Benchmark des Plateformes de Gestion de la…
En ce début d’année 2017, le Budget 2017 est en général bouclé et la réalité commence à s’écarter du budgété.
Cette année encore, cet exercice, consommateur de ressources - processus le plus destructeur de valeur de l’entreprise - selon Jack Welch, ancien président de General Electric, a généré frustration, négociations, prises de décisions sur un coin de table, etc…
Alors, faut-il supprimer le budget ? La Gestion « Au-Delà du Budget » (ou Beyond Budgeting) propose non seulement de s’affranchir de l’exercice budgétaire, mais également de transformer le modèle de management traditionnel dit « Command & Control », dont le Budget est l’un des processus-cœur, pour un modèle fondé sur des principes comme le partage des valeurs de l’entreprise, l’autonomie, la transparence…
Afin de vous aider à y voir plus clair sur le Beyond Budgeting et savoir si ce modèle est adapté à votre entreprise, nous reviendrons dans un premier temps sur ses principes, ses outils, avant d’en peser ses avantages et limites.
Théorisé par Hope et Fraser[1], le concept de Beyond Budgeting a d’abord été construit par opposition au modèle de management dit « Command & Control », fondé sur une vision autoritaire et top down de l’entreprise, afin de construire un modèle de management plus responsabilisant et agile. La gestion « Au-Delà du Budget » propose ainsi de repenser nos organisations et leurs structures en s’affranchissant d’une bureaucratie et de systèmes de contrôles tels que le Budget souvent vécus comme étouffants. Pour cela, 12 principes « fondateurs » au Beyond Budgeting ont été développés par le Beyond Budgeting Institute[2], et son président Bjarte Bogsnes, « pape » du BB et Vice President Performance Management Development chez Statoil. Ces principes, répartis en 2 catégories, principes de Leadership et principes de Management, constituent le socle de la philosophie du management Beyond Budgeting.
Principes du Beyond Budgeting
Ces principes ont notamment pour but de créer une dynamique d’amélioration permanente, sans se donner de limites a priori, et en donnant aux acteurs de l’entreprise une structure favorisant et valorisant leurs initiatives au service des objectifs collectifs.
Afin de créer la structure et le modèle de pilotage adaptés au Beyond Budgeting, un programme de transformation a souvent été constitué dans les cas d’implémentations que nous avons pu identifier. Ce programme avait généralement pour objectif de mettre en place de nouveaux outils de pilotage de la performance, mais également d’accompagner le changement radical des mentalités que nécessite le Beyond Budgeting.
Concernant les outils du pilotage de la performance, le constat est simple: un même processus, la réalisation du Budget, sert 3 objectifs :
Cette confusion des objectifs portés par les Budgets amène à une situation peu optimale, où les prévisions sont politiques (et donc biaisées), où l’allocation de capital entre les Business Units n’est faite qu’une fois dans l’année (imaginez une banque qui n’ouvrirait qu’au mois de septembre/octobre pour prêter à ses clients), et où les attentes pour l’année suivante sont définies 4 à 5 mois en amont, et sont caduques à la première demande de dépenses n’ayant pas été intégrée au Budget.
Pour y remédier, il s’agit de séparer ces objectifs en implémentant pour chacun d’eux le ou les outils ainsi que les règles de fonctionnement appropriées, tel qu’illustré ci-dessous :
Concernant la cible à atteindre, et tel que décrit dans le principe de management « Objectifs », il s’agit de fixer des objectifs directionnels, ambitieux et relatifs. Pour cela, un Balanced Scorecard, intégrant des données financières et opérationnelles, internes et externes (concurrence, marchés), est généralement mis en œuvre, afin de comparer les performances des managers avec celles de leur environnement et ainsi récompenser la sur-performance (principe de Récompenses). Des KPIs macro sont fixés : génération de trésorerie, retours sur investissement, ratio coût/revenue, …
Concernant le processus de prévisions, des prévisions glissantes (Rolling Forecast) sont implémentées, afin de détecter plus rapidement les tendances, et de mettre en place des actions correctives. Idéalement, l’horizon et la fréquence des prévisions sont définis selon la nature des produits et charges couvertes, afin de coller à la réalité économique et au rythme des changements, et non selon un calendrier fiscal sans relation avec les tendances de l’activité.
Concernant l’allocation de ressources, comme dans un modèle de Budgeting classique, des échelles de validation sont instaurées, l’objectif étant cependant de rendre plus dynamique l’allocation des ressources, selon les besoins, les projets et l’évolution de l’environnement externe. Les différences entre le modèle traditionnel et le modèle Beyond Budgeting consistent en plus de liberté accordée aux responsables de centres de profit (investissement dans leur SG&A, dans leur BFR, etc.), mais également la possibilité de soumettre des demandes de capital tout au long de l’année, avec un processus raccourci par rapport au modèle classique.
Le second processus clé dans l’implémentation du Beyond Budgeting, c’est le changement des mentalités et l’instauration d’un système intégré de management par les objectifs, ce que Bjarte Bogsnes appelle « Ambition to Action ».
