Aller au contenu principal

MREL et TLAC : Dernière ligne droite pour les dispositifs de résolution bancaire

Dans le cadre de la finalisation des mesures de résolutions bancaire, l’EBA a publié le 14 décembre son rapport final sur la mise en œuvre des exigences minimum de fonds propres et passifs éligibles (MREL[1]).

Dans ce document, l’EBA souhaite maintenir le MREL au pilier 2 et propose des solutions techniques visant à plus d’intégration avec les autres réglementations (TLAC[2], coussins de capital, MDA[3], etc.).

Résolution bancaire : Absorption des pertes et recapitalisation

Mesures phares de Bâle 4, le MREL et le TLAC sont des dispositifs d’absorption des pertes qui ont pour objectif de constituer un matelas de ressources utilisable en cas recapitalisation. Ces réglementations permettront de mieux gérer les établissements en situation financière difficile en ordonnant leur résolution sans mettre en péril la stabilité financière ni exposer les contribuables aux pertes. Alors que le TLAC s’appliquera aux banques d’importance systémiques (G-SIBs) considérées comme « Too big to fail » à l’international, le MREL s’appliquera lui aux banques européennes (environ 7 000) dans le cadre de la Directive sur résolution et le redressement (BRRD) sur la faillite bancaire.

TLAC/MREL : Absorption des pertes et recapitalisation lors d’une résolution bancaire

Le MREL a été transposé le 1er janvier 2016 et la Commission Européenne a depuis adopté les standards techniques permettant aux autorités de résolution de définir le niveau de MREL au cas par cas pour chaque établissement (pilier 2), ce nouveau matelas pourrait représenter d’ici à 2020, 23% des RWA selon les premières estimations.

Contrairement au MREL, le TLAC devra respecter le seuil de 16% des RWA et de 6%  de ratio de levier à partir du 1er janvier 2019 au titre du pilier 1, puis 18% RWA et 6,75% du ratio de levier au 1er janvier 2022. Par ailleurs, pour les  G-SIBs de l’Union Européenne,  la mise en conformité aux standards TLAC passera par une adaptation du régime du MREL afin que les établissements concernés ne soient soumis qu’à un seul standard de capacité d’absorption des pertes.

Un besoin en fonds propres et des passifs réglementaires pouvant dépasser 30% des RWA

Dernières recommandations pour le MREL

Dans ce contexte, l’EBA a formulé ses dernières recommandations dans son rapport final sur le MREL à destination de la commission et du parlement européen. L’EBA maintient les principes clés déjà partagés lors de la publication de son rapport intermédiaire du 19 juillet 2016, à savoir i)  que le ratio de MREL sera fixé pour chaque banque à un niveau permettant la mise en œuvre la stratégie de résolution ; l’absorption des pertes et la recapitalisation l'institution; et ii), que cet exercice d'étalonnage doit être conforme aux exigences prudentielles de capital applicables à l'institution avant et après la résolution adoptée.

Ce rapport identifie en outre un certain nombre de changements nécessaires en vue d'améliorer la solidité technique du cadre MREL et d'appliquer la norme TLAC du FSB en tant que composante intégrante de ce cadre. Les principales recommandations sont résumées ci-dessous :

Harmonisation avec le TLAC : Modifier la base de calcul du MREL pour qu’elle ne s’exprime plus en pourcentage des fonds propres et des passifs mais plutôt en pourcentage des RWAs positifs complété par un backstop qui sera fonction du ratio de levier. Cette approche a l’avantage d’être en phase avec les exigences du cadre CRR / CRD ainsi qu’avec les standards du FSB sur le TLAC.

Empêcher les instruments CET 1 de contribuer à la fois aux coussins de capital et au MREL. L’EBA considère que l’utilisation des coussins en capital serait mieux préservée si les coussins ne contribuaient qu’après constitution du MREL : les instruments dits CET 1 ne peuvent être utilisés pour constituer le MREL et les coussins en capital. Cette recommandation concerne notamment les banques qui ont un accès limité aux marchés de la dette et qui utilise majoritairement des instruments de capital pour répondre aux exigences du MREL.

