La reconversion, parent pauvre des politiques d…
BMW, Toyota, Renault-Nissan, PSA ou encore Volkswagen, tous tablent sur une commercialisation de leurs premiers véhicules totalement autonomes pour 2021.
BMW, Toyota, Renault-Nissan, PSA ou encore Volkswagen, tous tablent sur une commercialisation de leurs premiers véhicules totalement autonomes pour 2021. Cette avancée technologique libère le conducteur qui n’a plus besoin de focaliser son attention sur la route et peut donc profiter de son temps de trajet pour se divertir, travailler et échanger avec les autres passagers en toute sérénité. Un nouveau champ des possibles pour les constructeurs automobiles, qui pourront équiper l’habitacle de leurs voitures connectées d’écrans tactiles, diffuser des contenus diversifiés (films, musiques, jeux, émissions TV, etc.) et bien évidemment des informations relatives au trajet. Ces nouveaux usages sont en passe de changer nos habitudes de consommation des médias et de transformer notre expérience en voiture.
A mesure que les voitures gagnent en connectivité, de nouveaux services deviennent accessibles. Navigation guidée (Waze, Google Maps), musique (Spotify, Pandora), communication (Skype, iMessage)… Selon le portail mondial de statistiques Statista, ils représenteront un marché de 6,4 milliards d’euros en 2021, contre 1,4 milliard en 2017. Aujourd’hui, Siri, Watson, Cortana, Viv ou encore Alexa sont autant de petits noms qui pourraient bientôt devenir les compagnons de route des conducteurs. Déjà présents chez Ford, Toyota ou BMW, les assistants vocaux permettent aujourd’hui de réguler la température ou d’appeler un contact mais dans un futur très proche, ces technologies pourraient être utilisées comme réels outils de divertissement.
Par ailleurs le déploiement d’expériences en réalité virtuelle est en projet chez certains constructeurs. C’est en effet le pari de Renault et Ubisoft avec le lancement du Symbioz, une expérimentation embarquant progressivement le conducteur d’une représentation réaliste du véhicule et de la route vers une exploration de paysages futuristes, rendant ainsi chaque voyage unique tout en renforçant l’immersion et la sensation d’évasion. Uber s’est également lancé dans la course à la réalité virtuelle en publiant le 8 février 2018 auprès de l’USPTO un brevet nommé « Virtual Reality Experience For a Vehicle ». Ce dernier reste encore assez vague concernant l’application réelle que voudrait en faire la multinationale du transport mais il montre la volonté d’Uber de repenser l’expérience du voyage. En effet, la réalité virtuelle pourrait offrir une alternative aux passagers ne souhaitant plus seulement regarder leur portable ou parler avec leur chauffeur.
Si certains constructeurs misent sur la technologie, d’autres privilégient des partenariats avec des médias pour proposer de nouvelles formes de divertissement à leurs clients. Renault explique dans un communiqué que « Les Français et les Européens passent aujourd'hui en moyenne deux heures par jour dans leur véhicule. Le développement de la voiture connectée et autonome va libérer du temps utile aux utilisateurs ». Dans cette perspective, le constructeur français a fait en décembre 2017 l’acquisition de 40% du groupe de presse Challenges, un investissement inédit destiné à développer les contenus pour les usagers de la voiture autonome. Dans la même logique, le constructeur américain Tesla annonçait en 2017 vouloir lancer son propre service de musique en streaming et ainsi concurrencer les pure players tels que Spotify ou Deezer. La mise en place de ces nouveaux partenariats montre la volonté des constructeurs automobiles d’élargir leurs activités au-delà de la conception, fabrication et distribution de véhicules.
Si les constructeurs ont clairement franchi le pas, les médias ne sont pas en reste. « Pour suivre les usages, nous devons devenir un média global et ne plus nous limiter à la radio », explique Ari de Sousa, directeur du pôle produit et marketing à la direction du numérique de Radio France. Avec l’allongement des temps de trajet depuis 10 ans, l’automobile représente un tiers des minutes d’antenne de Radio France et a touché 76 % de ses 43 millions d’auditeurs sur la période novembre/décembre 2017. Pour trouver sa place dans le véhicule de demain, le groupe audiovisuel cherche à nouer des partenariats avec les constructeurs, discute avec les GAFA et mise beaucoup sur le mobile. Ce dernier peut en effet permettre la continuité de service tout au long du trajet, malgré les difficultés techniques que rencontrent encore les systèmes embarqués tels que Android Auto (Google) ou CarPlay (Apple) qui permettent d’utiliser certaines applications mobiles depuis le tableau de bord de sa voiture.
