La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Interview croisée entre Alain Pasty, Directeur Général des Services, et Sonia Hasni, Directrice Générale Adjointe et Directrice de projet
Sia Partners appuie depuis 2015 la Ville de Saint-Ouen-sur-Seine dans l’élaboration de son projet d’administration. Décidée par William Delannoy, maire de Saint-Ouen-sur-Seine, cette démarche stratégique répond à l’impératif de modernisation de l’administration communale pour accompagner le développement dynamique du territoire, améliorer la qualité de service aux usagers et la qualité de vie au travail des agents.
Sur la base de diagnostics partagés et d’une large concertation réalisés avec les cadres et les agents, le projet d’administration comporte des chantiers de transformation structurants : refonte de l’organisation et de la gouvernance décisionnelle, professionnalisation du management, accompagnement RH, pilotage stratégique et opérationnel. Ces chantiers constituent la feuille de route de la Collectivité pour la 2e partie du mandat et ils se déclinent par services.
Cette mission mobilise les compétences croisées des équipes RH & Change qui apportent leur expérience de l’accompagnement managérial et humain des transformations, et Secteur Public pour la connaissance intime du fonctionnement des Collectivités territoriales.
À l’heure du bilan, retour sur les points clés du projet, au travers d’une interview croisée entre Alain Pasty, Directeur général des services, et Sonia Hasni, Directrice générale adjointe et Directrice de projet.
Alain Pasty : « En 2014, les Audoniens ont fait le choix de l’alternance politique. Nous avons installé une nouvelle Direction générale, puis expérimenté et généralisé la mise en place d’une nouvelle organisation qui traduise les priorités politiques de l’équipe municipale nouvellement élue.
Ainsi avions-nous besoin d’un appui externe alliant deux qualités décisives : d’une part, l’expérience de la gestion de projet dans toute sa complexité, particulièrement palpable dans notre environnement institutionnel ; d’autre part, la connaissance fine des collectivités territoriales car il était important d’associer étroitement à la démarche les élus et l’administration.
Au terme d’une procédure d’appel d’offres, le cabinet Sia Partners a été sélectionné. »
Il nous fallait un cabinet regroupant deux qualités décisives : l'expérience de la gestion de projet et la connaissance fine des collectivités territoriales.
Sonia Hasni : « Au départ, j’ai souhaité privilégier la gestion de la démarche par nos propres moyens. L’accompagnement par un cabinet externe est devenu évident lorsque nous avons fait collectivement le constat d’un déficit de compétences en interne pour mener à bien une démarche de cette ampleur, exigeant une méthodologie éprouvée de gestion de projet, qui prenne en compte les attentes des élus et des agents - car tout cela était nouveau pour eux et pour nous.
Dans ce contexte, j’ai eu besoin de m’appuyer sur un partenaire qui soit à l’écoute, qui fasse preuve de souplesse opérationnelle et qui n’applique pas des concepts préconçus.
Sia Partners a su très rapidement démontrer son pragmatisme, son approche humaine de la démarche et sa capacité à s’adapter à nos spécificités audoniennes, comme aux interlocuteurs rencontrés au cours des différentes étapes de la démarche. Cette valeur ajoutée s’est confirmée par la suite. »
Sia Partners a su s'adapter à la réalité de la situation audonienne et aux interlocuteurs rencontrés au cours des différentes étapes de la démarche.
Alain Pasty : « Je relève, tout d’abord, le soutien particulièrement appuyé du Maire tout au long de la démarche. Je retiens aussi les ateliers animés par Sia Partners avec l’équipe de Direction générale et les élus de la majorité municipale pour leur restituer régulièrement l’avancement du projet. Ces points de partage se sont avérés très efficaces puisque les élus sont aujourd’hui pleinement embarqués dans la démarche. »
Je relève, tout d'abord, le soutien particulièrement appuyé du Maire tout au long de la démarche.
Sonia Hasni : « Avant tout, j’en retiens l’implication forte des agents.
Ils ont pu s’exprimer, librement et sans filet, sur leur perception de la démarche lors de focus groups. Ils se sont saisis de cet espace d’échanges pour « purger » d’eux-mêmes des sujets difficiles et parfois douloureux hérités de la gestion précédente, tenant aux modes d’organisation, de fonctionnement et de management de notre administration. Cette « catharsis » a eu des effets très bénéfiques pour la suite du projet puisqu’elle a permis d’installer, par petites touches subtiles mais réelles, un climat de confiance.
