La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les professionnels produisent plus de 5 millions de tonnes de déchets alimentaires par an. Alors que le contexte réglementaire se durcit en Europe et en France, les professionnels de l’alimentaire doivent limiter leur production de déchets et adopter des solutions de tri et de gestion cohérentes.
Les producteurs professionnels des déchets alimentaires représentent une grande diversité d’acteurs : 7 catégories ont été identifiées. En effet, chaque catégorie présente des caractéristiques qui lui sont spécifiques et peut actionner différents leviers d’optimisation lui permettant d’agir directement sur sa production de déchets alimentaires.
Avant d’envisager une solution de traitement, chaque producteur doit vérifier que son gaspillage est réduit autant que possible : chaque profil peut agir à différents niveaux de la chaîne de production pour réduire, limiter ou éviter la génération de déchets alimentaires.
La réduction des besoins doit être le premier niveau d’action. En effet, cette étape permet de mieux dimensionner son offre par rapport à sa demande et ainsi, d’éviter certaines pertes. Pour cela, divers axes peuvent être envisagés comme l’amélioration de la capacité de prévision des flux des consommateurs, en particulier dans la restauration collective et commerciale, ou la limitation des denrées périmées en investissant par exemple dans des équipements pour prolonger la durée de vie des produits.
Les producteurs professionnels peuvent également optimiser leur processus en améliorant certains de leurs procédés (réglage des machines, réutilisation des matières premières ; mise en place des Meilleures Techniques Disponibles et des Technologies Propres et Sobres dans les industries,... ) et en luttant contre le gaspillage alimentaire [2] . Sur ce dernier point, différentes actions peuvent être adoptées, allant de la simple sensibilisation auprès du personnel et des clients jusqu’à la mise en place de pratiques permettant la consommation de produits alimentaires déjà préparés (doggy-bag, glanage sur les marchés, “stickage” - affichage de stickers indiquant un prix réduit - pour des produits invendus ou proches de leur date limite de consommation,...).
En plus de cela, le changement de certains modes de fonctionnement constitue certes une importante transformation, mais peut permettre de diminuer efficacement sa production de déchets alimentaires. Par exemple, le type de cuisine pratiqué (fait-maison, sur place, externalisée par liaison froide ou chaude), le format des matières premières achetées (brutes ou pré-conditionnées) ou encore la transformation des matières premières effectuées (exigence du cahier des charges sur l’aspect ou le calibre) vont directement impacter la quantité de déchets produits.
Actionner ces différents leviers de progrès, qu’ils permettent une réduction à la source ou l’amélioration de la gestion des pertes et gaspillages, permet non seulement de réduire les déchets générés mais également de réaliser des économies.
Avec l’adoption de directives européennes et de réglementations nationales, l’obligation de gestion des déchets alimentaires par les professionnels producteurs est déjà bien amorcée en France. Et cela devrait se poursuivre avec la diminution du seuil d’obligation de gestion: la réglementation s’appliquera aux professionnels produisant plus de 5 tonnes/an d’ici 2023 avant de se généraliser à tous les producteurs professionnels et ménagers au 31 décembre 2023.
Depuis 2012, de plus en plus de producteurs sont soumis à l’obligation de tri et de valorisation (externe ou in-situ) de leurs déchets et huiles alimentaires.
Années | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2023 | 2024 |
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Déchets alimentaires (t/an) | 120 | 80 | 40 | 20 | 10 | 5 | Généralisation |
Huiles alimentaires (t/an) | 1500 | 600 | 300 | 150 | 60 | N/A | Généralisation |
Actuellement, tous les producteurs de plus de 10 tonnes par an sont concernés soit 20% du gisement des déchets organiques [3]. Cela représente l’équivalent de 150 à 200 couverts journaliers en restauration traditionnelle.
Le non-respect de cette réglementation peut entraîner des sanctions allant jusqu’à 75 000 euros d’amende et 2 ans d’emprisonnement [4].
Deux typologies de solutions permettent aux producteurs professionnels de gérer leurs déchets alimentaires: la collecte séparée ou le traitement in-situ. Ces solutions peuvent s’inscrire à la suite d’une étape de pré-traitement des déchets produits et se finalisent par une valorisation organique ou énergétique.
En amont du traitement, les producteurs professionnels doivent effectuer une phase de tri. Les exigences de ce tri sont définies par la solution de gestion choisie car des restrictions sur les déchets peuvent s’appliquer.