A l’instar de la radio, les chaînes de télévision sont elles aussi impactées par l’essor de la voiture autonome et des nouveaux usages qu’elle induit. La télévision connectée est déjà la démonstration d’une évolution vers plus de flexibilité, mais « la mobilité embarquée de ces véhicules autonomes va complètement chambouler l’univers audiovisuel », prévient Bernard Fontaine, directeur de l’innovation technologique de France Télévisions.
Les chaînes pourraient notamment personnaliser leurs programmes en utilisant la géolocalisation des téléspectateurs. Les passagers auraient par exemple accès aux programmes d’informations, jeux télévisés… de leur région.
Une autre option serait de mettre à profit les progrès en terme de reconnaissance vocale (déjà utilisés par de nombreux constructeurs avec leurs assistants vocaux) et reconnaissance faciale. C’est ce que propose la startup chinoise Byton, qui a dévoilé au CES de Las Vegas sa conception d’une voiture intelligente et intuitive avec un système de reconnaissance faciale permettant de reconnaitre le conducteur et d’adapter automatiquement l’habitacle du véhicule (hauteur du siège, température, personnalisation de l’écran de bord). Les constructeurs pourraient utiliser ces technologies pour identifier les passagers à l’intérieur du véhicule et adapter leurs suggestions de contenus.
Mais ces services demandent un travail important de mise à disposition des offres, sans compter la question de la distribution. Aujourd’hui, outre les contenus disponibles sur leurs propres sites et applications, les chaînes sont dépendantes des opérateurs télécom (Orange, SFR, Free…) et des acteurs de la TV par satellite (CanalSat). Demain, elles devront aussi peut-être nouer des accords de distribution avec les constructeurs automobiles, voire leurs sous-traitants (Valéo, Bosch, Plastic Omnium…), en posant de nouveau la question de la rémunération des sociétés d’auteurs et du partage des revenus. Pour le directeur de l’innovation technologique de France Télévisions, les voitures du futur obligeront tous ces acteurs à une forte interdépendance. Dans un tel écosystème, il sera d’autant plus difficile pour les médias et producteurs de divertissement de se faire une place au vu du rapport de force déséquilibré.
Lors du festival AutoMobility qui se tenait en novembre dernier à Los Angeles, Intel et Warner Bros ont annoncé leur projet de développement « d’expériences de divertissement immersives » dans les voitures autonomes : soit des films, des bandes annonces, mais aussi des publicités ciblées… En effet, ce nouveau « temps de cerveau disponible » permis par la voiture autonome constitue une aubaine pour les annonceurs qui réfléchissent déjà à de nouveaux moyens de toucher les consommateurs. Telenav, société californienne spécialisée dans les dispositifs technologiques automobiles, vient ainsi de créer une plateforme publicitaire “embarquée” pour les véhicules connectés, à destination des constructeurs. Afin de bénéficier de services connectés à moindre frais, les conducteurs accepteraient de regarder des pubs sur les écrans du tableau de bord de leur voiture. “Cette approche aiderait les constructeurs automobiles à monétiser la connectivité, et à compenser les coûts liés aux services connectés, tels que les données sans fil, le contenu, les logiciels et les services cloud”, indique H.P. Jin, CEO de Telenav.
L’association des nouvelles technologies aux véhicules autonomes et l’émergence de nouveaux partenariats entre médias et constructeurs automobiles nous laissent penser que la voiture du futur ne sera plus seulement un moyen de transport pour voyager d‘un point A vers un point B mais un nouveau canal média capable de proposer une expérience immersive et personnalisée.
Toutefois, malgré l’essor des solutions mises à disposition et la volonté des constructeurs de proposer de nouvelles formes de divertissement, le test ultime viendra des utilisateurs. En effet, selon un sondage OpinionWay mené en 2017, plus d’un Français sur deux se dit réfractaire à l’idée d’utiliser une voiture autonome. Il reste encore du chemin à parcourir pour rassurer les automobilistes sur les questions de sécurité et leur proposer de voyager dans un habitacle mélangeant réalité et fiction.
Sources
Renault prend 40% de challenge pour mettre des contenus dans la voiture autonome
Voitures autonomes : du temps de cerveau disponible pour les publicitaires
Ubisoft / Renault : une expérience de réalité virtuelle en Symbioz
L’automobile, un marché clé pour les assistants vocaux
La voiture, nouveau front dans la bataille des assistants vocaux