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Un rail plus vert et plus économique grâce au volant d'inertie

Après la RATP, la SNCF annonce aussi une nouvelle hausse de ses tarifs en février 2011, a cause notamment des investissements dans le réseau et les rames. Pourtant, il existe des leviers technologiques pour faire des économies, comme le volant d'inertie qui peut baisser le prix du billet de 15%

Le rail est un des modes majeurs pour le transport de personnes et de marchandises, et un des plus économiques en matière d'énergie. Le transport d'un passager par train coûte en moyenne environ 10 fois moins d'énergie que par bus et 20 fois moins que par voiture. Toutefois, cette consommation peut encore être réduite. En particulier, le métro dépense beaucoup d'énergie en faisant des arrêts et départs en permanence. Environ 23% de la consommation moyenne en énergie d'un voyage en rail est perdue en freinage, alors que 14% de cette énergie pourrait être récupérée pour la propulsion. Le système de volant d'inertie, ou en anglais « flywheel » est un des moyens de récupération.

Des spécifications techniques prometteuses

Un volant d'inertie est un système permettant le stockage de l'énergie sous forme cinétique dans une roue de masse importante en rotation. Il n'y a besoin d'aucune infrastructure supplémentaire, l'intégration à l'arbre moteur est simple et le « rechargement » se fait à bord. La quantité d'énergie stockée est proportionnelle à la masse du rotor, au carré de sa vitesse de rotation et au carré de son rayon. Les systèmes à haute vitesse sont donc souvent utilisés pour éviter d'avoir un encombrement ou un poids trop importants. La vitesse de rotation est néanmoins limitée par la résistance à l'étirement des matériaux. Les volants les plus modernes sont en fibre de carbone, un matériau plus souple que l'acier, et tournent en lévitation magnétique, sous vide, entre 20 000 et 50 000 tours par minute. Il est nécessaire par sécurité d'encapsuler le rotor dans un boitier très résistant, ce qui représente souvent un poids encore plus important que le rotor lui-même, mais en fait un système robuste. La vitesse maximale de rotation est atteinte après quelques dizaines de secondes seulement, ce qui en fait un mode de stockage parmi les plus rapides au niveau du chargement.

Volant d'inertie (source:Flybrid)

La décharge d'énergie se fait également sur des échelles de temps très courtes (typiquement de l'ordre de la seconde). L'utilisation de volants d'inertie permet donc d'obtenir de forts et courts apports de puissance. C'est d'ailleurs une technologie issue de la Formule 1, nommée KERS pour « Kinetic Energy Recovery System » où 4 disques de 20cm de diamètre et de 5kg chacun permettent d'apporter un surplus de puissance au démarrage. Pour éviter que l'inertie du volant ne dévie le véhicule, on utilise communément les volants d'inertie par 2 ou nombre pair, qui tournent en sens opposé.

Une autre qualité du volant d'inertie est son espérance de vie : elle est estimée à 15-20 ans, les dégradations majeures prenant place dans la pompe à vide ou les roulements. Ces derniers n'existent pas si le volant est en suspension magnétique. De plus, la maintenance est très peu chère comparée à celle d'une batterie.
Ce mode de stockage est cependant réservé au stockage de court terme, car les pertes internes sont à hauteur d'environ 35% par heure à cause des frottements. L'encapsulation sous vide avec suspension magnétique peut toutefois augmenter l'efficacité jusqu'à 97% mais représente un coût important.

Ainsi, selon les simulations du FRRC[3], pour un train régional diesel de 3 wagons équipé d'un volant d'inertie bien dimensionné, la récupération d'énergie au freinage permettrait entre 15% et 35% d'économies d'énergie.

Une solution économique sur la totalité du cycle de vie

Il est nécessaire de comparer les volants avec les autres moyens de stockage d'énergie existants :
 

La capacité de stockage des volants composites est comparable à celle des batteries actuelles (la densité d'énergie en Wh/kg représente la quantité d'énergie stockable pour un poids donné), mais leur capacité de décharge est supérieure (car la densité de puissance en W/kg représente le débit d'énergie). En continuant à s'étaler vers les grandes densités d'énergie, les nouveaux volants se rapprochent du mode de stockage idéal.