Suite à cela, un pré-traitement peut être effectué sur leurs déchets alimentaires afin de faciliter leur gestion en :
Les solutions de traitement sont multiples : collecte séparée réalisée par la collectivité ou par un prestataire privé, compostage, épandage et méthanisation. Les producteurs professionnels doivent donc sélectionner une solution en se basant évidemment sur les déchets produits mais aussi sur les moyens disponibles (investissements, coûts, employés, espaces) et les éventuels besoins en termes de valorisation.
Des restrictions sur les déchets émis peuvent être appliquées selon la solution choisie. Pour la collecte, les exigences de tri ou de pré-traitement vont dépendre de la collectivité ou du prestataire.
Les solutions in-situ présentent des restrictions variables avec un rapide pré-tri pour la méthanisation, un tri plus exigeant pour le compostage (élimination des déchets graisseux et os) et une réglementation très stricte sur les déchets traités pour l’épandage.
La collecte séparée permet aux producteurs de sous-traiter et de délocaliser le traitement de leurs déchets. Ainsi, cette solution ne nécessite qu’un investissement très faible limité à un potentiel achat de contenants de stockage. Cette solution de gestion peut :
Au contraire, la gestion in-situ nécessite des moyens variables :
L’ensemble des solutions de gestion in-situ permet de valoriser organiquement les déchets alimentaires. Alors que l’épandage répand directement dans les champs les déchets présentant un potentiel agronomique, le compostage et la méthanisation permettent l’obtention respective de compost et de digestat qui peuvent avoir diverses utilisations organiques (engrais, amendement pour structurer les sols, activateur biologique, paillage…).
En plus de cela, la méthanisation permet une valorisation énergétique (chaleur, électricité, biogaz injectable dans le réseau de gaz, bioGNV).
Généralement le choix de la collecte ne permet pas aux producteurs de bénéficier de la valorisation à l’exception de certains prestataires privés qui proposent dans leur offre la récupération d’amendement organique.
En conclusion, les producteurs professionnels font face à 4 principaux enjeux dans la gestion de leurs déchets alimentaires : la réduction des besoins, l’optimisation des processus internes, la maîtrise des coûts externes et l’engagement d’une démarche de responsabilité.
Les deux premiers enjeux cités s’intègrent notamment dans l’adoption d’une démarche d’économie circulaire en amont de la gestion des déchets alimentaires. Que ce soit avec la réduction des besoins ou avec l’optimisation des processus internes, l’objectif est la minimisation des déchets produits avec une consommation responsable au travers de la demande et du comportement du consommateur.
Ensuite, pour choisir la solution de gestion la plus adaptée, le producteur professionnel doit être en mesure de maîtriser ses coûts externes. Pour cela, il peut tout d’abord envisager une réflexion “Make or Buy”. Celle-ci doit alors prendre en compte l’ensemble des coûts et des profits possibles y compris les coûts complets et les différentes formes de valorisation. Une fois la solution de gestion sélectionnée, une démarche d’optimisation des achats peut lui permettre d’obtenir une option plus compétitive : mise en concurrence, négociation, design-to-cost, analyse coûts/bénéfices de la mise en place de pré-traitements,...
Le traitement in-situ ou la collecte séparée des déchets alimentaires peut permettre au producteur d’engager une démarche de responsabilité. Cela s’intègre évidemment dans la démarche RSE de l’établissement mais cela peut s’intégrer plus largement dans l’écosystème local (producteurs, associations, collectivités,...) et engranger des dynamiques positives avec les divers collaborateurs, clients et fournisseurs du professionnel.
Plus qu’une obligation réglementaire, la gestion des déchets alimentaires peut donc être bénéfique pour les producteurs professionnels à différents niveaux.
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[1] Chiffres du panorama des professionnels
Profil socio-économique du commerce de détail alimentaire sur marchés de plein vent, Obea, 2016
Le livre blanc des biodéchets en restauration, Meiko, 2016
Statistiques de l’INSEE : Commerces de gros - Commerces de détail ; Commerce de détail
Estimations après extrapolation à l’échelle métropolitaine de
Mémento 2020 - Industries Agroalimentaires, Agreste, 2020
Commerce et Distribution en Nouvelle Aquitaine, fcd, 2017
Etude de faisabilité de la collecte des déchets organiques ménagers et non ménagers sur le bassin ROMAINVILLE, SYCTOM, Verdicité, 2014
[2] Article Sia Partners - Les limites de la loi EGalim pour lutter contre le gaspillage alimentaire
[3] Article Sia Partners - Les déchets organiques : une filière qui tente de se structurer autour d'un nouveau contexte règlementaire
[4] Article L. 541-46 du Code de l’Environnement