J’ai aussi relevé, à cette occasion, que le lancement du projet d’administration rejoignait une attente forte des agents qui étaient prêts à un changement profond. Ils en avaient une vision assez précise, émaillée de propositions concrètes. Le projet d’administration a canalisé et matérialisé cette attente. »
Le lancement du projet d'administration rejoignait une attente forte des agents qui étaient prêts à un changement profond.
Alain Pasty : « Les apports sont multiples.
Avant le lancement du projet, les élus de la majorité municipale se défiaient de l’administration en place. L’équipe de Direction générale en place depuis 2014 a joué un rôle majeur dans le tissage progressif et patient d’une relation de co-construction qui reste encore à approfondir. N’oublions pas, en passant, que la majorité actuelle a été élue en opposition à l’équipe précédente. Il importe à présent d’accompagner l’évolution de cette majorité « de refus » vers une majorité de projet. Les élus et l’administration apprennent à construire ensemble des projets.
La démarche du projet d’administration, qui met en mouvement la Collectivité, contribue à cet objectif et à décrisper peu à peu la situation. Le projet d’administration donne à nos actions du sens, de la lisibilité et de la cohérence, ce qui est indispensable compte-tenu de l’envergure de la transformation en cours. Le Maire a également mis tout son poids dans la balance.
Dans ce contexte, l’apport de la démarche est aussi d’avoir démontré l’obsolescence des postures réfractaires vis-à-vis du changement, qu’elles soient individuelles ou collectives. Nous avons laissé à tous la possibilité de saisir les opportunités d’évolution et de visibilité offertes par le projet d’administration et par la nouvelle organisation. Certains n’ont pas adhéré au projet. C’est leur choix.
Enfin, la démarche a rendu l’administration municipale plus autonome et plus solide. Nous avions en effet une contrainte majeure dès notre arrivée : il nous fallait combler les nombreux postes vacants, attirer les ressources manquantes et assurer leur montée en compétences. Nous avons recruté et formé au fil de l’eau, tout en maintenant le cap de la démarche. »
A l'origine du projet, il subsistait une défiance des élus vis-à-vis de l'administration qui a disparu grâce à la démarche de co-construction.
Sonia Hasni : « Nous n’avions d’autre choix que d’engager cette démarche de transformation.
Rappelons-nous qu’en 2014, l’alternance a été traumatisante pour beaucoup d’agents. Elle mettait fin à un système de communisme municipal très ancré dans les pratiques politiques et administratives. Celui-ci se caractérisait par une gestion locale en quasi autarcie, jusqu’aux premières difficultés rencontrées par la Ville sur le plan fiscal au début des années 2010 qui l’ont notamment conduite à intégrer Plaine Commune[1].
Le projet d’administration était donc nécessaire. Son apport premier a été de nous conduire à surmonter cette situation de blocage due des relations défiantes entre l’administration et le politique. Notre administration est à présent repositionnée, plus forte et maîtresse d’elle-même, en mesure de mieux répondre aux commandes politiques.
J’ajouterais que la démarche a fait progresser le dialogue social. J’en veux pour preuve que la réorganisation est passée avec des avis positifs lors des instances dédiées (les comités techniques), et que la grande majorité des situations individuelles ont trouvé une réponse.
Enfin, la démarche donne un cap, elle apporte un horizon commun. Le projet embarque, même s’il est encore trop tôt pour affirmer qu’il fédère. Dans les faits, ce n’est pas complètement acquis. Certains élus sont moteurs, d’autres moins, qui demandent encore à voir. »
Notre administration est à présent repositionnée, plus forte et maîtresse d'elle-même, en mesure de mieux répondre aux commandes politiques.
Alain Pasty : « Il convient de normaliser notre nouvelle organisation - la démarche a parfois été ressentie comme un profond bouleversement - en lui offrant une souplesse de fonctionnement. Il s’agit aussi de consolider la gouvernance de notre Collectivité pour renforcer la cohésion. Il importe également de valoriser les personnes qui ont été porteuses du projet, et faire en sorte que chacun puisse, s’il le souhaite, apporter son aide à la mise en œuvre de la transformation. Tout cela, bien sûr, au service de nos usagers, qui sont la raison d’être de notre démarche. »
Il convient de normaliser notre nouvelle organisation - la démarche a pu être vécue ici ou là comme un "chamboule-tout" - en lui offrant une souplesse de fonctionnement.
