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Fin des tarifs réglementés électricité : une nouvelle étape dans l’ouverture du marché

Depuis le 1er janvier 2016, les tarifs électricité jaune et vert bien connus des professionnels ont disparu. Vingt ans après la première Directive Européenne en faveur de l’ouverture du marché, une nouvelle étape a ainsi été franchie dans la marche vers la concurrence.

Un cadre législatif progressif

Impulsée par l’Union Européenne à partir de 1996, l’ouverture du marché de l’électricité marque une rupture avec le contexte préexistant. Alors que le marché est caractérisé par des monopoles nationaux intégrés, la nouvelle réglementation a pour but de créer un marché intérieur de l’énergie dont l’objectif est triple : garantir la sécurité d’approvisionnement de l’UE, assurer la compétitivité de son économie et contribuer au développement durable.  

La France, en tant qu’Etat membre, s’engage dans cette libéralisation du marché et commence par l’ouverture aux très gros consommateurs (sites de consommation supérieure 100 GWh) en février 1999. Le gouvernement souhaite une « ouverture progressive et maîtrisée afin de laisser au marché un temps d'apprentissage » [1] et adopte ainsi une approche prudente. Cette prudence à l'égard de l'ouverture du marché s'est d'ailleurs avec le temps concrétisée par la création de plusieurs mécanismes transitoires (TaRTAM[2], ARENH[3]), visant à concilier le maintien de tarifs réglementés avec un marché de l'électricité plus volatile. Plusieurs lois sont en outre mises en place et transposent les Directives Européennes de manière successive, élargissant progressivement le périmètre des consommateurs éligibles, c’est-à-dire pouvant librement choisir leur fournisseur et souscrire à des offres de marché.

Dix ans après la première Directive, l’ensemble du marché de l’électricité français est ouvert à la concurrence, pourtant deux procédures contentieuses de la Commission Européenne en 2006 et 2007 contestent le système des tarifs réglementés français. La loi NOME adoptée en 2010 prévoit ainsi de réorganiser le marché électrique pour mieux répondre aux objectifs européens. Vient ensuite la loi Hamon de 2014 qui fixe un calendrier de fin des tarifs réglementés gaz et enrichit celui de la fin des tarifs réglementés jaune et vert pour l’électricité. Ainsi le 31 décembre 2015 sonne la fin des tarifs électricité jaune et vert et marque une étape importante dans le long processus d’ouverture du marché de l’électricité français en définissant de nouvelles règles du jeu.

Un enjeu de taille : convertir plus de 400 000 sites aux offres de marché

Les tarifs jaune et vert devenant caducs au 1er Janvier 2016, les professionnels dont la puissance souscrite est strictement supérieure à 36 kVA ont été contraints de souscrire à une offre de marché auprès du fournisseur de leur choix. Avertis par courrier depuis avril 2014 puis notifiés pour rappel 6 mois puis 3 mois avant la fin de leur contrat en tarif réglementé, les consommateurs ont cependant mis du temps à prendre conscience de la bascule nécessaire fin 2015.

"Finalement, au 1er janvier 2016, environ 88% des sites ont basculé en offre de marché, les autres - soit environ 100 000 sites - passant automatiquement sur une offre par défaut dite « transitoire ». "

En effet, fin septembre 2015, 80% des sites concernés (répartis en 79% pour les clients au tarif vert et 83% pour les clients au tarif jaune)[4] étaient encore en offre au tarif réglementé de vente (TRV) chez leur fournisseur historique.

La bascule s’est ainsi majoritairement concentrée sur le dernier trimestre 2015 et le 21 décembre alors que l’échéance approche, le taux d’offre de marché atteint 70%[5]. Finalement, au 1er janvier 2016, environ 88%[6] des sites ont basculé en offre de marché, les autres - soit environ 100 000 sites - passant automatiquement sur une offre par défaut dite « transitoire ».

Reconnaissons que le planning de la fin des tarifs réglementés était serré : convaincre en six mois les clients de basculer sur une offre de marché dont, pour beaucoup, ils ne connaissent pas les fondamentaux est un enjeu de taille. Le challenge a été important pour les fournisseurs, d’autant plus que les sites concernés, s’ils représentent seulement 1,1% du nombre de sites consommateurs en France, cumulent 56% de la consommation totale[7].

