissent paraître que cette promesse sera difficilement tenue.

En parallèle, Londres va passer au mois d’août à une circulation ininterrompue de son « Tube » le weekend. Et la capitale britannique est loin d’être précurseur puisque Berlin, New York, Barcelone ou encore Copenhague ont déjà mis en œuvre partiellement ou totalement l’ouverture continue de leurs métros.

Afin de recadrer le débat sur les horaires de notre Métropolitain parisien, Sia Partners vous propose au travers de cet article un benchmark des horaires d’ouverture du métro sur les principaux réseaux européens et mondiaux, en pointant les initiatives les plus significatives. Nous reviendrons ensuite sur les contraintes liées à une extension des horaires et sur les spécificités du réseau parisien.

Benchmark des horaires de fonctionnement des métros

Etat des lieux des principaux réseaux européens et mondiaux

Ce benchmark se concentre sur les 15 plus importants réseaux de métro mondiaux en termes de nombre de voyageurs, ainsi que sur les 15 plus importants réseaux européens (suivant le même critère [1]) : du réseau de Pékin, premier réseau mondial avec 3,25 milliards de passagers par an au réseau de Rome, 46e réseau mondial avec 279 millions de passagers. La capitale Française tient pour sa part la 10e place dans ce classement mondial avec 1,5 milliard de passagers, et la 2e place au niveau Européen derrière Moscou, 2,5 milliards de passagers.

Le tableau suivant précise les horaires d’ouverture et de fermeture de ces réseaux, soit les horaires des premiers et derniers métros de chaque réseau, avec une distinction entre le fonctionnement en semaine et le fonctionnement le weekend [2.0], le cas échéant.

Tableau : synthèse des horaires des premiers et derniers métros des 15 premiers réseaux mondiaux et européens en termes de nombre de voyageurs transportés par an

Analyse des résultats : quelles villes se démarquent ?

Les résultats de ce benchmark montrent que sur l’ensemble des grandes villes choisies, le métro ouvre en moyenne entre 5h et 5h30 et ferme entre minuit et demie et 1h du matin. Les horaires d’ouverture et de fermeture sont légèrement retardés le weekend par rapport au reste de la semaine, l’amplitude horaire étant également plus importante d’une vingtaine de minutes le weekend en moyenne.

Dans cette liste, seul New-York dispose d’un métro fonctionnant de manière totalement ininterrompue mais sur une partie seulement de son réseau. Londres, Berlin, Barcelone, et Stockholm bénéficient quant à elles d’un métro fonctionnant en continu uniquement le weekend et ce sur certaines lignes uniquement, avec des plages de fonctionnement définies en semaine. Les métros de Sao Paulo et de Berlin sont ceux qui ouvrent le plus tôt, autour de 4h du matin, tandis que ceux d’Athènes et de Munich ferment le plus tard, autour de 2h30 du matin. Par ailleurs, seuls Tokyo, New-York, Londres, Sao Paulo, Munich et Stockholm, voient leur métro fonctionner sur une amplitude horaire d’au moins 20 heures en semaine.

On constate également qu’il n’y a pas de corrélation directe entre le classement en termes de nombre de voyageurs transportés par an et l’amplitude horaire de fonctionnement du métro, puisque, parmi le top 5 des métros transportant le plus de voyageurs par an, aucune ville ne fonctionne plus de 20 heures d’affilée, Pékin et Shanghai fonctionnant même moins de 19 heures par jour.

En se restreignant à l’échelle européenne, les résultats moyens sont sensiblement proches de ceux à l’échelle mondiale, bien que les horaires de fermetures et les amplitudes horaires moyennes augmentent d’une dizaine de minutes. Si le lien entre le nombre de voyageurs transportés par an et les amplitudes horaires de fonctionnement n’est toujours pas évident, il convient de noter qu’au sein du top 5 européen (Moscou, Paris, Londres, Saint Pétersbourg et Madrid), tous les acteurs voient leur métro fermer après 1h du matin. Les grosses villes européennes, selon ce classement, disposent donc d’un réseau fermant relativement tard.

La place de Paris dans ce benchmark

Le métro parisien, lui, ouvre vers 5h30 et ferme aux alentours de 1h15 du matin en semaine, 2h15 le weekend. Bien qu’il ne figure pas parmi les métros fonctionnant en continu, il bénéficie d’une amplitude horaire légèrement supérieure à la moyenne en semaine avec 19 heures et demie de fonctionnement, et dépasse les 20 heures de fonctionnement le weekend.