En effet, pour fonctionner, le Beyond Budgeting nécessite des collaborateurs un fort sentiment d’appropriation et une mentalité responsable des coûts. Par ailleurs, la décentralisation, et la responsabilisation des managers de première ligne nécessitent une plus grande transparence et communication des objectifs à atteindre, une réorganisation de la gouvernance et des processus de validation des décisions et investissements, et de manière plus profonde, le développement d’une culture de la performance, basée sur une saine émulation. Cependant, les collaborateurs ne sont pas les seuls à devoir changer d’état d’esprit. Bien souvent, la première étape à l’implémentation d’un projet de Beyond Budgeting consiste à convaincre le Comité Exécutif et le Conseil d’Administration de la nécessité de transformer l’entreprise et son système de pilotage de la performance, en s’affranchissant du modèle « Command & Control » qu’ils affectionnent.
Par ailleurs, « Ambition to Action », le processus de déclinaison des objectifs stratégiques en objectifs individuels, est réalisé en 4 étapes :
Ces objectifs ne s’inscrivent pas dans une logique de « contrat », comme peut l’être le Budget. Ce ne sont pas non plus des objectifs annuels, mais sont définis et revus par les équipes, selon les évolutions de l’environnement externe. En revanche, la création ou une modification majeure des objectifs est partagée avec un responsable, qui garantit la cohérence avec les objectifs stratégiques du groupe.
Naturellement, nous pourrions penser que le Beyond Budgeting ne s’applique qu’à des structures de petites tailles. Cependant, la remarque ne tient pas devant les entreprises ayant décidé de se transformer : Statoil [chiffre d’affaires 2015 : ~59.8 milliards d’USD], Danone [chiffre d’affaires 2015 : 22.4 milliards d’euros], Schneider [chiffre d’affaires 2015 : 26.6 milliards d’euros], mais aussi Google, Volvo, Hilti, American Express, John Lewis partnership, Nucor, Toyota, …[3]
Avantages
Les adeptes du Beyond Budgeting mettent en avant de nombreux avantages qualitatifs, tels qu’une plus grande adaptabilité et flexibilité à l’environnement et aux contextes volatils, la responsabilisation des employés ou encore un gain de temps important grâce à la disparition du budget.
Des avantages quantitatifs sont aussi observables, comme la réduction des coûts centraux grâce à la décentralisation mais aussi la reconsidération de chaque dépense, que ce soit au niveau de la business unit, du département, de la fonction ou du centre de coûts, le budget ne représentant plus à la fois un plafond de dépenses maximum et une cible à atteindre (voir illustration ci-après).
Comment l’absence de Budget pousse à la réduction des coûts
Prenons comme exemple Danone, qui a lancé son projet Beyond Budgeting en 2015, et qui commente dans son Document de Référence[4] son objectif de développer le BB comme l’un des deux piliers constituant le socle de son nouveau modèle opérationnel :
« L’Entreprise a revu la façon dont elle souhaite piloter sa performance, ses échéances temporelles, les cycles de ses activités, dans son initiative Beyond Budget. Il s’agit d’un changement radical dans la façon dont Danone souhaite désormais allouer ses ressources. Danone remplace ainsi le processus budgétaire classique par un rolling forecast c’est-à-dire une méthode prévisionnelle dynamique basée sur la réalisation, à chaque trimestre, de nouvelles prévisions visant à renforcer la discipline, la flexibilité, l’agilité et la précision de son organisation dans le processus d’allocation des ressources.»
Limites
Plusieurs limites peuvent être adressées au Beyond Budgeting. D’une part, l’absence de Budget peut générer le sentiment d’une perte de contrôle pour le management, que le contrôle soit présumé ou réel, donnant l’impression d’un manque de trajectoire et de « garde-fous » pour les plus « dépensiers ». D’autre part, la décentralisation nécessaire au bon fonctionnement du Beyond Budgeting peut être difficile ou parfois impossible dans certaines organisations, que ce soit pour des facteurs culturels, des logiques industrielles, un manque de confiance envers certaines filiales ou responsables de centres de coûts, … Enfin, la plus importante limite au Beyond Budgeting réside dans la difficulté à mesurer son efficacité : en effet, affirmer de manière catégorique qu’un programme de transformation est la source de l’amélioration directe de la performance d’une entreprise est, par nature, difficile.
Si les avantages du Beyond Budgeting (flexibilité, responsabilisation des employés, allocation de capital plus efficiente,...) liés à la transformation du modèle de management « Command & Control » sont attirants, certains contrôles, notamment RH, nous semblent cependant devoir être renforcés afin d’obtenir les résultats escomptés. Comme le rappelle Jim Collins dans son best-seller Good-to-Great[5], avant de déterminer le quoi faire (stratégie), il faut d’abord recruter les bonnes personnes, et développer une culture d’entreprise d’autodiscipline (« Disciplined people, disciplined thoughts, disciplined actions »). Pour Jim Collins, la bureaucratie, les procédures et les budgets seraient des moyens de contrôler les moins bons éléments de l’entreprise. Et si finalement la clé d’une performance élevée relevait moins de son contrôle (Budget), et davantage de la capacité à identifier les talents présents dans l’organisation, à en recruter de nouveaux, et à leur donner le cadre (formations, outils, culture d’entreprise) et la structure (organisation) leur permettant d’accomplir leurs missions ?
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[1] Beyond Budgeting : How Managers Can Break Free from the Annual Performance Trap (2003)
[3] Source : Beyond Budgeting Institute
[4] Danone, Document de Référence 2015, page 16.
[5] Good to great : why some companies make the leap..and others don’t, Jim Collins, 2001