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Révision de la PPE : quelles leçons sont à retenir de la première période PPE et quelles pistes d’évolutions ont été présentées dans la nouvelle version ?

Les premiers éléments de la révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), ont été révélés par le président et le ministre de l’écologie le 27 novembre 2018.

La PPE, cette concrétisation législative de la politique énergétique énoncée par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, coordonne de nombreux sujets liés à la transition énergétique, et s’étend sur deux périodes successives de cinq ans.

La nouvelle version de la PPE aura pour objectif de corriger le cadre réglementaire, d’ajuster les politiques incitatives et d’inclure la société dans son ensemble dans la transition énergétique, afin de réaliser les engagements pris par la France lors de la COP21. La constitution de cette nouvelle version s’est organisée autour d’un débat public qui a été géré par la Commission nationale du débat public, et qui s’est achevé fin juin.

Un bilan mitigé de la première version de la PPE qui fixait des objectifs ambitieux d’installation d’énergies renouvelables

La première version de la PPE a fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’énergie. Afin de les remplir, une feuille de route définissant des échéanciers annuels de puissance à installer pour chaque type d’énergie renouvelable a été présentée dans la version de 2016.

Deux ans après, un premier bilan peut être dressé. La France est ainsi en passe de remplir ses objectifs en termes d’installation d’éolien terrestre, d’hydroélectricité, de méthanisation, de biogaz de déchets et de décharge, et de bois énergie. En revanche, les installations énergétiques qui doivent être établies en mer ou en front de mer accusent des retards considérables du fait de multiples recours juridiques, portant sur le respect des plans d’urbanismes, des normes environnementales ou de santé publique. De plus, les appels d’offre attribués entre 2012 et 2014 ne devraient pas voir le jour avant 2021. Le seul projet déjà opérationnel concerne des éoliennes flottantes (comptabilisé dans énergie marines dans le tableau) au large du Croisic, dont les premières phases de test n’ont débuté que fin 2017.  

Cependant, les annonces du gouvernement du 21 juin 2018[i] concernant ce secteur sont positives car elles indiquent une baisse des tarifs de rachat, passant de 200 €/MWh à 150 €/MWh, plus en phase avec le marché. Cette réduction entrainera 15Mds€ d’économies pour le gouvernement qui finançait jusque-là ce surplus de tarification comparé au prix de marché de l’électricité. Aussi, un nouvel appel d’offres devrait être annoncé fin 2018 portant sur 4 nouveaux parcs.

Des premiers objectifs révélés pour la nouvelle période qui se fondent sur les conclusions des groupes de travail dédiés aux énergies renouvelables

La première version de la nouvelle PPE donne quelques premières indications sur les objectifs que le gouvernement se fixe pour la période 2018-2023. Si la PPE s’articule autour de nombreux axes, les premiers éléments qui ont été rendus publics sur sa révision concernent majoritairement les rénovations de bâtiments, la mobilité et la production énergétique. A l’heure actuelle, des objectifs chiffrés très précis ont été énoncés sur la rénovation énergétique et la mobilité dans un contexte social mouvementé. Les moyens pour mettre en œuvre ces objectifs restent encore à définir, même si l’extension du chèque énergie et la prime à la conversion sont de premiers éléments tangibles. Une concertation nationale de trois mois devrait débuter en début 2019 et devrait traiter en outre des méthodes d’accompagnement à la transition énergétique pour les ménages[ii].

Pour remplir les objectifs d’installations d’énergie renouvelable fixés dans la première version de la PPE et dans la nouvelle version de 2018 (qui indique un doublement des capacités de production renouvelable à horizon 2028[iii]), trois groupes de travail sur les filières éolienne, méthanisation et solaire ont été créés. Ils rassemblent toutes les parties prenantes de ces sujets (parlementaires, professionnels du secteur, associations, établissements bancaires et financiers, administrations, collectivités et établissement public, ...) à l’initiative du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. En parallèle aux propositions de ces groupes de travail, le budget alloué au financement des énergies renouvelables devrait passer de 6,4 milliards d’euros à 7,3 milliards[iv] (soit une augmentation d’environ 14%). Mais la question du financement de ces 7,3 milliards reste entière suite à l’annulation de la hausse des taxes sur les carburants.

D’un groupe de travail à l’autre, des pistes d’amélioration ont été proposées, portant majoritairement sur l’assouplissement et la simplification de la réglementation. Ainsi le groupe de travail éolien a produit 10 pistes afin de réduire le temps de développement des parcs éolien, qui sont compris entre 7 et 9 ans en France comparé à 3 ou 4 ans en Allemagne[v]. Ce groupe de travail était accompagné du premier appel d’offres concurrentiel pour l’éolien terrestre, avec des tarifs de rachat d’électricité en baisse (voir notre article sur le sujet).

