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FOREX : le fonctionnement d'un marché complexe

Le marché des changes (Forex), marché le plus liquide (4000 Mds de dollars de transactions quotidiennes) et le plus concentré (50% des transactions effectuées par seulement 4 banques[1]) a connu de profondes transformations durant la deuxième moitié du XXème siècle.

Les échanges sur devises ont notamment connu une libéralisation croissante qui a mené à une explosion de leur volume, avec la mondialisation des échanges commerciaux, la suppression du ticket d'entrée pour les investisseurs particuliers et la démultiplication des plateformes de trading électronique sur le Forex.

Volumes échangés quotidiennement sur le marché des changes (1998-2010).

Source : Triennial Central Bank Survey of FX Exchange and Derivatives Market 2010

 

Ce marché est aujourd'hui auto-organisé par les acteurs publics et privés qui y interviennent. Des régulateurs locaux ont certes vu le jour comme l'AMF en France, la FINMA en Suisse ou encore la CFTC aux États-Unis, toutefois la réglementation du Forex est d'autant plus difficile qu'il n'existe à ce jour aucune autorité à l'échelle mondiale compétente et légitime pour l'encadrer. Les récents soupçons de fraude et de possibles manipulations des cours qui pèsent sur certaines banques ont remis cette problématique au coeur du débat financier.

Un marché concentré

L'économie mondiale dans sa globalité pâtit des fortes fluctuations sur les marchés des changes, car le système commercial international a besoin de monnaies stables pour pouvoir se développer. Paradoxalement, la libéralisation du marché des changes à la fin des années 90 a conduit à une plus grande concentration des acteurs : si le nombre d'acteurs a rapidement crû cette dernière décennie, une proportion de plus en plus significative du volume total des échanges est traitée par un cercle restreint d'acteurs.

L'absence de régulation concertée sur ce marché semble à l'origine de ce qui pourrait représenter aujourd'hui une des plus grandes manipulations de cours financiers de l'histoire récente. Après le scandale du LIBOR, des autorités de régulation des marchés aux États-Unis, en Angleterre et en Suisse étudient actuellement une éventuelle manipulation sur ce marché. À ce jour une douzaine de banques (dont Deutsche Bank, Citi, Barclays, RBS, Goldman Sachs, Lloyds et Standard Chartered) auraient été sommées par le régulateur des services financiers de New York de transmettre emails et messages instantanés échangés par leurs traders[2]. Au surplus une vingtaine de traders auraient été licenciés ou auraient démissionné[3]. Des soupçons portent depuis juin 2013 sur une manipulation des indices World Markets/Reuters (WM/Reuters) sur lesquels se basent la plupart des échanges de gré à gré du marché des changes.

Mécanisme des indices W/M Reuters

Le processus de fixation des taux WM/Reuters passe par la récolte de toutes les transactions effectuées sur chaque devise pendant une minute toutes les demi-heures. Si le volume de transaction est insuffisant il est complété par les ordres d'achat et de vente. Le taux de change de référence publié est la médiane de ces éléments récoltés. Recourir à la médiane permet d'éliminer les valeurs extrêmes. Néanmoins, la multiplication intentionnelle de transactions à petits volumes ou d'ordres d'achat ou de vente, sans transaction réelle, pendant la période de récolte des données permet d'influer de manière non négligeable sur la fixation du taux, tout particulièrement sur les monnaies les moins liquides. Il est en effet d'autant plus facile de manipuler le cours de change que le nombre de transactions sur ces 60 secondes est faible. Dans le cadre de l'enquête en cours, les autorités de régulation suspectent une entente entre certains traders : selon des témoignages anonymes, des traders auraient mis en place un mécanisme de coordination leur permettant de passer des ordres allant dans la même direction et à des moments prédéfinis. Ils auraient ainsi pu influer sur le cours des indices dans le sens qui rendaient leurs positions avantageuses.

Un manque de confiance né de soupçons de manipulations des cours pourrait avoir un impact à très grande échelle. Le volume des transactions quotidiennes et la multiplicité des bourses d'échange ont longtemps été mis en avant pour justifier l'absence de régulation. La concentration des acteurs et les pratiques suspectes sur les marchés financiers battent cet argument en brèche ; les autorités de contrôle enquêtent actuellement sur des malversations qui pourraient avoir des conséquences pires que celles intervenues récemment sur le LIBOR et qui, si elles s'avéraient, pourraient légitimer la mise en place d'un système de supervision et d'encadrement du Forex.

 

 

Notes & Références:

[1] UBS (10,1%), Citigroup (14,9%), Barclays (10,2%), Deutsche Bank (15,2%) - Source : Sondage Euromoney 2013

[2] L'AGEFI Quotidien - Édition de 7H, 07/02/2014

[3] ibid.