Alors que l’Autorité de la concurrence évoquait une hypothèse de 200 000 sites « inertes »[8] dans son rapport du 2 décembre 2015, la conversion des clients aux offres de marché, bien que délicate à anticiper, semble un succès.

L’offre transitoire, un répit de six mois

A l’aube d’un marché aux nouvelles règles du jeu, l’enjeu est désormais de rester le plus compétitif possible pour les fournisseurs et il reste à court terme 100 000 sites à convaincre de passer en offre de marché.

Selon le mécanisme prévu par la CRE, ces sites ont automatiquement basculé sur une offre par défaut du fournisseur historique dite « offre transitoire ». L’offre transitoire a une durée maximale de six mois. À échéance, c’est-à-dire le 30 juin 2016, elle est automatiquement résiliée, elle ne peut être reconduite et la fourniture d'énergie n'est en principe plus assurée.

L’objectif d’une telle offre est simple : il s’agit d’accorder un répit supplémentaire au client pour changer d’offre et/ou de fournisseur sans frais ni préavis de résiliation. Face au nombre important de sites à basculer et à l’effet couperet prévu par la loi, le gouvernement a décidé de mettre en place une phase transitoire. Le but reste d’inciter le passage en offre de marché des clients et d’atteindre l’objectif de sortie définitive avant le terme de cette seconde phase.

La stratégie est de majorer de 5% en moyenne les prix de l’offre transitoire par rapport aux offres de marché. Le prix majoré a valeur de signal pour le client et doit l’inciter à réagir, cependant son impact resterait limité sans démarche d’information. En effet, le client doit mettre en concurrence les fournisseurs et ainsi développer une approche nouvelle pour ses achats d’énergie. Aux campagnes d’information prévues par la CRE s’ajoutent donc des courriers de prévenance voués à l’aider à anticiper dans cette démarche.

Bien évidemment, il serait illusoire d’espérer que la totalité des clients auront souscrit une offre de marché au terme de l’offre transitoire. Des dispositions devaient être prises pour que des clients « dormants » ne restent pas indéfiniment dans cette offre. Le gouvernement a opté pour la proposition de la CRE qui consiste à attribuer un fournisseur par défaut aux clients résiduels de l’offre transitoire via un mécanisme de mise en concurrence. Il entend ainsi faire contribuer la répartition des sites entre plusieurs fournisseurs à l’ouverture du marché. Le rendez-vous est fixé au 1er juillet pour un nouveau bilan. 

Caroline Boucq & Quentin Derumeaux


Sources

  • Observatoire des marchés de l’électricité et du gaz T3 2015, Commission de Régulation de l’Energie, décembre 2015
  • Fin des tarifs réglementés pour les sites professionnels : chiffres actualisés au 21 décembre, Communiqué de Presse de la Commission de Régulation de l’Energie, 23 décembre 2015
  • Rapport 2015 de la CRE sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel, Dossier de presse de la Commission de Régulation de l’Energie, 1er décembre 2015
  • Rapport de la Cour des Comptes, rapport public annuel, février 2015
  • Avis n°15-A-17 relatif au dispositif d’extinction des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz naturel, Autorité de la concurrence, 2 décembre 2015

Notes

[1] Extrait du site du ministère de l’énergie, de l’environnement et de la mer : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-etapes-de-l-ouverture-a-la....

[2] TaRTAM : Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement de Marché. Tarif spécifique mis en place le 1er janvier 2007, dédié aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité et souhaitant revenir au tarif réglementé de vente. Il n’est plus accessible depuis le 30 juin 2010.

[3] ARENH : Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique. Dispositif institué par la loi NOME en 2010 et donnant droit aux fournisseurs alternatifs de recourir à des volumes définis d’électricité nucléaire à un tarif fixe.

[4] Selon les chiffres de la CRE publiés le 23/12/2015.

[5] Selon les chiffres de la CRE publiés le 23/12/2015.

[6] Selon les chiffres de la CRE publiés le 13/01/2016.

[7] Selon les chiffres de la CRE de septembre 2015.

[8] Selon l’avis n°15-A-17 de l’Autorité de la concurrence de décembre 2015.