La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Très souvent controversée, de nombreux experts s’expriment très souvent de manière très critique pour souligner le caractère très énergivore du Bitcoin. Qu’en est-il vraiment ?
Le marché des crypto-monnaies, ou crypto-actif, s’est énormément développé ces dernières années : on compte aujourd’hui plus de deux mille crypto-monnaies pour une capitalisation totale avoisinant les 200b (septembre 2018).
Le Bitcoin représente à lui seul plus de 50% de la capitalisation globale des crypto-monnaies. Depuis sa création en 2008 par Satoshi Nakamoto, sa valeur n’a cessé d’augmenter, frôlant les 20 000 USD en décembre 2017 pour dégringoler en l’espace de quelques mois autour 6 000 USD ces dernières semaines. La volatilité de la valeur du Bitcoin fait au moins autant parler d’elle que sa consommation énergétique. Très souvent controversée, de nombreux experts s’expriment très souvent de manière très critique pour souligner le caractère très énergivore du Bitcoin. Qu’en est-il vraiment ?
Le Bitcoin est une blockchain dont la taille augmente avec le nombre de transactions réalisées : l’historique de toutes les transactions doit en effet être à tout moment disponible et immuable dans le temps. Les transactions sont validées selon un processus nommé « minage » qui consiste à enregistrer un nouveau bloc de transactions, pour qu’il devienne le nouveau « dernier bloc de référence ». En pratique, les mineurs[i] utilisent un logiciel pour résoudre un problème mathématique : le premier mineur qui résout le problème remporte la création du nouveau « dernier bloc de référence », l’ajoute à la chaine de blocs existante et « empoche » une récompense.
Le processus du minage, aussi appelé Proof Of Work[ii], nécessite une consommation d’énergie importante puisqu’il s’agit d’une course à celui qui calculera le plus vite. En pratique, un bloc est validé toutes les 10 minutes. Plus il y a de monde qui tente de valider des transactions, plus celles-ci sont difficiles à valider, et plus l’énergie consommée est grande. Si on prend en plus en compte la localisation géographique des mineurs, qui sont entre 60% et 80% dans des pays aux mix énergétiques très carbonés, on entrevoit aisément qu’en plus d’être énergivore, le Bitcoin présente une très mauvaise empreinte carbone.
Une chose est sûre : il est difficile de trouver des chiffres et qui plus est, des chiffres qui concordent. Certains acteurs comme Selectra ou d’autres spécialisés dans les cryptomonnaies tel que Digiconomist ont conduit des études sans aboutir à des ordres de grandeurs qui convergent. Cela témoigne d’un certain manque de maturité du secteur mais surtout de la difficulté de procéder à des évaluations précises : il n’existe pas de traçabilité du registre des mineurs donc pas de dénombrement précis, de la typologie de leur équipement, de leur emplacement géographique…ce qui rend très délicat d’évaluer la consommation énergétique liée au minage. Pour autant, s’il fallait retenir quelques chiffres : la consommation énergétique totale du Bitcoin seul se situerait entre 13 TWh et 28 TWh au titre de l’année 2017, soit la consommation annuelle moyenne de plus d’un million de foyers français composés de 4 à 5 personnes. Selon certains experts, cette consommation aurait aujourd’hui plus que doublé.
Une des démarches les plus répandues pour analyser la viabilité de la consommation énergétique du Bitcoin consiste à comparer le coût énergétique des transactions Bitcoin à celui des transactions bancaires Visa. Plusieurs études comparatives ont été réalisées se basant sur des hypothèses et extrapolations souvent sommaires. Pour le Bitcoin, la consommation énergétique par transaction s’échelonne entre 100 kWh - pour les analyses les plus conservatrices comme celle Selectra - jusqu’à 634 kWh par transaction pour le site spécialisé Digiconomist. Dans tous les cas, cela reste au moins 100 000 fois au-dessus de la consommation énergétique d’une transaction Visa qui, elle, est autour de 169 kWh pour 100 000 transactions. Cette comparaison doit néanmoins être faite avec beaucoup de précautions. L’énergie considérée n’intègre d’une part pas l’ensemble des coûts énergétiques du système Visa (automates, serveurs…). D’autre part, les volumes de transaction n’ont rien à voir : on dénombre 141 milliards de transactions Visa par an en 2017 en comparaison à environ 180 millions de transactions pour Bitcoin. Bref, difficile à ce stade de tenir des comparaisons viables entre Bitcoin et Visa.
Il est intéressant de noter qu’il existe des alternatives au Proof Of Work et son système de minage qui sont beaucoup moins consommatrices d’électricité. Le Proof Of Stake (PoS ou preuve d’enjeu) en est le meilleur exemple : cette fois ce sont les acteurs avec le plus de jetons qui sont tenus de valider les transactions, avec pour effet la réduction de la valeur de leurs jetons si les transactions sont validées de manière frauduleuse. Plusieurs firmes de minage « vertes » ont également vu le jour, s’implantant dans des pays ayant des mix énergétiques moins carbonés, où l’énergie est « bon marché » et où ils peuvent profiter d’un coût de refroidissement moindre pour les serveurs grâce au climat : l’Islande est un de ces pays qui attirent de plus en plus de fermes de minage hydrauliques notamment.
Si la consommation énergétique du Bitcoin reste un sujet central, au même titre que la consommation énergétique du système bancaire actuel, le Bitcoin n’en reste pas moins un système qui présente des avantages certains : aspect décentralisé des transactions, niveau très élevé de confiance... Le Bitcoin est de moins en moins considéré comme une monnaie virtuelle mais plus comme un actif numérique ayant les mêmes propriétés que l’or (quantité limitée et minage). Ne devrions-nous par conséquent plutôt comparer la consommation énergétique du Bitcoin avec celle de l’extraction d’or ? A méditer…
Sébastien Charreire, Associate Partner Energy & Utilities
[i]Les opérateurs, particuliers ou entreprises, qui utilisent la puissance de calcul (de processeurs, d'ordinateurs ou de cartes graphiques utilisées pour les jeux vidéo) pour valider une transaction sont appelés "mineurs". (Source : Journal du Net)
[ii] Dans le domaine des crypto-monnaies, cette méthode de validation par preuve de travail est utilisée pour ajouter un bloc supplémentaire à la chaîne de blocs, chaque mineur du réseau doit réaliser des calculs coûteux en temps et en énergie afin de chiffrer l’ensemble des transactions d’un bloc ainsi que les transactions chiffrées de la chaîne de bloc précédente. Lorsque la solution est validée, elle est diffusée à l’ensemble du réseau. Le mineur ayant trouvé la solution est récompensé en monnaie nouvelle selon les modalités définies par le protocole de la crypto-monnaie. La falsification d’une preuve de travail est difficile voire impossible. (Source : Cryptocast)