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Risque de taux d’intérêt dans le banking book : enjeux et évolutions pour le secteur bancaire

Après avoir œuvré ces dernières années à la réglementation du risque de liquidité, les autorités bancaires se focalisent dorénavant sur le risque de taux dans le portefeuille bancaire (IRRBB[1]).

Après les guidelines de l’EBA de mai 2015, en vigueur depuis le 1er janvier dernier, le Comité de Bâle a publié en avril sa nouvelle norme relative à l’IRRBB, faisant suite à la consultation et au QIS[2] de l’an dernier. Ces derniers visaient notamment à étudier la prise en compte du risque de taux en pilier 1, au même titre que les risques de crédit ou de marché par exemple, sur la base de modèles standards. Les retours des établissements financiers et la mise en exergue de la nature jugée trop hétérogène de leurs modèles internes ont plaidé pour une conservation en pilier 2. La réglementation du Comité de Bâle, dont l’entrée en vigueur est prévue pour début 2018, continue de s’inscrire dans ce pilier mais comporte des évolutions significatives.

Rappel des typologies de risque induites par le terme IRRBB

Le risque de taux d’intérêt dans le portefeuille bancaire se décompose en 3 sous-types de risques, définis par le Comité de Bâle :

  • Le risque de gap, pour lequel on distingue le risque de repricing et le risque de translation de la courbe des taux ;
  • Le risque de base, matérialisant la corrélation imparfaite des taux variables (ex : indexation différente…) ;
  • Le risque d’option, adressant à la fois les options implicites liées au comportement du client et les options explicites automatiquement exerçables en fonction de l’environnement de taux.

Panorama des principales évolutions

Par rapport aux principes édictés par le Comité de Bâle dans son précédent texte datant de 2004, les grands axes d’évolution sont synthétisés ci-après :

  • Afin de renforcer l’homogénéité et la transparence, les établissements devront communiquer leurs métriques d’exposition aux risques de taux, à travers un calcul normalisé de la sensibilité de la valeur économique des fonds propres et de la marge nette d’intérêt de la banque, sur la base de scénarios communs de choc. Ces éléments seront notamment accompagnés d’informations qualitatives sur les modèles internes utilisés ainsi que sur les durées de vie moyenne et maximale des dépôts non échéancés.
  • Le Comité de Bâle définit un cadre standard pour mesurer le risque de taux d’intérêt, plus souple que celui envisagé lors de sa consultation en 2015, notamment en ce qui concerne les caps de durée applicables aux dépôts à vue. A terme, les superviseurs pourront imposer l’usage de ce cadre, notamment dans la configuration où ceux-ci jugent le système de mesure d’un établissement insuffisant. Un aperçu de ce nouveau cadre standardisé est détaillé ci-après ;
  • Désormais, les banques dont l’exposition au risque de taux d’intérêt dépasse 15% des fonds propres Tier-1 sont repérées comme « outlier » (ce seuil était fixé depuis 2004 à 20 % du total des fonds propres Tier-1 et Tier-2). Les superviseurs auront également la liberté d’imposer des outlier tests supplémentaires. Notons que l’exposition au risque de taux d’intérêt est mesurée par la variation maximale de la valeur économique des fonds propres dans les scénarios de choc de taux d’intérêt retenus ;
  • Le risque de spread de crédit (CSRBB[3]) doit également être pris en compte dans la gestion et le suivi de l’IRRBB, même si aucune méthodologie n’est pour l’instant précisée ;
  • Il est précisé que l’encadrement de ces risques est supervisé par des instances de gouvernance dont le rôle est de déterminer le seuil de tolérance aux risques, afin de pouvoir, in fine, contrôler l’appétit aux risques des banques.

Nous évoquions ci-dessus le cadre réglementaire dans la norme, articulé autour de deux métriques clés :

  • Une méthodologie de projection de l’ensemble des cashflows notionnels réévalués par sensibilité de taux d’intérêt, par devise et par catégorie bilancielle ;
  • Un processus de décomposition des instruments du Banking Book selon le degré de sensibilité à la normalisation.

Enjeux réglementaires : quelles sont les évolutions envisagées ?

Au niveau européen, on ne sait à ce stade si une retranscription est d’ores et déjà prévue. En imaginant que cela se concrétise, le délai fixé pour la date d’arrêté du 31/12/2017 pourrait être revu, s’il est jugé trop court. De plus, le cadre réglementaire de l’IRRBB n’est pas encore défini dans sa version finale : par exemple, depuis la publication de la norme en avril, le comité de Bâle est déjà revenu sur sa décision puisqu’il renonce à une standardisation complète, en abandonnant l’introduction d’une charge en capital au titre du pilier 1. Les banques possèdent encore une certaine marge de manœuvre, concernant leur méthodologie de pilotage de l’IRRBB, même si elle reste minime dans le sens ou les superviseurs nationaux auront toujours la possibilité d’imposer leur propre dispositif si nécessaire.

On peut dès lors se demander quelle utilisation sera faite du cadre standardisé à l’avenir. En effet, même si pour l’instant rien ne présuppose l’obligation de l’appliquer, les banques pourraient s’y contraindre (sous pression éventuelle des agences de notation par exemple).

 

Notes & Références :

[1] Interest Rate Risk in the Banking Book

[2] Quantitative Impact Study

[3] Credit Spread Risk in the Banking Book

 

Pour aller plus loin:

Trading Book vs. Banking Book : la nouvelle réglementation