L’autre groupe de travail sur la méthanisation a proposé 15 pistes[vi], articulées autour de 3 lignes directrices : donner aux agriculteurs les moyens de compléter leurs revenus grâce à la revente de gaz, de carburant ou d’électricité produits à partir des effluents agricoles, professionnaliser la filière méthanisation en standardisant par exemple les procédures administratives entre les régions, accélérer les projets de méthanisation en réduisant les délais administratifs des demandes d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE). Ces améliorations et simplification ont pour but de faire baisser les coûts et développer la filière française pour permettre à la France d’atteindre son objectif d’injecter dans le réseau gazier 8 TWh en 2023[vii].

Les annonces concernant le solaire sont du même ordre, et comme pour les autres filières renouvelables, l’Etat souhaite s’appuyer sur le secteur privé afin de développer l’autoconsommation et ainsi permettre l’émergence d’une filière compétitive n’ayant plus besoin de subventions. L’armée, la SNCF et des chaînes de supermarchés ont fait des annonces concernant la mobilisation de foncier leur appartenant pour créer des projets photovoltaïques. Le gouvernement a également profité de la réunion de ce groupe de travail afin d’annoncer les résultats des derniers appels d’offres éoliens portant sur 210 MW (voir notre article sur le sujet).

Les énergies renouvelables solaires et éoliennes, ont des business modèles plus matures que les autres filières visées par les objectifs de la PPE, ce qui devrait permettre de diminuer les tarifs d’achats et de réattribuer certains fonds à d’autres filières moins avancées. Cependant le gouvernement a annoncé vouloir continuer à privilégier les filières les plus matures et encourage les autres filières à se rapprocher des prix du marché (notamment la filière méthanisation).

Un retard de la France face à ses objectifs de consommation finale d’énergie, dû majoritairement aux transports et aux bâtiments, et peu adressé par la nouvelle version

Si en termes de production d’énergie renouvelable la France se rapproche de ses objectifs, elle est en retard par rapport à ses objectifs connexes de part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui devraient atteindre -40% en 2030. Cela est dû en partie à l’utilisation presque exclusive du pétrole dans le secteur des transports et l’utilisation encore important du fioul pour chauffer les bâtiments : 10 millions de Français et environ 4 millions de chaudière au fioul[viii].

 

De plus, au-delà de la production d’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique, la PPE comprend également des volets sur le développement des réseaux énergétiques et la sécurité d’approvisionnement énergétique. Les mesures permettant de remplir ces autres objectifs sont, pour l’instant, abordées dans d’autres plans qui rentrent dans son périmètre (plan rénovation de bâtiments, plan hydrogène, paquet solidarité climatique, plan vélo…) ou par les cahiers d’acteurs publiés sur le site du débat de public. Mais les annonces du gouvernement concernant ces autres enjeux sont plus discrètes et bénéficient d’enveloppes inférieures.

Pour remédier à cela certains acteurs des secteurs moins mis en avant[ix] ont publié eux-mêmes leur proposition pour le gouvernement, comme les acteurs du réseau. Cette concertation a abouti à 3 axes : anticiper le développement des réseaux, réduire au maximum les délais de raccordement et optimiser les coûts de raccordement. La majorité des propositions concerne la simplification réglementaire afin d’avoir plus de visibilité et pour diminuer les risques de recours (liés à l’urbanisme notamment pour les secteurs éolien et méthanisation déposés par des riverains). La question de flexibilité du réseau est primordiale car elle concerne toutes les filières renouvelables et est au centre de cette transition énergétique.

 

Si l'on peut noter qu’un élan a été donné à la transition énergétique, on s’aperçoit que la France risque d’être en retard sur ses objectifs intermédiaires de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie d’origine renouvelable[x]. Pour remédier à cela, la majorité des annonces des groupes de travail concernent la levée de freins réglementaires afin d’accélérer les procédures et diminuer les coûts. En complément, des mesures sont également lancées pour soutenir les ménages les plus modestes et de nouvelles filières de mobilité afin d’accélérer notamment la rénovation énergétique.

Les mesures visant à rassurer les investisseurs ont permis de déléguer les développements des énergies renouvelables au secteur privé, comme le montrent les engagements fermes pris par les PDG d’EDF, Total, la SNCF et Engie en faveur du solaire [xi], mais la question du financement des actions publiques reste entière. Les énergies renouvelables se placent de plus en plus dans le cadre des règles du marché et sont de plus en plus compétitives face aux énergies fossiles, ce qui permet de trouver des relais de financement à l’action publique et d’accélérer leur développement. L’état pourrait donc se concentrer sur les filières moins matures d’efficacité énergétique et de mobilité propre (uniquement 8,9% d’utilisation d’énergies renouvelables dans ce secteur) où les efforts à faire sont encore importants.