Si l’heure d’ouverture est légèrement en dessous de la moyenne, l’horaire de fermeture est relativement tardif, notamment en weekend où Paris voit son métro fermer environ une heure plus tard que la moyenne.

A l’échelle européenne, le métro de Paris est devancé par ceux de Londres, Berlin et Barcelone en termes d’amplitude horaire, les 3 villes bénéficiant d’un fonctionnement ininterrompu le weekend sur certaines lignes. Paris tient néanmoins la comparaison en semaine, devançant même Barcelone d’une heure.

De nombreux freins se dressent face à l’élargissement des horaires d’un métro

La question d’une ouverture prolongée ou totale du métro parisien représente un enjeu fort aux yeux des habitants de l’Ile de France mais également des politiques. Comme évoqué précédemment, Mme Hidalgo mais également Mme Kosciusko-Morizet en avaient d’ailleurs fait l’une des bases de leurs programmes de campagne respectifs lors des dernières élections municipales.

Cette problématique d’élargissement n’est pas propre à la capitale française, d’autres villes à l’instar de Londres cherchant à élargir leur offre de transports nocturne.

Et quelle que soit la ville, de nombreuses contraintes (res)surgissent à l’évocation de l’implémentation d’un tel projet, mettant en exergue les fortes difficultés auxquelles il devrait faire face.

Des investissements initiaux importants

Prolonger les horaires de fonctionnement d’un métro implique un coût de lancement qui se chiffre en millions d’euros.

A titre d’exemple, le STIF avait rendu public ces coûts d’investissements initiaux lors du prolongement des plages horaires du métro parisien durant les weekends.

En 2006, l’allongement d’une heure de la couverture du métro le samedi avait nécessité un investissement initial de 4 millions d’euros. En 2007, l’extension de cette mesure aux vendredis avait représenté un coût initial de 1,5 million d’euros.

De nombreux coûts de fonctionnement associés

Au-delà des investissements initiaux, plusieurs coûts de run (fonctionnement) devront également être assumés :

  • Masse salariale plus importante pour les différentes catégories de personnel impactées : conducteurs, agents de supervision du réseau et du trafic, vendeurs, contrôleurs, agents de sécurité, agents d’entretien.
  • Entretien plus important et usure plus rapide du matériel roulant et de l’infrastructure, davantage sollicités.

Etendre ses horaires s’avère donc la plupart du temps très couteux, mais la ville de Copenhague (115e métro mondial en nombre de voyageurs) a réussi à rendre son nouveau métro rentable tout en offrant une utilisation continue 24h/24. Pour cela, la capitale danoise a développé une stratégie visant à limiter le personnel nécessaire au fonctionnement de son réseau : lignes automatisées, absence de guichets de vente physique, remplacés par des automates, mais également absence d’agents de sécurité dans les stations.

Une sureté des voyageurs à assurer

En cas d’ouverture prolongée ou continue du métro, se pose également la question de la garantie de la sureté des voyageurs empruntant ses lignes.

La nuit étant par nature propice aux débordements et / ou comportements plus à risque qu’en journée (alcoolémie, agressions…), une ouverture nocturne prolongée ou continue nécessite donc une augmentation des moyens de sécurité qui va au-delà de la simple croissance arithmétique. Un renforcement supplémentaire des équipes doit ainsi être mis en place pour contenir les éventuels débordements et assurer la sécurité des voyageurs dans un réseau par ailleurs bien plus désert qu’en journée.

Entretien ferré

L’entretien des voies et du matériel est également l’un si ce n’est le plus gros des blocages relatifs à une ouverture étendue des horaires de métro.

Aujourd’hui, des dizaines de chantiers de remplacement de matériel, d’entretien des stations, de maintenance des équipements roulants, mobiles ou fixes, sont effectués durant la nuit lorsque le métro ferme ses portes. L’ouverture prolongée ou totale n’est donc plus qu’une question de moyens financiers mais représente également une problématique organisationnelle et logistique majeure. Comment en effet assurer cette maintenance sur un réseau qui ne ferme pas ?

A noter que la ville de New York, seule ville de notre benchmark à ouvrir de manière ininterrompue en semaine comme le weekend, a pu palier à cette épineuse problématique. Elle possède en effet un système de voies doubles, permettant d’assurer la maintenance sur une voie tout en assurant la circulation sur la 2e.

Le tout jeune métro de Copenhague précédemment cité, dont le premier tronçon a ouvert en 2002 a réussi quant à lui à limiter ses plages de maintenance à des interventions ponctuelles entre 01h00 et 01h25 ainsi qu’entre 04h15 et 04h45 afin de garantir son fonctionnement 24h/24 la majeure partie du temps.