Introduire la notion d’interaction entre le MREL et les seuils d’application du « Maximum Distribuable Amounts » (MDA). Au titre du MDA, le non-respect des coussins de fonds propre peut entrainer des restrictions sur la distribution des dividendes, le paiement de coupons et de bonus. LEBA propose l’introduction d’une suspension temporaire, à la discrétion du régulateur, dans le déclenchement des restrictions de distribution au titre du MDA lorsque la violation se rapporte à un défaut de roulement ou d'émission suffisante de dette MREL.  

Etendre et améliorer les pouvoirs des autorités de résolution actuellement définis pour adresser le non-respect des exigences relatives au MREL. L’EBA considère que les autorités de résolution doivent avoir un mandat plus clair et la responsabilité de traiter les problématiques de non-conformité au MREL. Cette recommandation passe par la mise en place de pouvoirs additionnels mais également de procédures accélérées ainsi qu’une forte collaboration avec les autorités compétentes au niveau national.

Surveiller la maturité des instruments éligibles au MREL. L’EBA considère que le suivi proactif du profil de maturité des instruments MREL devrait garantir le maintien des positions MREL des institutions si l'accès aux marchés était temporairement compromis. Cette surveillance s’exercera au travers de nouveaux reportings réglementaires.

Déduire du MREL les participations croisées. L'EBA recommande que les expositions aux instruments éligibles au MREL émis par tous les établissements de crédit soient déduites de MREL afin d’éviter une éventuel risque de contagion en cas de difficulté du secteur bancaire.

Calibrer le MREL en fonction, notamment, de la stratégie de résolution propre à l’établissement. Les business models ont un impact fort sur la stratégie de résolution à adopter, c’est pourquoi l’EBA souhaite maintenir le MREL au pilier 2 et le calibrer en fonction des paramètres de chaque établissement

Introduire de la subordination obligatoire pour les passifs éligibles au MREL. L’EBA considère que l’introduction d’un niveau de subordination des dettes éligibles au MREL permettrait d’améliorer la « résolvabilité » ainsi que la transparence auprès des investisseurs. Il est proposé une détention minimum de 14.5% des RWA de dettes subordonnées pour les établissements systémique globaux (G-SIB) et de 13.5% des RWA pour les autres établissements systémique (O-SSI).

Rationnaliser les exigences afin d’inclure des clauses de reconnaissance internationales dans les contrats de passifs « bail-inable ». L’EBA se positionne en faveur d’un assouplissement des règles de conformité concernant la reconnaissance d’une dette comme étant « bail-inable ».

La finalisation du MREL, une étape essentielle dans la mise en place d’outils de résolutions efficaces

Conçu pour éviter le renflouement des banques par les états (bail-out), le bail-in ne peut fonctionner que si les institutions en résolution ont une capacité d'absorption des pertes suffisante et qui peut être utilisée en temps requis.

Les nouvelles normes minimales, sous la forme de TLAC et de MREL, sont donc des exigences essentielles pour le bon fonctionnement de l'outil de bail-in et donc pour la crédibilité du régime de résolution. Dans le même temps, des critères clairs doivent être appliqués au TLAC et au MREL afin que la disponibilité de ces passifs soit assurée en cas de résolution.

Cette finalisation intervient dans un contexte économique particulier, notamment en Italie, où plusieurs établissements sont en difficulté. Monte dei Paschi qui suite aux résultats du SREP a montré un besoin de recapitalisation préventive n’a pas été résolue par bail-il mais par bail-out de l’état italien. La raison : une stratégie de résolution non finalisée avec une organisation des passifs bail-inable imparfaite pouvant mener déstabilisation des marchés financiers. Cet exemple montre bien les limites actuelles de la BRRD et prouve la nécessité de la finalisation rapide du MREL. 

 

 

Notes & Références:

[1] Minimum requirement for own funds and eligible liabilities

[2] Total loss-absorbing capacity

[3] Maximum Distribuable Amounts