La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Créée en 2011, l’application WeChat comptait, un an seulement après son lancement, 151 millions d’utilisateurs actifs.
Créée en 2011, l’application WeChat comptait, un an seulement après son lancement, 151 millions d’utilisateurs actifs. Depuis, sa forte croissance ne semble montrer aucun signe d’essoufflement. Au contraire, avec une intensification constante du nombre d’utilisateurs, plus d’un milliard en 2018, l’application porte de nombreuses opportunités, en termes de marketing, e-commerce mais également en termes d’innovations. Son modèle est-il destiné à s’étendre sur le plan international ? Est-il porteur d’innovations réplicables sur les marchés internationaux ou bien est-il contraint par ses spécificités ?
En 2011, WeChat fut conçue comme une simple messagerie par le groupe Tencent, géant des télécommunications sur le marché Chinois. C’est sa fonction de messagerie instantanée, et notamment la possibilité de laisser des mini messages vocaux qui fut particulièrement appréciée en Chine. Au-delà de cette fonctionnalité, l’application a su évoluer et se réinventer régulièrement pour transformer le quotidien des internautes chinois.
L’engouement pour WeChat en Chine résulte avant tout dans son caractère indispensable, du fait de de la variété considérable des usages qu’elle permet. Simple messagerie à sa création, l’application est devenue une application multi-usages, offrant une multitude de services pour gérer les tâches quotidiennes des chinois. Désormais, elle concentre via sa plateforme un réseau social privé, des services de paiement mobile, de géolocalisation, de transfert d’argent, de réservation, … Via WeChat, les internautes peuvent réserver un taxi et le payer via l’application WeChatPay ou encore effectuer, via cette même interface, le paiement de leurs impôts locaux. WeChat est également l’application qui a contribué à initier le virage du paiement mobile en Chine, aujourd’hui largement généralisé. L’application répond ainsi à tous les besoins de ses utilisateurs et devient incontournable.
Si WeChat a su convaincre et atteindre une telle ampleur, c’est également grâce à sa simplicité de fonctionnement, basé sur le principe de « mini-programmes ». Ces derniers permettent d’accéder aux diverses fonctionnalités de l’application et couvrent tous les cas d’usage : e-commerce, localisation, jeux, etc. Ils ne nécessitent aucun téléchargement, ne consomment que peu de mémoire et surtout se trouvent directement intégrés à l’écosystème WeChat. Ainsi, ce sont chaque jour 170 millions d’utilisateurs qui utilisent au moins un mini-programme, parmi les 580 000 disponibles en ligne.
Chaque jour, la moitié des internautes chinois passe plus d’une heure et demie sur la plateforme. Cette exposition représente de nombreuses opportunités marketing et e-commerce pour les marques présentes sur le réseau : d’une part grâce à l’immense potentiel de consommateurs qui peut être atteint en un temps record via l’application ; d’autre part, grâce aux tracking des données utilisateurs qui rend un ciblage publicitaire bien plus fin et précis. Ce dernier est d’autant plus performant du fait de l’étendue des données comportementales récoltées via la plateforme multiservices. La collecte, l’analyse et la mise à profit de ces données font du réseau un vivier de consommateurs au potentiel commercial considérable.
Cependant, WeChat a dès ses débuts initié une stratégie de publicité limitée pour ne pas saturer les utilisateurs et les décourager d’utiliser l’application. En faisant ce choix et en se concentrant sur les services proposés aux internautes, WeChat a cherché tout d’abord à renforcer sa croissance et à fidéliser ses utilisateurs. Les annonces publicitaires y sont possibles depuis 2015, mais on estime que leurs revenus représentent 18% du revenu total de l’application. En comparaison, pour le réseau social Facebook, les revenus publicitaires constituent 95% du chiffre d’affaires. Pour monétiser sa plateforme, WeChat s’est en contrepartie concentrée sur des services à plus forte valeur ajoutée via un modèle d’abonnement, par exemple pour accéder à des mini-jeux ou des contenus numériques payants.
Enfin, si le modèle de développement de WeChat mise sur une dépendance du consommateur en couvrant tous ses besoins grâce à sa plateforme, cela implique une démarche constante d’innovation et d’enrichissement des services. En ce sens, le réseau développe continuellement de nouvelles fonctionnalités, et se positionne comme pionnier face à ses concurrents.
Un des services majeurs lancés par WeChat fut le service de paiement mobile WeChatPay, lancé en 2014 et disposant désormais de 600 millions d’utilisateurs. En retrait, Facebook n’a pour sa part, lancé le paiement entre particuliers qu’en 2015 aux Etats-Unis, puis en 2017 en France et au Royaume-Uni.
Si l’application est également accessible à l’étranger, son développement à l’international est néanmoins restreint : 90% des utilisateurs de WeChat se situent en Chine. Une des raisons à cette concentration réside dans le contexte, particulièrement propice à son expansion en Chine, puisque l’absence de concurrent de poids dû à la censure avantage le réseau social. En effet, en Chine les géants Facebook, YouTube et Twitter furent tous trois bannis en 2009 : ces interdictions n’ont fait que renforcer l’émergence et la domination des réseaux sociaux locaux sur le territoire, tels que Weibo, Renren… et WeChat.
La forte censure exercée par le gouvernement Chinois sur WeChat constitue une barrière à son développement à l’international. Elle s’est traduite par la mise en place d’algorithmes utilisés afin de filtrer les publications : les mots-clés, expressions et contenus jugés nuisibles sont bannis de la plateforme. A cette censure s’est également ajoutée une règlementation conférant des pouvoirs élargis au régime : dans le cadre de la loi sur la cybersécurité, en vigueur depuis juin 2017, tout internaute ou entité publiant des contenus jugés nuisibles au régime peut être poursuivi par les autorités. L’accès des internautes à l’information et leur liberté d’expression sur la plateforme se voient donc fortement entravés.
La collecte permanente des données utilisateurs dans le cadre de l’utilisation de WeChat pose également des questions d’éthique et de respect de la vie privée. Alors qu’en Europe, les législations émergent et évoluent pour protéger les données des internautes et procurer un cadre réglementaire à leur utilisation, notamment avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), comment se positionnera WeChat ? Il est certain que même en proposant un panel étoffé de services avec des promesses de simplification du quotidien des internautes, ces derniers devront être rassurés sur l’utilisation de leurs données avant de se tourner vers WeChat.
L’avenir du modèle de WeChat résidera très certainement dans sa capacité à évoluer pour prendre en compte les standards et exigences sur les marchés internationaux, sans oublier sa capacité à continuer à innover pour proposer de la valeur ajoutée à ses services. Au-delà de remplir sa promesse initiale en offrant à ses utilisateurs un moyen de communiquer, de partager et de se divertir, WeChat pourra alors continuer à promouvoir de nouveaux usages, et ce au niveau international.
Sources :
Un an après le lancement, le bilan des mini apps de WeChat
WeChat : le réseau social multifonctions qui gère la vie des chinois débarque en France
WeChat : l'appli à tout faire des chinois
La Chine : nouvel eldorado français
WeChat, la Chine invente l'app à tout faire
L'application chinoise WeChat dépasse le milliard de comptes
WeChat : modèle de développement des réseaux sociaux
Pekin censure les réseaux sociaux