L’élargissement des horaires, un besoin à relativiser ?

Au vu des éléments présentés, il est aisé de convenir que l’augmentation de l’amplitude horaire d’un métro implique de répondre à des problématiques financières et organisationnelles non négligeables. La balance positive entre le gain offert à l’usager et les coûts pour la collectivité est donc loin d’être systématiquement acquise.

A New York par exemple, le nombre de voyageurs empruntant le métro entre 1 heure et 5 heures du matin représente uniquement 1% du total des voyageurs à l’échelle hebdomadaire, weekend compris. La fréquentation nocturne étant de manière générale faible, il convient donc de confirmer qu’en termes de service à l’utilisateur, elle justifie les efforts budgétaires, organisationnels et logistiques engagés.

Enfin, de nombreuses alternatives au métro permettent de palier son absence nocturne : taxis, VTC, bus de nuit, vélos en libre-service … Par conséquent, toute étude d’élargissement des horaires du métro nécessite de justifier d’une insuffisance de ces services connexes et d’étudier l’impact – notamment économique – d’une ouverture prolongée sur ces modes existants.

Qu’en est-il de Paris ?

Historique et état des lieux de la situation parisienne

Dans un premier temps, et afin d’analyser les enjeux liés à une potentielle ouverture nocturne du métro parisien ainsi que sa faisabilité, il convient de s’intéresser à la situation actuelle de la capitale française ainsi qu’aux évolutions marquantes qu’elle a pu connaitre.

Création et développement du Noctilien

Historiquement, et ce depuis les années 50, les horaires du métro parisien s’étendent de 5h30 à 1h15 du matin.

Cependant, afin d’assurer la continuité du service public en dehors de cette plage horaire, le STIF a décidé en 2005 de créer le réseau Noctilien, basé sur la fusion de Noctambus, l’offre de bus nocturnes portée par la RATP, et des Bus de nuit, son pendant côté SNCF.

Les objectifs du Noctilien sont alors clairement définis :

  • Renforcer l’offre nocturne jugée insuffisante pour garantir une offre complète et exhaustive
  • Assurer la continuité des transports diurnes
  • Etendre les dessertes, non seulement au sein de Paris intramuros mais également au niveau de la proche couronne

Pour ce faire, le réseau initialement en place pour les offres Noctambus et Bus de nuit est complétement repensé, refondu et densifié. Historiquement dessiné en étoile avec des lignes au départ de Châtelet, le réseau Noctilien comporte désormais des lignes circulaires autour de Paris et des lignes diamétrales au sein de la capitale. 5 grands pôles de départ sont également définis : la Gare de l’Est, la Gare de Lyon, la Gare Montparnasse, la Gare Saint-Lazare et la Place du Châtelet.

Composé à sa création de 35 lignes, le réseau Noctilien en compte désormais 48, garantissant ainsi une couverture très forte de l’ensemble des dessertes de Paris et de la proche couronne.

Allongement des horaires historiques du métro

Au-delà de la création du Noctilien et comme évoqué précédemment, l’amplitude de service du métro parisien a également été élargie par l’allongement de l’horaire d’ouverture durant les weekends. Cette extension s’est déroulée en deux temps :

  • 2006 : prolongement d’une heure avec une fermeture à 2h15 les samedis et veilles de jours fériés
  • 2007 : application de cet allongement aux vendredis

En résumé

Malgré des horaires d’ouverture dans la moyenne de notre benchmark, Paris dispose néanmoins d’une couverture nocturne des transports non négligeable grâce à l’alliance du Noctilien et d’un premier allongement des horaires.

Ces éléments mettent en exergue la volonté du STIF et des autorités publiques de fournir aux habitants de l’Ile de France et aux touristes une offre de service public complète.

Contraintes d’une ouverture continue ou prolongée du métro parisien

L’ensemble des problématiques recensées précédemment et pouvant ralentir ou bloquer une ouverture prolongée ou totale du métro sont applicables au cas de la capitale française.

Investissements initiaux

En se basant sur les coûts (publication par le STIF) qu’avait engendré le prolongement d’une heure des horaires durant les weekends, l’Institut Montaigne [3] a cherché à estimer ce que couterait une extension des horaires du métro parisien jusqu’à 2h15 en semaine.

En parallélisant leur calcul avec celui établi par le STIF en 2006, ils en ont déduit un investissement initial de 7,5 millions d’euros.

