La reconversion, parent pauvre des politiques d…
En 2015, suite à un rapport de l’Agence Américaine de l’Environnement, Volkswagen reconnait avoir commercialisé 11 Millions de véhicules Diesel équipés d’un logiciel déjouant les tests anti-pollution dont 600 000 aux Etats Unis et 8,5M en Europe.
Cette modification touche les moteurs 3 ou 4 cylindres, (appellation « Diesel propre »), cela concerne 32 modèles commercialisés sous les différentes marques du groupe. On dénombre pour Volkswagen 6,8 Millions de véhicules impactés, 2,1 Millions pour Audi, 1,2 Million pour Škoda et 0,8 pour Seat.
Volkswagen a versé dans le cadre du scandale du Diesel 25Mds$ répartis entre sanctions commerciales et indemnisation de ses clients. De plus les cadres dirigeants ont été fortement touchés : Martin Winterkorn ancien président du directoire de Volkswagen a démissionné et Oliver Schmidt, ancien directeur du bureau chargé du respect des règles environnementales de Volkswagen aux Etats unis a écopé d’une peine de 7 ans d’emprisonnement.
Bien que la grande majorité des véhicules trafiqués furent commercialisés en Union Européenne (UE), les consommateurs Européens n’ont pas bénéficié des sanctions prononcées aux Etats Unis. Le constructeur Allemand considère que ses voitures même modifiées sont conformes à la réglementation européenne.
Trois facteurs peuvent expliquer ce décalage dans les sanctions :
Une législation spécifique : La législation environnementale européenne est centrée sur les gaz à effet de serre. Aux Etats-Unis Volkswagen a été condamné car ses produits ne répondaient pas aux standards environnementaux d’émission de d’Oxide d’azote (Nox), un gaz nocif pour le système respiratoire. La réglementation de ces émissions est plus permissive au sein de l’UE. En effet, les Etats Unis imposent une limite d’émission de Nox de 40Mg/km contre 80Mg/km en Europe [1].
Des intérêts stratégiques puissants : l’UE possède un parc automobile fortement équipé en Diesel : 70% en France et en Espagne, 55% en Italie, 50% en Angleterre, 45% en Allemagne. Une grande partie du parc automobile de l’UE est déployé sur une technologie diesel, les constructeurs européens pour répondre à cette demande domestique ont développé un savoir-faire sur cette technologie. La protection de cette filière d’excellence est donc centrale en UE.
Des évolutions dans les habitudes de consommation : Le segment de marché des SUV augmente en UE, cela représente en 2017 : 31,9% des immatriculations neuves en UE (Hausse de 4,3% sur l’année) [2]. Ces véhicules plus lourds et moins ergonomiques que leurs homologues berlines consomment donc d’avantage. Les constructeurs tendent à spécialiser ce segment en diesel car cette technologie consomme moins que son homologue essence. Cela permet aujourd’hui aux automobilistes d’avoir des voitures très performantes pour des consommations de 5L/100KM. Le carburant diesel reste plus compétitif que l’essence en termes de prix, en France notamment, le diesel bénéficie d’une fiscalité avantageuse.
Néanmoins, cette impunité évolue au sein de l’Union Européenne. Volkswagen subit une pression croissante de la société civile.
Le groupe a su conserver son volume de ventes, en 2017, Volkswagen enregistre 10,7 Millions de véhicules commercialisés, un nouveau record [3]. L’action en bourse valorisée 168€ avant le scandale a plongée à 100€ puis s’est aujourd’hui stabilisée à 150€.
Privé du marché nord-américain, et fortement impacté par le ralentissement du marché automobile chinois. Volkswagen a utilisé cette crise pour repenser son offre de valeur. Le « pacte d’avenir » développé par le groupe, incluant la suppression de 30 000 postes mondialement, afin de générer 4 Mds€ d’économie annuelles doit servir à financer cette refonte stratégique.
3 Axes stratégiques ont donc été développés dans le plan « Transforma 2025+ » [4] :
- Une nouvelle culture d’entreprise : Volkswagen souhaite renforcer l’esprit entrepreneurial, favoriser une culture du dialogue plus transparente et un mode de management moins vertical pour faire émerger de nouvelles formes de travail.
- Spécialiser les marques de Volkswagen : Audi doit s’internationaliser, Porsche développe les véhicules connectés, et/ou autonome. Seat doit augmenter sa profitabilité. L’objectif étant de renforcer la domination du groupe sur chaque segment de marché à travers ses marques.
- Développer de nouvelles solutions de mobilités. L’objectif est de devenir leader sur le segment voitures électriques et autonomes en lançant 50 Modèles de voiture 100% Electriques et 30 modèles hybrides d’ici à 2025. De plus, Volkswagen veut avoir un modèle de voiture autonome prêt pour une production industrielle d’ici à 2021.
Volkswagen a su montrer son exemplarité dans la gestion de sa crise des moteurs truqués. Tout d’abord, en acceptant les sanctions et les torts qui lui étaient reprochés, en anticipant les sanctions des managers. Notamment, le groupe a su utiliser cette crise pour réorganiser son modèle de fonctionnement afin de proposer une sortie de crise en se fixant des objectifs ambitieux : réorganisation interne, investissement sur les voitures électriques, développement de nouvelles solutions de mobilités.
Le Groupe fait amende honorable, et cherche désormais à faire preuve d’exemplarité. Le cas Volkswagen doit être perçu comme une mise en garde par les autres constructeurs automobiles.
[1] Selon RÈGLEMENT (UE) 2016/646 de la commission du 20 avril 2016
[2] Press release JATO Novembre 2017
[3] Annual Report Volkswagen Group
[4] Xerfi : Group Report : Volkswagen Group