Sonia Hasni : « Dans la foulée de la nouvelle organisation que nous allons mettre en œuvre au cours du premier semestre 2017, il va falloir avancer sur d’autres chantiers : la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance et la refonte de notre système décisionnel ; le renforcement de l’accompagnement RH des agents ; le développement des compétences de nos managers pour les aider à démultiplier la démarche au sein de notre Collectivité, et à être les garants du bien-être au travail ; enfin, la communication sur notre projet, dans une logique de branding, pour valoriser ceux qui ont été acteurs et porteurs du projet. »
Le développement des compétences de nos managers pour les aider à démultiplier la démarche au sein de notre Collectivité, et à être les garants du bien-être au travail.
Alain Pasty : « D’abord, il est essentiel d’être au clair, dès le départ, sur les moyens à consacrer à ce type de démarche. Sinon, le risque est grand de prendre des engagements que l’on ne peut tenir sur la durée. À notre arrivée en 2014, nous n’avions pas de ressources à consacrer immédiatement à un projet d’administration. De toute façon, ni les élus, ni l’administration n’y étaient prêts en début de mandat.
Il importe aussi de ne pas sous-évaluer la dimension communication du projet, qui est en réalité un levier très fort d’accompagnement au changement. »
D'abord, il est essentiel d'être au clair, dès le départ, sur les moyens à consacrer à ce type de démarche.
Sonia Hasni : « Avant toute chose, il est important, dès le début de la démarche, de partager une vision collective de son point d’aboutissement et de ses différentes étapes de réalisation. Dans mon rôle de directrice de projet, j’aurais apprécié d’être en mesure d’anticiper plus fréquemment le « coup d’après ». Même si la phase expérimentale a contribué à l’embarquement des élus et des agents, certains d’entre eux ont pu finir par se détacher de la démarche parce que nous n’étions pas en capacité de converger plus rapidement sur la vision du projet que nous voulions porter. Notre nouvelle organisation n’était pas encore très lisible et la démarche était en chantier permanent.
Ensuite, je vous l’accorde, il aurait fallu mettre davantage d’énergie sur la communication pour porter nos messages communs auprès des équipes.
Pour terminer, nous aurions dû sans doute démarrer le projet d’administration un an plus tôt (il a démarré au 4e trimestre 2015 NDLR). Cela aurait été plus efficace, mais en effet, la collectivité dans son ensemble n’était pas encore prête s’engager dans une telle démarche. »
Il est important d'avoir dès le début du projet une vision précise du point d'aboutissement et des différentes étapes de la démarche.
[1] Un des 10 pôles de développement stratégique du Grand Paris.
La ville de Saint-Ouen-sur-Seine : Points clés
La ville de Saint-Ouen-sur-Seine est aujourd’hui une commune en profonde mutation territoriale. Peu de villes franciliennes connaissent en effet un tel dynamisme :
De grands projets (Grand Paris, berges de Seine, aménagement de la Porte de Saint-Ouen-sur-Seine)
L’arrivée de 10 000 nouveaux habitants sur la ZAC des Docks
Le prolongement de la ligne 14
Deux projets de renouvellement urbain dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU)
L’installation du siège du Conseil régional d’Ile de France
L’implantation du Centre hospitalo-universitaire Grand Paris Nord...
Le visage de la commune va donc profondément changer au cours des prochaines années. Cette dynamique territoriale aura un impact direct sur l’administration municipale en raison d’exigences croissantes des Audoniens en termes d’offre de services. Pour accompagner ces évolutions sans les subir, le Maire de Saint-Ouen-sur-Seine a lancé un vaste chantier de modernisation de l’action publique locale à travers l’élaboration et la mise en œuvre du projet d’administration.
Administrateur territorial, il est Directeur général des services de Saint-Ouen-sur-Seine depuis 2014.
Auparavant, il était Directeur général des services de la ville d’Epinay-sur-Seine depuis 2001.
Ancienne élève de l’INET, elle est Directrice générale adjointe chargée des Ressources et de la Modernisation de l'Action Publique de Saint-Ouen-sur-Seine et Directrice de Projet pour le projet d’administration.
Précédemment, elle était DGA RH, Action sociale et Vie de la Cité de Saint-Ouen-sur-Seine (2014-2017), après avoir été Chef de cabinet du préfet délégué pour l'égalité des chances à la Préfecture de Seine-Saint-Denis (2008-2011).