En étendant cette méthode à une potentielle ouverture continue du métro la nuit durant les weekends, l’investissement initial nécessaire serait de l’ordre de 10,5 millions d’euros [4].

Coûts de fonctionnement associés

L’Institut Montaigne a utilisé la même méthode pour chercher à estimer les coûts de fonctionnements annuels de ces ouvertures prolongées.

Ainsi, l’ouverture étendue jusqu’à 2 heures 15 en semaine représenterait un coût de fonctionnement annuel de 42,5 millions d’euros, quand une ouverture continue les weekends demanderait un coût de fonctionnement annuel de 70 millions d’euros.

A titre de comparaison, les dépenses de fonctionnement de la RATP représentent un total de 2 milliards d’euros [5].

Sûreté des voyageurs

Comme n’importe quel opérateur de transport, la régie parisienne devra également alourdir et renforcer ses mesures concernant la sécurité mise en place lors des transports nocturnes.

Selon l’observatoire National de la Délinquance, 19,2 % des vols avec violence et 19,1 % des violences gratuites sont ainsi survenus sur le réseau de transport parisien entre 21h et 6h du matin sur l’année 2007 [6].

Entretien ferré

Paris et la RATP ne disposant pas du même système de voies doubles qu’à New York, la question de la maintenance et du déroulement des chantiers pose également problème.

C’est même là la raison principale selon Pierre Serne [7], vice-président (EELV) de la région chargé des transports et vice-président du Stif qui estime que « on ne peut pas passer à un métro qui circulera 24 heures sur 24, (…). Techniquement et par rapport au système de maintenance en place en Ile-de-France, ce n'est pas possible. ».

De plus, une totale refonte de l’organisation du travail mise en place par la RATP devra être construite, impliquant de nombreux coûts de design, d’implémentation, de formation…

Trafic et autres modes de transport nocturnes

Comme évoqué de manière globale, le trafic de passagers à Paris entre 1h ou 2h et 5h30 présente le risque d’être relativement faible.

De plus, des modes de transport alternatifs sont présents sur la capitale française comme le réseau Noctilien, déjà présenté, très dense, et que la municipalité souhaiterait renforcer d’autant plus.

Enfin, de nombreux taxis sillonnent chaque nuit les rues parisiennes et un allongement de la couverture horaire nocturne du métro pourrait conduire à une levée de boucliers de la part de ces derniers, qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une potentielle nouvelle concurrence indirecte.

Conclusion

Bien qu’utilisée comme promesse électorale et en vigueur dans plusieurs grandes villes mondiales, une ouverture continue du métro parisien durant la nuit semble difficilement réalisable.

En effet, les coûts à injecter ainsi que les contraintes logistiques et organisationnelles qui seraient engendrées paraissent difficilement surmontables en l’état.

De plus, il est permis de penser que les efforts mais également le budget investis dans le réseau Noctilien - véritable alternative au métro durant la nuit - peuvent être un frein potentiel à cette ouverture continue ou même à un nouvel allongement des horaires du métro parisien.

Enfin, selon une étude du STIF auprès des usagers, ce sont surtout les lignes extérieures et à destination de la grande couronne qui sont jugées insuffisantes durant la nuit. Cela renforce l’idée d’une amélioration du réseau Noctilien mais également un allongement des horaires non pas au niveau du métro mais plutôt des RER.

[1] - Source: Wikipédia - List of metro systems- données référencées comprises entre 2012 à 2015.

[2.0] - A été pris en compte l'horaire le plus favorable entre les nuits du vendredi au samedi et du samedi au dimanche. L'horaire indiqué n'est donc pas toujours valable sur l'ensemble du weekend

[2] - Le calcul des moyennes des horaires d’ouvertures et de fermeture ne concerne que les villes dont le fonctionnement est interrompu, au contraire du calcul des moyennes des amplitudes horaires qui concerne les 30 villes.

[3] - Think Tank indépendant, l’institut Montaigne est une plateforme de réflexion, propositions et expérimentations consacrée aux politiques publiques en France (www.institutmontaigne.org/fr/institut)

[4] - http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/21/metro-nuit-a-paris-cest-promis-a-q...

[5] - http://www.stif.org/organisation-et-missions/le-volet-economique/le-budg...

[6] - http://www.leparisien.fr/faits-divers/metro-rer-la-carte-des-lignes-a-ri...

[7] - http://www.lepoint.fr/societe/pourquoi-le-metro-parisien-n-ouvrira-pas-t...