Ils ont d'autres avantages par rapport aux batteries : ils ne contiennent pas de composants chimiques, et la température n'a pas d'impact sur leur performance. La durée de vie est également un facteur essentiel : une batterie Li-Ion accepte environ 1 000 cycles de charge-décharge. Un volant d'inertie composite peut en accepter plus de 100 000, et cette durée de vie pourrait être doublée dans l'avenir.

La FEMP[4] estime le prix à l'achat d'un volant d'inertie à 100-300$/kW, contre 60-200$/kW pour une batterie à charges-décharges rapides comparable. En revanche, une telle batterie doit être remplacée au bout de quelques années car elle perd sa capacité de charge, et les coûts de maintenance du volant d'inertie sont bien moindres. Par conséquent, le volant d'inertie est une solution compétitive par rapport aux batteries si on regarde le coût sur la totalité du cycle de vie.

Des économies substantielles en vue pour la RATP

Chaque Métro parisien dispose de 5 à 15 MW de moteurs électriques. La quantité d'énergie consommée uniquement par la traction des Métros, RER et Trams de la RATP est aujourd'hui d'1 TWh (un milliard de kWh) par an, soit la consommation annuelle d'une ville de 250 000 habitants (comme Clermont-Ferrand).

Si l'intégration de volants d'inertie dans les rames permettait effectivement 35% d'économies d'énergie, la consommation annuelle d'une ville de 87 000 habitants comme Versailles pourrait être économisée. A 0,05€/kWh, cette économie représente 18 millions d'euros par an. La vente de tickets rapportant entre 250 et 300 millions d'euros par an à la RATP, il serait ainsi théoriquement possible de baisser de 15% en moyenne le prix du ticket, si cette économie n'était répercutée que sur ceux-ci.

Ceci sans compter qu'il serait ainsi possible de réduire la taille des moteurs ou même d'en supprimer certains, puisqu'ils sont répartis le long de chaque rame (6 à 12). L'économie importante de CO2 pourrait également être récompensée : ces 350 GWhélec entrainaient l'émission de 18 kilotonnes de CO2 avec le mix actuel, ce qui représente 270k€ en plus pour la RATP au prix du marché (15€/t).
En termes d'investissement, la dépense serait alors pour tout le réseau[5], coûts d'utilisation et maintenance compris, à hauteur d'environ 10 fois l'économie annuelle estimée ci-dessus. Toutefois, l'espérance de vie des volants est largement supérieure à 10 ans.

Le volant d'inertie, moyen de stockage simple et robuste, manque encore de maturité. Toutefois, si son prix continue à baisser, il pourrait devenir dans moins de 5 ans une solution économique pour la récupération d'énergie au freinage. Cette innovation pourrait faire du rail un moyen de transport encore plus efficace et écologique.


Notes :
1 - http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/26/la-ratp-devrait-augmen...
2 - http://www.streetpress.com/sujet/809-ratp-sncf-hausse-des-prix-de-2-5-a-...
3 - http://www.france-info.com/economie-entreprises-secteurs-2011-01-26-sncf...
4 - Future Railway Research Centre, centre de recherche britannique pour l'avenir du rail
5 - Federal Energy Management Program, programme de gestion de l'énergie du gouvernement américain
6 - Estimation faite avec un parc de 500 rames de Métros, 500 rames de RER et 100 rames de Tram

Sources :
- Energy for railways, Roderick A. Smith, Future Railway Research Centre, 2009
- Sustainable Energy Without The Hot Air, David J.C. MacKay, UIT, Cambridge 2009
- Vehicle Propulsion : Hybrid Power Trains, Dr M.U. Lampérth, Imperial College, London 2010
- Flywheel Energy Storage, Federal Energy Management Program, US Department of Energy, 2003
- ULEV-TAP2 Website, www.ulev-tap.org, 2005
- Comptes semestriels, RATP, 2010